Présentation
L'étude des rapports qui unissent le droit et les sciences est ancienne (Droit et science, APD, t. 36, 1991). Longtemps appréhendés sous un angle théorique (la place de la science en droit) ou judiciaire (le rôle de l'expert devant les juridictions), ces rapports doivent désormais être repensés à la lumière des profonds bouleversements que connaît le droit public, et sous l'angle particulier de l'argument scientifique. En première approche, l'argument scientifique peut être défini comme un moyen discursif qui, afin d'emporter la conviction de l'auditoire, prend appui sur des données, des connaissances, voire des théories jouissant d'un certain degré et crédit de scientificité. Il s'agit donc, par cet argument, d'augmenter la force de conviction du propos tenu ou la légitimité de l'action entreprise en prenant appui sur la rationalité scientifique et les vertus de rigueur et d'objectivité - presque de vérité - dont elle est parée. Les crises sanitaire et écologique ont accentué l'utilisation de ce type d'argument et révélé l'ampleur du phénomène, dont il convient de prendre la mesure dans le champ du droit public. Deux temps pour ce faire, qui correspondent finalement aux deux facettes du phénomène. Il faut, dans un premier temps, constater que l'argument scientifique s'est insinué dans l'action des institutions pour en orienter le cours. De l'élaboration des normes juridiques à la mise en œuvre des politiques publiques, sans oublier l'importance prise par des instances telles que le Conseil scientifique ou le Conseil de défense, c'est la décision publique elle-même qui semble de plus en plus adoptée sous caution scientifique. Il importe également d'observer, dans un second temps, la mobilisation croissante d'arguments scientifiques au soutien des prétentions présentées par les parties devant le juge, ce qui a pour conséquence d'accroître la place de ces arguments dans la motivation des décisions juridictionnelles. Du fait de ce double mouvement, l'argument scientifique tend - plus encore aujourd'hui qu'hier - à occuper une place de choix dans la fabrique du droit ainsi que dans son application et son contrôle. Sans prétendre apporter de réponses définitives, le colloque a pour ambition d'éclaircir la place de l'argument scientifique en droit public et de déterminer la mesure dans laquelle l'expertise scientifique influence la prise de décision publique ou juridictionnelle. Se dirige-t-on, comme le prédisent certains, vers une république des savants – une « épistocratie » – où la légitimité scientifique l'emporterait sur la légitimité démocratique ?
Programme
9h00 : Ouverture
Philippe Augé, Président de l'Université de Montpellier
Guylain Clamour, Doyen de la Faculté de Droit et de Science politique de Montpellier
Julien Bonnet, Professeur à l'Université de Montpellier
Propos introductifs
Alexandre Viala, Professeur à l'Université de Montpellier, Directeur du CERCOP
Argument scientifique et action institutionnelle
Sous la présidence de Pascale Idoux, Professeur à l'Université de Montpellier, Présidente de l'AFDA
10h00 : L'argument scientifique dans l'élaboration des normes juridiques : l'exemple du droit animalier
Jean-Pierre Marguénaud, Professeur à l'Université de Limoges
Le contrôle parlementaire de la nomination des membres des autorités administratives indépendantes par le Président de la République : un contrôle politique ou un contrôle de la qualité de l'expert ?
Jean-Charles Rotoullié, Professeur à l'Université Jean Monnet Saint-Etienne
Le rôle du Conseil scientifique/du Conseil de défense sanitaire dans la gestion étatique de la crise sanitaire
Thibault Desmoulins, Docteur en histoire du droit, Secrétaire général de l'Institut Michel Villey
L'utilisation de la théorie du nudge dans la mise en œuvre des politiques publiques
Julien Bonnet, Professeur à l'Université de Montpellier
12h00 : Pause médiane
Argument scientifique et décision juridictionnelle
Sous la présidence de Claire Vial, Professeur à l'Université de Montpellier, Directrice de l'IDEDH
14h00 : L'argument scientifique dans le contentieux de la responsabilité environnementale
Julien Bétaille, Maître de conférences à l'Université Toulouse 1 Capitole
Le traitement des données scientifiques par les juges administratif et judiciaire en matière de santé
Paul Véron, Maître de conférences à l'Université de Nantes
L'argument scientifique dans la jurisprudence de la CEDH
Aurélia Schahmaneche, Professeur à l'Université Lumière Lyon 2
L'argument scientifique dans la jurisprudence de la CJUE
Léa Navel, Maître de conférences à l'Université de Paris Cité
Propos conclusifs
Jean-Bernard Auby, Professeur émérite à Sciences Po Paris
16h15 : Clôture
La manifestation pourra être suivie en ligne et en direct au lien suivant : https://video.umontpellier.fr/live/batiment-1-amphitheatre-c. Toutes les restrictions d'accès au direct vidéo seront levées le temps du colloque
Contact : antoine.oumedjkane@gmail.com
Organisé pour l'Université de Montpellier par Philomène Calvez, Caroline Gilles, Jade Meyrieu, Mélissandre Talon, Ferdi Youta et Antoine Oumedjkane