Présentation
Peu de juristes s'identifieraient aujourd'hui en France au « jusnaturalisme ». Quelques-uns de nos grands auteurs (M. Villey ou G. Kalinowski) ont développé naguère une pensée fondée sur le droit naturel, mais dans une certaine marginalité. Non moins pertinents, leurs héritiers contemporains (A. Sériaux, F. Chénédé, M. Bastit) éprouvent un isolement doctrinal tout aussi sévère qu'injustifié. Ce faible intérêt pour le droit naturel n'est pas nouveau en France et ne date pas de l'avènement du normativisme. Il est lié, nul doute, à la spécificité de la culture juridique française qui, longuement imprégnée dans un premier temps de méthode historique, puis de légicentrisme, s'est presque exclusivement tournée vers l'étude des sources formelles du droit. Il est lié, par ailleurs, à la faible place occupée par la philosophie du droit dans les études juridiques.
Cette situation contraste singulièrement avec celle que l'on peut trouver à l'étranger où nombreux sont les juristes et théoriciens qui représentent actuellement des doctrines du droit naturel ou de « l'antipositivisme ». Leurs sources d'inspiration sont diverses. Aucune ne soutient la thèse, que veut leur attribuer H. Kelsen, selon laquelle le contenu des règles du droit positif serait censée être la « reproduction » du contenu d'un ordre normatif moral dont la validité préexiste à celle du droit (General Theory of Law and State, HUP 1945, p.416). Aussi la figure repoussoir du normativiste n'existe-t-elle pas–ou plus. Certaines théories appréhendent le droit sous l'angle des finalités, que ce soit dans le cadre d'une approche néothomiste (J. Finnis, J. Hervada), ou d'une conception « aspirationnelle » du droit qui résiste à la réduction de l'institution à son caractère instrumental (L. Fuller, N. Simmonds). D'autres (G. Radbruch) ont cherché à clarifier la distinction entre la règle positive simplement immorale, et la loi dont l'iniquité est telle qu'elle en perd son caractère juridique. L'objectif, enfin, a été pour certains théoriciens de penser, chacun pour des raisons différentes, l'émergence du droit par-delà les sources formelles (R. Dworkin, N. Stavropoulos, R. Alexy, G. Pavlakos).
Ce programme de travail a un objectif très simple : résister à la relégation du droit naturel au champ de l'histoire des idées, et montrer que cet objet d'étude, loin d'être moribond, adopte désormais de nouveaux visages–bien souvent pour éviter de se voir attribuer une étiquette stigmatisante.
Programme
Jeudi 28 Janvier
Séance inaugurale
16h30 : Connexion
17h00 : L'indicible droit naturel en droit administratif
David Mongoin, Professeur à l'Université Lyon 3 Jean Moulin
L'usage inavouable de l'équité en droit administratif
Nicolas Sild, Professeur à l'Université Toulouse Capitole
La théorie jurisprudentielle du ruissellement des droits et libertés fondamentaux comme néo–jusnaturalisme ?
Eric Desmons, Professeur à l'Université Sorbonne Paris-Nord
Droit naturel et droit de la nature. Du « vivant » au « droit »
Manon Altwegg-Boussac, Professeure à l'Université Paris-Est Créteil
Droit naturel et droit de la société. Du « social » au « droit »
Noé Wagener, Professeur à l'Université Paris-Est Créteil
19h30 : Fin
Jeudi 4 Février
Être antipositiviste aujourd'hui ?
16h30 : Connexion
17h00 : Contrainte, attentes mutuelles et caractère relationnel du droit. Repenser la normativité avec G. Pavlakos
Themistoklis Raptopoulos, Docteur en droit, Université Panthéon-Assas
Qui gouverne par le droit renonce à l'exercice quotidien de la violence. Repenser la domination juridique avec N. Simmonds
Gregory Bligh, Maître de conférences à l'Université Paris-Est Créteil
Repenser le statut et la fonction juridiques des principes de liberté, d'égalité et de fraternité avec la notion de Bien commun de J. Finnis ?
Marc Cottereau, Docteur en droit, Université Toulouse Capitole
La légistique, ou le droit naturel éclipsé par le positivisme juridique ?
Marc Piton, Doctorant en droit, Université Paris-Est Créteil
Les voies révolutionnaires du contrôle de naturalité. Solution pour un problème démocratique contemporain ?
