Présentation
Apparu en France en 1988 et renouvelé successivement en 2022 et en 2024, le gouvernement minoritaire bouscule les acquis et certitudes tant politiques que scientifiques sur la pratique du régime politique de la Ve République. Sa répétition constitue, à l’évidence, une singularité et un défi à la fois pour les acteurs politiques et pour les interprètes habitués à une logique majoritaire depuis 1962. Il est, en effet, doublement révélateur d’une société politique fragmentée et d’une rigidité des techniques françaises de la démocratie parlementaire, c’est-à-dire de l’incapacité des acteurs à constituer des coalitions ou à faire des compromis. Dès lors, le gouvernement minoritaire présente un intérêt majeur en termes d’implications politiques et constitutionnelles dans le parlementarisme sui generis de 1958, dans la mesure où il requiert des acteurs l’apprentissage de nouvelles pratiques d’exercice du pouvoir.
Le présent colloque s’inscrit dans une triple perspective historico-théorique, pratique et sociologique, mais il sollicitera également le droit comparé. Il s’agira, notamment, d’étudier, d’une part, les causes et conditions de formation et de stabilité des gouvernements minoritaires et, d’autre part, les nouveaux équilibres institutionnels qu’ils induisent. Concernant particulièrement la Ve République française, on pourra se demander si le gouvernement minoritaire est susceptible de façonner le régime parlementaire. Il est manifeste qu’il redéfinit la nature des rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, mais il est aussi incontestable qu’il modifie également les relations au sein de chacun de ces pouvoirs. En outre, ses manifestations ne se limitent pas exclusivement aux seuls organes politiques ; elles touchent également les organes consultatifs et juridictionnels : les avis et décisions rendus par le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel sont-ils de la même densité et de la même intensité que sous un gouvernement majoritaire ?
L’intérêt de l’étude des gouvernements minoritaires ne peut donc être circonscrit autour du Parlement et du Gouvernement, mais s’étend au contraire à toutes les institutions y compris le corps électoral. Il apparaît ainsi judicieux d’étudier toutes les facettes de la notion depuis son origine et de chercher à savoir si le gouvernement minoritaire inscrit les pratiques dans l’esprit de la Ve République ou s’il est au contraire facteur et révélateur d’une crise du régime.
Programme
8h30 : Accueil
8h45 : Allocutions d’ouverture
Olivia Bui-Xuan, Professeure, Directrice du Centre de recherche Léon Duguit
Agnès Roblot-Troizier, Professeure, Vice-présidente de l’AFDC
9h00 : Propos introductifs – Les gouvernements minoritaires, quels enjeux ?
Tanguy Pasquiet-Briand, Professeur, Université Évry Paris-Saclay
I. Les contours de la notion
Présidence : Olivia Bui-Xuan, Université Évry Paris-Saclay
9h30 : Analyse doctrinale du concept de "gouvernement minoritaire"
Aïda Manouguian, Maître de conférences, Université de Strasbourg
9h50 : Gouverner sans majorité : la martingale antiparlementaire de la Ve République (la formule gagnante pour le pouvoir exécutif contre les années de parlementarisme à la française)
Charlotte Girard, Professeure, Université Paris Nanterre
10h10 : Discussion
II. La pratique du gouvernement minoritaire
Présidence : Tanguy Pasquiet-Briand, Université Évry Paris-Saclay
A. Droit français
10h40 : Les différentes configurations du fait majoritaire sous la Ve République
Jean de Saint Sernin, Maître de conférences, Université Paris Nanterre
11h00 : Le pouvoir présidentiel sous un Gouvernement minoritaire
Thibault Desmoulins, Maître de conférences, Université Clermont-Ferrand
11h20 : Le Gouvernement minoritaire et l’usage de ses prérogatives constitutionnelles : arme-massue ou sabre de bois ?
Jean-Félix de Bujadoux, Chercheur associé, centre Maurice Hauriou, associé, Université Paris Cité
11h40 : Gouvernement minoritaire et procédure budgétaire
Hugues Rabault, Professeur, Université Évry Paris-Saclay
12h00 : Discussion
12h20 : Déjeuner libre
B. Droit comparé
14h00 : Les gouvernements minoritaires en Europe
Basile Ridard, Maître de conférences, Université de Lille
14h20 : La pratique dans les Amériques
Alexis Le Quinio, Professeur, Université de Limoges
14h40 : La pratique des organes européens
Ninon Forster, Professeure, Université Polytechnique des Hauts-de-France
15h00 : Discussion
III. Les conséquences sur l’office des organes consultatifs et juridictionnels
Présidence : Florian Poulet, Université Évry Paris-Saclay
15h20 : Les travaux du Conseil d’État face à un gouvernement minoritaire
Guillaume Goulard, Conseiller d’État, Section de l’Intérieur
15h40 : Le Conseil constitutionnel et le gouvernement minoritaire : une résurgence du chien de garde de l’exécutif ?
Samy Benzina, Professeur, Université de Poitiers
16h00 : Discussion
IV. Une vision prospective
Présidence : Alexis Le Quinio, Université de Limoges
16h20 : Les comportements des groupes d’opposition sous un gouvernement minoritaire
Guilhem Baldy, Docteur, Université Jean Moulin Lyon 3
16h40 : L’expérience Rocard, une leçon au service du gouvernement minoritaire
Elysée Hator, Doctorant, Université Évry Paris-Saclay
17h00 : Essai sur les conditions de stabilité des gouvernements minoritaires
Benjamin Morel, Maître de conférences, Université Paris-Panthéon-Assas
17h20 : L’avenir de la Ve République en dehors des frontières nationales : l’exemple de la fascination italienne pour le modèle présidentialiste français
Isabelle Boucobza, Professeure, Université Paris Nanterre
17h50 : Propos conclusifs – Le parlementarisme de la Ve République, quel avenir ?
François Colly, Professeur émérite, Université Évry Paris-Saclay
18h00 : Clôture
Entrée libre
Colloque organisé par le CRLD, Université d’Évry Paris-Saclay sous la direction scientifique d’Elysée Hator