Présentation
Le fichier. Cette technique ancienne de collecte des données a pris une nouvelle ampleur avec les dernières évolutions technologiques. Son actualité est incontournable : les fichiers des services secrets, comme ceux de la NSA ou des services français après la récente loi sur le renseignement, ou encore les fichiers des grandes multinationales de l'Internet, comme Google, Amazon, ou Facebook, illustrent, notamment, la centralité du thème du Fichier dans le débat public.
En matérialisant une volonté de collecte systématique et structurée de données, le fichier apparaît comme immémorial, symbolisant un désir d'omniscience et de maîtrise par l'information. Cette ambition poursuit cependant des finalités distinctes.
Le fichier, en tant qu'instrument de collecte d'informations, semble de prime abord attaché à l'Etat, dont il a historiquement contribué à construire la puissance politico-administrative.
Dans un premier temps, « l'Etat-Gendarme » a développé des fichiers afin d'assurer le maintien de l'ordre public et le contrôle social : on pourrait alors parler du fichier de police, utilisé à des fins de surveillance. Comment les forces de sécurité usent-t-elles du fichier ? De quelle façon le fichier est-il employé lors de l'enquête et du procès ? Quels équilibres entre la constitution et l'exploitation des fichiers de police et la garantie des libertés ?
Dans un second temps, avec « l'Etat-Providence », le fichier devient également un instrument de réalisation du service public, les données permettant d'améliorer la définition et l'exécution des activités d'intérêt général. Cette nouvelle fonction soulève des interrogations réelles : comment est engagé, mené et contrôlé le processus de collecte d'informations utiles voire nécessaires au service public ? Dans quelle mesure les données recueillies servent-elles au financement du service public, grâce à leur exploitation économique ? Quid de la menace d'interconnexion des fichiers ? Comment ce développement des fichiers contribue-t-il à alimenter le discours du « nouveau management public », mettant en avant la nécessaire performance publique ? In fine, le fichier contribue-t-il, malgré les craintes qu'il suscite, à la vie sociale, au bien-être collectif ?
Si les fichiers sont traditionnellement des instruments de la puissance publique, on ne peut négliger ceux des entreprises, qui montent véritablement en puissance, en particulier depuis les dernières innovations technologiques.
En apparence, le fichier est avant tout un vecteur d'enrichissement, un outil d'optimisation des profits. Les fichiers clientèles, le fichage des habitudes des consommateurs sont, notamment, autant de moyens de communication, d'adaptation des offres et, finalement, d'imposition des produits des entreprises. Comment les collectes de données se réalisent-elles dans cette perspective ? Quelles sont les modalités de leur exploitation ? Qui pourra arguer de la propriété des fichiers ainsi constitués ? Comment le fichier contribue-t-il à la guerre économique à travers son utilisation à des fins d'intelligence économique ? Quel sort pour les libertés de l'internaute et, de manière plus générale, de la personne dans cette marchandisation du fichier ?
On aurait toutefois tort de percevoir le fichier des entreprises comme une seule source d'enrichissement. L'entreprise est un organe social, une société en miniature : dans cette optique, le fichier est le moyen d'asseoir un ordre intérieur, il permet la recherche d'une certaine discipline sociale : le fichage des salariés selon leurs qualités professionnelles, leurs opinions politiques, syndicales y contribue. Ici encore, la problématique de la marge de manœuvre des entreprises pour constituer et exploiter ces fichiers se pose, ainsi que celle du sort des garanties individuelles et collectives.
Les 26 et 27 novembre 2015, le colloque consacré au Fichier, organisé par le Centre de Recherche Juridique Pothier de l'Université d'Orléans, proposera une réflexion collective sur ces questions d'une brûlante actualité.
Programme Scientifique
Jeudi 26 novembre, après-midi
Ficher pour surveiller et punir*
Sous la présidence de Jean Frayssinet
Professeur émérite de droit public, Aix-Marseille Université
14h-14h05. - Mots d'accueil, François Priet, Professeur de droit public, directeur adjoint du Centre de Recherche Juridique Pothier, Université d'Orléans.
14h05-14h25. - Transparence et réforme de la police: de Guillauté à Bertillon, archéologie du fichier de police, Dominique Messineo, Maître de conférences en histoire du droit, Université d'Orléans.
