Présentation
La confiance apparaît depuis quelques années comme le nouvel horizon du discours politique dans le climat de méfiance voire de défiance qui règne dans les sociétés démocratiques. Cela se traduit positivement dans l'intitulé de différents textes de loi : « confiance dans la vie publique » (2017), « Etat au service d'une société de confiance » (2018), « école de la confiance » (2019), « confiance dans l'institution judiciaire » (projet de loi 2021).
Le colloque organisé par le CRJFC porte sur un champ de réflexion que les juristes ont délaissé depuis deux siècles au profit des sociologues, psychologues, économistes, philosophes : la confiance publique. Il vise à en donner une définition juridique et à se demander si elle peut tenir lieu de notion cardinale du droit.
Deux questions doivent dès lors être posées :
1° la confiance publique est-elle le fondement du droit et de l'Etat, c'est-à-dire, le fondement même de la puissance publique ?
2° l'Etat peut-il, au moyen du droit, instaurer la confiance publique, poser les conditions de son établissement, dans tous les champs de l'activité humaine : monétaire, économique, sociale, politique, juridique même ?
Dans son rapport à l'Etat, la confiance publique peut être provisoirement définie comme l'état de croyance collective dans l'Etat en tant que puissance institutionnelle de réalisation du bien commun et en tant qu'il contribue à poser les conditions de base de l'établissement de cette confiance publique. Plus précisément, juridiquement, elle est, d'une part, l'ensemble des manifestations positives de l'acceptation générale, par ses agents et plus généralement les citoyens, de l'autorité étatique et des institutions-personnes ou institutions-choses s'y rattachant, et, d'autre part, l'ensemble des moyens institutionnels, normatifs et procéduraux permettant d'entretenir cette croyance collective dans la légitimité de l'autorité étatique. Ce faisant, la confiance publique se distingue de la légitimité. Cette dernière notion ne s'applique qu'aux institutions-personnes (on ne dira pas d'une institution-chose telle que la monnaie, qu'elle est « légitime »), tandis que la confiance publique porte aussi sur les institutions-choses. En outre, alors que le concept de légitimité fait partir toute l'analyse juridique de l'Etat, non de sa base sociale, la notion de confiance publique déplace ou étend la réflexion en partant de la société civile et de la confiance qui s'y installe en partie grâce à l'action de l'Etat. Plus largement, il peut donc y avoir confiance des gouvernés dans les gouvernants (légitimité), mais aussi des gouvernants à l'égard des gouvernés, ou encore confiance entre cocontractants, entre citoyens, entre gouvernants, ou dans les institutions, normes, procédures, ou même, plus abstraitement, dans le fonctionnement général du système juridique.
La confiance publique a aussi un autre rapport au temps que celui qu'entretient la légitimité : elle est l'espérance fondée que le droit (i.e. ses auteurs, interprètes, gardiens) apportera des réponses satisfaisantes aux attentes d'une personne ou d'un groupe, et donc l'espoir que la parole, la promesse, ou l'engagement écrit ou oral d'une autre personne ou d'un autre groupe sera tenu. Enfin, le concept de légitimité ne s'intéresse pas à la fonction proprement juridique des croyances collectives dans le processus de fondation du droit et de l'Etat. La « violence physique légitime », dont l'Etat aurait le monopole selon la fameuse formule de Max Weber, trouve donc dans la confiance publique un concept plus fondamental encore, sur lequel non seulement repose le critère de la puissance publique (l'Etat doit avoir au moins la confiance des personnels de la police et de l'armée, et, au mieux, en plus, celle de la collectivité humaine), mais qui en outre englobe le concept de légitimité politique dans tout un appareil de notions juridiques (question de confiance, sécurité juridique, confiance légitime, chapitre sur la confiance publique dans le code pénal, droit des assurances, trust, abus de confiance, tiers de confiance, bonne foi, etc.) et non simplement politiques ou sociologiques.
Programme
Jeudi 29 septembre 2022
8h30 : Accueil
8h50 : Allocutions d'ouverture
9h10 : Propos introductifs
Eric Desmons, Professeur de droit public, Université Paris 13
La confiance démocratique
Sous la présidence d'Eric Desmons
9h30 : La confiance dans les gouvernants : comment la penser en droit constitutionnel ?
