Présentation
Particulièrement attentatoire à la dignité de l'homme, au même titre que la torture, l'esclavage fait l'objet d'une prohibition relativement ancienne et d'une grande fermeté. Enoncée dans la convention de Genève relative à l'esclavage du 25 septembre 1926, la prohibition absolue de l'esclavage, quelles que soient les circonstances, est reprise dans l'ensemble des déclarations et conventions protectrices des droits de l'homme. Au sein des Etats, l'abolition est progressive.
Le Pakistan clôt, en 1992, un processus engagé deux siècles auparavant en 1777 (abolition de l'esclavage dans le Vermont). La réduction en esclavage, autrefois rouage de l'économie (traite négrière), est devenue un crime contre l'humanité (art. 7 Statut CPI).
L'esclavage institutionnel n'existe plus, mais il doit désormais être saisi dans sa réalité factuelle afin de lutter efficacement contre tous les trafics et toutes les formes d'exploitation ayant pour objet des êtres humains, hommes, femmes et enfants. Il perdure dans toutes les régions du monde y compris dans ses manifestations les plus archaïques comme en attestent les marchés aux esclaves en Libye et le traitement réservé aux femmes Yézidies par l'Etat islamique.
L'esclavage est non seulement une réalité contemporaine, mais il est également un amer souvenir de la conquête du monde et de la colonisation par les européens.
Quelles réponses juridiques, quels recours offrir aux victimes de cette pratique odieuse ? Quelle signification revêt ou devrait revêtir l'esclavage sans pour autant diluer la notion en l'appliquant à des situations licites dans certains Etats (notamment la gestation pour autrui) ? Quelle distinction opérer entre esclavage, servitude, travail forcé et traite ? Quelle valeur possède le consentement de la victime à son exploitation ? Comment affronter l'esclavage dans ses multiples modalités ainsi que dans ses dimensions spatiales et temporelles ?
L'esclavage est une pratique d'hier et d'aujourd'hui. Les plaies du passé peinent à cicatriser ; le ressentiment des descendants d'esclaves demeure vivace. Entre devoir de mémoire et réparation, comment assumer le passé ? Au présent, la lutte contre l'esclavage associe tant les Etats que les opérateurs privés, en particulier à travers le devoir de vigilance imposé à certaines entreprises multinationales afin d'éviter qu'elles n'entretiennent indirectement le phénomène par leurs filiales ou sous-traitants établis à l'étranger. Le colloque a pour ambition de réfléchir à ces différentes questions et aux réponses qu'elles sont susceptibles de recevoir.
Programme
Jeudi 23 janvier 2020
9h30 : Accueil des participants
10h00 : Discours d'ouverture
Sylvie O'Dy, Présidente du Comité Contre l'Esclavage Moderne (CCEM)
10h30 : Introduction : Les abolitions de l'esclavage et la persistance du phénomène
Fabien Marchadier, Professeur à l'Université de Poitiers
I - Compréhension de l'esclavage et de la traite des êtres humains
Sous la présidence de David Szymczak, Professeur à Sciences Po Bordeaux
10h55 : Esclavage, servitude et travail forcé
Michel Erpelding, Senior Research Fellow, Max Planck Institute Luxembourg for Procedural Law
11h20 : La question de la traite
Frédéric Kurz, membre du Groupe d'experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA)
11h45 : Débats
Pause déjeuner
14h00 : La servitude volontaire : quelle valeur pour le consentement ?
Amélie Dionisi-Peyrusse, MCF-HDR à l'Université de Rouen
II- Assumer le passé de l'esclavage et de la traite des êtres humains
Sous la présidence de Sébastien Touzé, Professeur à l'Université Panthéon-Assas, Membre du Comité contre la torture des Nations Unies
A/ Se souvenir
14h25 : Reconnaissance, apologie, négationnisme
Thomas Hochmann, Professeur à l'Université de Reims Champagne-Ardenne
14h50 : Débats
B/ Juger
15h20 : La réparation de la traite négrière
Kelly Picard, Maître de conférences, Université Jean Monnet de Saint-Etienne
15h45 : Le cas des comfort women
Muriel Ubéda-Saillard, Professeur à l'Université de Lille
16h10 : Les séquelles de l'esclavage devant la Cour interaméricaine des droits de l'homme
Laurence Burgorgue-Larsen, Professeur à l'Université de Paris 1-Panthéon Sorbonne
16h35 : Pause - Débats
III- Affronter la réalité contemporaine de l'esclavage et de la traite des êtres humains
Sous la présidence de Sylvie O'Dy, Présidente du Comité Contre l'Esclavage Moderne (CCEM)
A/ Réprimer
17h05 : L'obligation de pénaliser
Jean-Paul Costa, Président de la Cour européenne des droits de l'homme, Président de la Fondation Cassin
17h30 : L'identification des situations d'esclavage moderne et la poursuite des auteurs
Nicolas Le Coz, Officier de la gendarmerie nationale, ancien Président du Groupe d'experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA)
18h00 : Fin de la 1ère journée
Vendredi 24 janvier 2020
B/ Réparer
9h00 : L'immunité civile de l'exploitant
Laure Milano, Professeur à l'Université de Montpellier
9h25 : La compétence (quasi-)universelle du juge français
Etienne Farnoux, Professeur à l'Université de Strasbourg
9h50 : Le recours au juge américain
Patrick Kinsch, Professeur à l'Université du Luxembourg
10h15 : Débats - Pause
10h45 : Le préjudice de la victime de l'esclavage devant les juridictions sociales françaises
Jean-Philippe Lhernould, Professeur à l'Université de Poitiers
11h10 : Débats
Pause déjeuner
C/ Protéger
14h00 : La protection de la victime de l'esclavage par le juge de l'asile
Philippe Lagrange, Professeur à l'Université de Poitiers
14h25 : Enchaînement, dislocation, commodification : l'esclavage dans les chaines de valeur globales
Horatia Muir Watt, Professeur à SciencesPo Paris
14h50 : L'engagement de la FIFA (l'influence des principes directeurs sur les entreprises et les droits de l'homme)
Franck Latty, Professeur à l'Université Paris Nanterre
15h15 : Débats
15h45 : Conclusions
Emmanuel Decaux, Professeur à l'Université Paris 2-Panthéon Assas
Inscription et renseignements : Elisabeth Rebillier, 15 rue Sainte Opportune, Bât. E10 - TSA 81100, 86073 Poitiers Cedex 09 : elisabeth.rebillier@univ-poitiers.fr – tel. : 05-49-36-64-40
Colloque validé au titre de la formation continue des avocats.
Organisé sous la direction de Fabien Marchadier, Professeur à l'Université de Poitiers, sous le parrainage de la Fondation René Cassin, Institut international des droits de l'homme