Présentation
Le terme « épistocratie » est un néologisme très peu usité. Il désigne un mode de gouvernement au sein duquel le pouvoir serait confié aux savants. L'idée n'est pourtant pas totalement fantaisiste. Elle a connu une forme d'illustration, dans la Chine confucéenne, à travers le système du mandarinat et d'une certaine manière, on en trouve un peu l'esprit dans la position hégémonique qu'occupent, au coeur des démocraties occidentales et au service du Prince, les hauts fonctionnaires issus des grandes écoles. Platon en rêvait en écrivant La République et en estimant souhaitable de confier le pouvoir aux philosophes. Elle fait également son chemin depuis qu'à la faveur de la globalisation du droit, de l'épuisement des grands récits idéologiques et de la technicisation des problématiques auxquelles est confrontée la société, ce même Prince prend de plus en plus appui, avant de prendre ses décisions, sur l'éclairage scientifique des experts. Enfin, la montée du populisme dans certaines démocraties européennes et les récentes surprises électorales comme le Brexit ou l'accession du climato-sceptique Donald Trump à la Maison Blanche ont conduit certains auteurs, notamment anglo-saxons (Bryan Capian, Jason Brennon), à s'interroger, à l'heure de la post-vérité, sur les failles du vote populaire. Leur mise en garde consiste à mettre en cause la fonction épistémique de la démocratie et à se demander si le peuple est suffisamment éclairé pour pouvoir décider rationnellement. De là à abolir le suffrage universel, à instaurer un suffrage capacitaire ou à confier un vote plural aux diplômés ou aux habitants des grandes métropoles comme d'aucuns l'ont suggéré au lendemain du Brexit avec un sens de la provocation qui n'était pas dénué de sincérité, il n'y a qu'un pas qu'il n'appartient pas, bien évidemment, aux participants de ce colloque de suggérer. L'objet de cette rencontre est d'examiner la pertinence, les enjeux voire les dangers de cet idéal épistocratique aux termes duquel il existerait des vérités politiques qu'il appartient aux seuls individus« éclairés» de découvrir. Longtemps après Max Weber, la question du rapport entre le savant et le politique voit son intérêt cruellement relancé par la crise actuelle que traverse la démocratie.
Programme
Jeudi 7 décembre 2017
09h00 | Allocution de bienvenue
Philippe Augé, Président de l'Université de Montpellier
Philippe Pétel, Doyen de la Faculté de Droit et de Science politique
Alexandre Viala, Directeur du CERCOP
I – Ouverture épistémologique
Sous la présidence de Michel Miaille, Professeur émérite de l'Université de Montpellier
09h30 | La notion de loi au carrefour du savoir et du pouvoir
Paul Amselek, Professeur émérite de l'Université Paris II Panthéon Assas
10h00 : Le sophisme naturaliste : péché épistocratique de la pensée juridique ?
Michel Troper, Professeur émérite de l'Université Paris Nanterre
10h30 | Pause-café
10h45 | La dérive épistocratique du moment positiviste
Alexandre Viala, Professeur à l'Université de Montpellier
11h15 | Débats
II – Les discours épistocratiques
Sous la présidence de Pascale Idoux, Professeur à l'Université de Montpellier
14h15 | L'Ecole historique du droit : un premier tournant épistocratique ?
Jacky Hummel, Professeur à l'Université Rennes 1
14h45 | De l'obligation à la nécessité : du droit comme science sous le IIIème Reich
Johann Chapoutot, Professeur à l'Université Paris III Sorbonne Nouvelle
15h15 : Pause
15h30 | Le discours épistocratique du droit global
Jérôme Favre, Chargé d'Enseignement à l'Université de Montpellier
16h00 | Débats
Vendredi 8 décembre 2017
Les modalités contemporaines de l'épistocratie
Sous la présidence de Pierre-Yves Gahdoun, Professeur à l'Université de Montpellier
09h00 | Peut-on parler d'une juristocratie ?
Dominique Rousseau, Professeur à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
09h30 | La règle d'or et la gouvernance économique européenne
Jean-Yves Chérot, Professeur à l'Université d'Aix-Marseille
10h00 | Pause-café
10h30 | Se dirige-t-on vers une république des experts ?
Jacques Chevallier, Professeur émérite de l'Université Paris II Panthéon Assas
11h | Débats
14h00 | Table ronde
La fonction épistémique de la démocratie
sous la présidence d'Alexandre Viala
Jean-Marie Denquin, Professeur émérite de l'Université Paris Nanterre
Jean-Jacques Sueur, Professeur émérite de l'Université de Toulon
Bjarne Melkevik, Professeur à Université Laval (Québec, Canada)
Riccardo Guastini, Professeur l'Université de Gênes (Italie)
Propos conclusifs :
La Werfreiheit wébérienne : rempart contre l'épistocratie
Régis Ponsard, Maître de Conférences à l'Université de Reims Champagne
Renseignements et inscriptions :
Habiba ABBASSI, Assistant-Ingénieur du CERCOP
tél. : 04.34.43.28.64 - habiba.abbassi@umontpellier.fr
Colloque organisé par le CERCOP. Le terme « épistocratie » est un néologisme très peu usité. Il désigne un mode de gouvernement au sein duquel le pouvoir serait confié aux savants.