Alain Laquièze, Professeur de droit public, Université Paris Cité
9h50 : La confiance en matière référendaire
Christophe Geslot, Maître de conférences HDR en droit public, Université de Franche-Comté
10h10 : La confiance dans le processus électoral
Marie-Odile Peyroux-Sissoko, Professeure de droit public, Université de Franche-Comté
10h30 : Débats-Pause
La confiance étatique
Sous la présidence d'Eric Desmons
11h00 : La confiance dans l'institution judiciaire, sa place et ses éclipses
Boris Bernabé, Professeur d'histoire du droit, Université Paris-Saclay, Doyen de la Faculté Jean Monnet
11h20 : La confiance dans la justice pénale
Fabienne Terryn, Maître de conférences en droit privé, Université de Franche-Comté
11h40 : La confiance de l'administré dans la juridiction administrative
Alexandre Ciaudo, Professeur de droit public, Université de Franche-Comté
12h00 : La confiance des administrés en tant que norme de référence du contrôle de la légalité des actes administratifs. Le cas du droit polonais
Piotr Ostrowski, Doctorant, Université Adam Mickiewicz de Poznań (Pologne)
Wojciech Piątek, Professeur, Université Adam Mickiewicz de Poznań
12h20 : Débats
Pause déjeuner
14h00 : Confiance et subjectivisation du droit administratif
Jacques Petit, Professeur de droit public, Université Rennes I
14h20 : La loyauté de l'agent public
14h40 : La confiance au cœur du fédéralisme, l'exemple des Etats-Unis
Maud Michaut, Docteure en droit public, Université Paris II Panthéon-Assas
15h00 : Débats-pause
La confiance internationale
Sous la présidence d'Evelyne Lagrange
15h30 : La confiance et l'Union européenne : mutuelle défiance ou confiante reconnaissance ?
Pierre-Yves Monjal, Professeur de droit public, Université de Tours
15h50 : La confiance dans les instances de gouvernance internationalisée ?
Evelyne Lagrange, Professeure de droit public, Université Paris I Panthéon-Sorbonne
16h10 : Pandémie et confiance dans le discours des institutions internationales
Hélène De Pooter, Maître de conférences en droit public, Université de Franche-Comté
16h30 : La confiance dans le système commercial multilatéral
Clotilde Fortier, Professeure de droit privé, Université de Bourgogne
Hélène Tourard, Maître de conférences HDR en droit public, Université de Bourgogne
16h50 : La confiance publique dans l'étau du droit des investissements internationaux
Leila Lankarani, Professeure de droit public, Université de Franche-Comté
17h10 : Débats
17h30 : Fin de la journée
Vendredi 30 septembre 2022
8h30 : Accueil
La confiance financière
Sous la présidence de Christophe de la Mardière
9h00 : Confiance, prévention et gestion des crises bancaires
Emmanuel Susset, Adjoint au conseiller national à la sortie de crise, Ministère de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique
9h20 : La confiance dans les sociétés cotées : l'exemple des codes de gouvernance
Olympe Dexant-de Bailliencourt, Professeure de droit privé, Université de Franche-Comté
9h40 : Le non principe de confiance légitime en droit fiscal
Christophe de la Mardière, Professeur de droit public, Conservatoire national des arts et métiers
10h00 : Loi organique relative aux lois de finances et confiance
Alain Lambert, Président du Conseil national d'évaluation des normes, ancien Ministre du Budget
10h20 : Débats-pause
La confiance sociale
Sous la présidence d'Yves Sassier
10h50 : Loyauté et fides, mondes romain et médiéval
Yves Sassier, Professeur émérite de Sorbonne Université
11h10 : Le principe de confiance légitime en droit des contrats
Juliette Brunie, Maître de conférences en droit privé, Université de Franche-Comté
11h30 : Le couple et la confiance publique
Coralie Dovetta, Doctorante en droit privé, Université de Franche-Comté
11h50 : Débats
Pause déjeuner
14h00 : Quelle place pour la confiance en droit de l'environnement ?
Philippe Juen, Maître de conférences HDR en droit public, Université de Bourgogne
14h20 : La confiance en la norme collective
Chantal Mathieu, Maître de conférences HDR en droit privé, Université de Franche-Comté
14h40 : Education nationale et confiance publique
Alexandre Desrameaux, Maître de conférences en droit public, Université de Franche-Comté
15h00 : Débats
15h20 : Propos conclusifs
Michel Verpeaux, Professeur émérite de droit public
15h30 : Clôture
Informations : contact-crjfc@univ-fcomte.fr et +33 (0)3 81 66 66 08
Ce colloque peut être validé au titre de la formation continue des avocats
Organisé par le Centre de recherches juridiques de l'université de Franche-Comté (CRJFC, UR 3225) sous la direction de Alexandre Desrameaux et Christophe Geslot