14h25-14h45. - Les fichiers des services de renseignement,Fouad Eddazi, Maître de conférences en droit public, Université d'Orléans.
14h45-15h05. - Interpol et ses fichiers, Jean Frayssinet,Professeur émérite de droit public, Aix-Marseille Université.
15h05-15h25. -Les divergences transatlantiques dans l'exploitation des fichiers privés dans la lutte contre le terrorisme: droit positif et prospective, Philippe Charles-Albert Guillot, Maître de conférences en droit public, Ecole de l'Air.
15h25-15h50 . - Pause.
15h50-16h10. - Le contrôle du juge international sur la collecte, le stockage et l'utilisation massifs des données personnelles, Julien Cazala, Maître de conférences en droit public, Université d'Orléans, détaché auprès de l'Université Galatasaray (Istanbul).
16h10-16h30. - La garantie du droit à la vie privée face au fichier, Vanessa Barbé, Maître de conférences en droit public, Université d'Orléans.
16h30-16h50. - Fichiers et manifestation de la vérité dans le procès pénal, Vincent Sizaire, Magistrat, Maître de conférences associé à l'Université Paris Ouest Nanterre La Défense
16h50-17h10. - Réflexions sur la nature et les fonctions du fichier en droit pénal, Sébastien Pellé, Professeur de droit privé, Université de Pau et des Pays de l'Adour.
1710-17h30. - Questions.
*(Librement inspiré de Michel Foucault, auteur de Surveiller et Punir, 1975)
Vendredi 27 novembre, matin
Ficher, c'est encore administrer *
Sous la présidence de Jacques Chevallier
Professeur émérite de droit public, Université Paris II Panthéon-Assas
9h : Accueil
9h30-9h50. - Le fichier: instrument d'action de l'administration, Jacques Chevallier, Professeur émérite de droit public, Université Paris II Panthéon-Assas.
9h50-10h10. - Le fichier: outil de performance du service public, Grégory Spieth, Maître de conférences en sciences de gestion, Université d'Orléans.
10h10-10h30. - Le fichier: outil de financement du service public, Arnaud Sée, Professeur de droit public, Université de Picardie - Jules Verne (CURAPP-ESS).
10h30-10h50 . - Pause.
10h50-11h10. - La transparence de l'action administrative à l'épreuve du fichier, Jean-François Kerléo, Maître de conférences en droit public, Université Jean Moulin Lyon 3.
11h10-11h30. - Le fichier, moyen d'inclusion de l'administré et du gouverné au sein de la collectivité, Julien Thomas, Maître de conférences en droit public, Université de Rouen.
11h30-12h. - Questions.
*(Librement inspiré d'Henrion de Pansay, auteur de la formule «juger l'administration, c'est encore administrer», 1827)
Vendredi 27 novembre, après-midi
Ficher car le savoir lui-même est pouvoir économique *
Sous la présidence de Nathalie Mallet-Poujol
Directrice de Recherche au CNRS, Université Montpellier I
14h-14h20. - A qui appartiennent les fichiers?, Valérie-Laure Benabou, Professeure de droit privé, Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines.
14h20-14h40. - La collecte et l'exploitation des données sur les concurrents: les fichiers de l'intelligence économique, Bertrand Warusfel, Professeur de droit public, Université de Lille 2.
14h40-15h. - Le fichage de l'internaute, Nathalie Mallet-Poujol, Directrice de recherche au CNRS, Université Montpellier I.
15h-15h20 : Pause
15h20-15h40. - Les fichiers de contrôle interne à l'entreprise: le cas des salariés, Damien Chenu, Maître de conférences en droit privé, Université d'Orléans.
15h40-16h. - Les fichiers de contrôle externe à l'entreprise: le cas des assurés, Matthieu Robineau, Maître de conférences en droit privé, Université d'Orléans.
16h-16h20. - Les fichiers de contrôle des indésirables,Stéphanie Mauclair, Maître de conférences en droit privé, Université d'Orléans.
16h20-16h40. - Questions.
*(Librement inspiré de Francis Bacon, auteur de la formule «Nam et ipsa scientia potestas est», soit «En effet le savoir lui-même est pouvoir», 1597)
Inscription, renseignements et contacts
Manifestation validée au titre de la formation continue des avocats
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