Marie Cretin Sombardier, Maître de conférences à l'Université Paris-Est Créteil
Vers une théorie jusnaturaliste de l'interprétation ? S'inspirer de M. Greenberg
Thomas Acar, Docteur en droit, Université Paris-Ouest Nanterre
19h00 : Fin
Vendredi 5 Février
9h20 : Connexion des participants, résolution de problèmes techniques
9h30 : Propos d'accueil
Stéphane De La Rosa, Directeur du laboratoire M.I.L.
9h45 : Bref bilan des premières séances
Gregory Bligh & Nicolas Sild
10h00 : Le droit naturel classique : philosophie du droit civil ?
François Chénedé, Professeur de droit à l'Université Lyon 3 Jean Moulin
10h30 : Discussion
11h00 : Le droit naturel procédural selon Lon Fuller : enseignements et potentialités
Jérémie Van Meerbeeck, Professeur de droit à l'Université Saint-Louis, Bruxelles
11h30 : Discussion
12h00 : Pause déjeuner
14h00 : Le sens focal du droit. Le droit naturel et les méthodes de la philosophie du droit
Mathieu Carpentier, Professeur de droit à l'Université Toulouse Capitole
14h30 : Discussion
15h00 : Le droit naturel et le phénomène juridique
Denis Baranger, Professeur de droit à l'Université Panthéon-Assas
15h30 : Discussion
16h00 : Droit naturel et nature du droit
Pierre-Yves Quiviger, Professeur de philosophie à l'Université Panthéon-Sorbonne
16h30 : Discussion
17h00 : Fin de la journée
Jeudi 11 Février
Un impensé jusnaturaliste dans le droit contemporain ?
16h50 : Connexion
17h00 : Le droit naturel dans la question du mariage pour tous
Alexandre Viala, Professeur à l'Université de Montpellier
Références à la nature dans le traitement juridique des questions bioéthiques en France et en Allemagne
Laurie Marguet, Maître de conférences à l'Université Paris-Est Créteil
L'équité en droit civil : une résurgence du raisonnement de droit naturel ?
Flora Vern, Maître de conférences à l'Université catholique de Lyon
Le droit naturel applicable aux relations internationales. Un passé révolu ?
Laurent Trigeaud, Maître de conférences à l'Université Panthéon-Assas
Actualité du droit naturel dans la pensée militaire contemporaine. L'éthique militaire du général Jean-René Bachelet
Paul Chauvin-Madeira, Maître de conférences à l'Université de Tours
19h00 : Fin
Vendredi 12 Février
8h30 : Connexion des participants, résolution de problèmes techniques
8h40 : Bref bilan des séances antérieures
Gregory Bligh & Nicolas Sild
9h00 : L'obligation naturelle : une voie d'accès au droit naturel
Alain Sériaux, Professeur de droit à l'Université d'Aix-en-Provence
9h30 : Discussion
10h00 : La peine, à la recherche de la justice
Claudia Ghica-Lemarchand, Professeur de droit à l'Université Paris-Est Créteil
10h30 : Discussion
11h00 : Philosophie du droit naturel et philosophie pénale
Christophe Béal, Professeur de philosophie en CPGE - Tours, Dir. prog. Collège international de philosophie
11h30 : Discussion
12h00 : Pause déjeuner
14h00 : Cosmopolitisme et droit naturel des stoïciens : un regard d'internationaliste
Olivier de Frouville, Professeur de droit à l'Université Panthéon-Assas
14h30 : Discussion
15h00 : Le positivisme actuel de la bioéthique et l'histoire spirituelle de l'Occident
Xavier Dijon, Professeur de droit à l'Université de Namur
15h30 : Discussion
16h00 : Conclusion générale
Jean-François Kervégan, Professeur de philosophie à l'Université Panthéon-Sorbonne
16h45 : Discussion
17h00 : Fin
L'intégralité des séances se tiendra sous forme de visioconférences. Pour recevoir les liens de connexion et assister aux séances, prière de vous inscrire en écrivant aux deux organisateurs : greg.bligh@yahoo.fr - nicolassild@hotmail.com
Organisé pour l'Université Paris-Est Créteil, Laboratoire Marchés, Institutions, Libertés (EA 7382) par Nicolas Sild, Agrégé de droit public, Professeur à l'Université Toulouse 1 Capitole et Grégory Bligh, MCF à l'Université Paris Est Créteil