Présentation
La mise en place de juridictions chargées d'assurer la conformité du travail législatif à la volonté du pouvoir constituant est l'une des caractéristiques les plus marquantes du constitutionnalisme contemporain. Elle a connu ses plus grands développements en Europe de l'Ouest après la seconde guerre mondiale. En quelques décennies, de nombreux Etats ont établi un contrôle de constitutionnalité des lois. Aujourd'hui près des trois-quarts des Etats dans le monde sont dotés d'une juridiction constitutionnelle, qui peut être soit une juridiction ad hoc spécialement créée à cet effet, selon les canons du modèle européen, soit le juge ordinaire, en charge d'un contrôle diffus, avec à sa tête une Cour suprême, selon le modèle américain.
Leurs fonctions diffèrent, mais toutes ces juridictions (ou presque) ont pour point commun d'essuyer des critiques. La principale est qu'elles seraient plutôt des instances politiques, et non de véritables instances juridiques. Au lieu d'être les garantes neutres et impartiales du contrôle des autorités politiques et d'incarner la garantie ultime de la protection d'un système démocratique, ces juridictions constitutionnelles sont souvent accusées d'être des institutions politisées qui soit se contentent de suivre les instructions de ceux qui les ont nommées, mettant en cause leur indépendance et leur légitimité, soit se mettent au service de leurs propres intérêts politiques et idéologiques, sous couvert de la défense de la Constitution. Ces juges, dit-on, ne sont pas de « vrais » juges, neutres, indépendants, impartiaux, et on aimerait qu'ils le soient. Mais le peuvent-ils vraiment ? En ont-ils les moyens ? Les « vrais » juges en principe jugent les hommes, au civil comme au pénal. Les juges constitutionnels, eux, jugent les lois. Ces tâches sont-elles comparables ? Des fonctions différentes n'appellent-elles pas des juges différents, propres à chacune d'elles ?
Si tel est le cas, quelles conséquences faut-il en tirer ? Comment s'assurer de l'efficacité et l'aptitude de ces juges à protéger les droits fondamentaux et la démocratie ? Comment garantir leur indépendance et renforcer leur légitimité ? Les critiques qui leur sont faites, instrumentalisées et amplifiées par la propagande populiste, ont des effets néfastes. Elles suscitent une défiance citoyenne, dangereuse pour l'Etat de droit et la protection des libertés car in fine, elles éloignent les justiciables de leur prétoire.
La solution passe par une analyse des processus et modalités de composition des juridictions constitutionnelles, point commun et initial des critiques. Pour ce faire, il convient de s'intéresser aux décideurs - pour déterminer qui choisit, nomme, coopte, désigne, élit les juges de la loi, comment et selon quelles procédures - puis aux décisions prises - il s'agit de savoir qui peut être nommé, selon quels critères, à quelles conditions, avec quelles exigences en termes de qualifications juridiques et expériences professionnelles, avec quelles conséquences en termes de statut et d'obligations.
Réunissant chercheurs et praticiens issus de systèmes européens et étrangers, ainsi que des juges constitutionnels en exercice ou honoraires, le présent colloque offre un large panel d'analyses pour apporter des réponses à ces questions et ainsi mieux connaître et confronter les modèles au regard des standards de l'Etat de droit et de la démocratie.
Programme
Jeudi 30 Mars
Grand Angle
Matinée sous la Présidence de Gilles J. Guglielmi, Directeur du Centre de droit public comparé, professeur, Université Paris-Panthéon-Assas
8h30 : Petit déjeuner - Accueil
Accueil et introduction
9h15 : Allocution d'ouverture
Stéphane Braconnier, Président de l'Université Paris-Panthéon-Assas, Professeur, Université Paris-Panthéon-Assas
Accueil
Gilles J. Guglielmi, Directeur du Centre de droit public comparé, Professeur, Université Paris-Panthéon-Assas
Propos introductifs
Charlotte Denizeau-Lahaye, Maître de conférences HC, Université Paris-Panthéon-Assas, Co-Directrice du Master Droit public comparé
Approches théoriques pour une contextualisation
10h00 : Cour constitutionnelle et Cour suprême
Benoit Delaunay, Professeur, Université Paris-Panthéon-Assas
La composition des Cours constitutionnelles et le problème de la démocratie de Hans Kelsen à nos jours
Carlos-Miguel Herrera, Professeur, CY Cergy Paris Université
Discussion
11h00 : Pause
La magistrature constitutionnelle
11h20 : Dix dilemmes au sujet de la composition des cours constitutionnelles
Guillaume Tusseau, professeur, Science-Po Paris
Discussion
12h10 : Pause déjeuner
Après-midi sous la présidence de Dominique Rousseau, Professeur émérite, Université Paris Panthéon-Sorbonne
I. La France et les Amériques : regards croisés
Le Conseil Constitutionnel en question
14h00 : La composition du Conseil constitutionnel : le point de vue du juge
Michel Pinault, Membre du Conseil constitutionnel
Discussion
Les cours suprêmes nord-américaines en question
14h30 : La Cour suprême des Etats-Unis : réflexions sur les travers et paradoxes du mode de composition
Idris Fassassi, Professeur, Université Paris-Panthéon-Assas
Le processus de nomination des juges au Canada : une prérogative royale à la recherche d'une démocratisation
Patrick Taillon, Professeur et Jordan Mayer, étudiant, Université de Laval, Québec, Canada
Discussion
15h30 : Pause
Les juridictions constitutionnelles sud-américaines en question
15h50 : Débats et controverses autour de la politisation du Tribunal constitutionnel chilien
Carolina Cerda-Guzman, Maître de conférences, Université Bordeaux IV
Les taxonomies des juges du contrôle constitutionnel en Amérique latine : entre cours constitutionnelles et cours suprêmes
Grenfieth Sierra Cadena, Professeur, Université del Rosario, Bogota, Colombie
II. L'Afrique du Sud
La Cour Constitutionnelle d'Afrique du Sud en question
16h50 : Une nation face à ses démons : la représentativité de la Cour constitutionnelle sud-africaine
Julien Jeanneney, Professeur, Université de Strasbourg
Discussion
17h30 : Fin de la 1ère journée
Vendredi 3 Mars
Focus : l'Europe
Matinée sous la présidence de Yves Doutriaux, Conseiller d'Etat
8h30 : Petit déjeuner - Accueil
Les cours constitutionnelles d'Europe de l'Ouest
Les cours constitutionnelles des Etats fédéraux en question
9h15 : La Cour constitutionnelle fédérale allemande : Quelques réflexions sur des équilibres délicats à l'heure d'un « grand renouvellement »
Aurore Gaillet, Professeure, Université de Toulouse 1 Capitole
La Cour constitutionnelle belge : heurs et malheurs d'un mode de composition discutable
Marc Verdussen, Professeur, Université de Louvain, Belgique
Discussion
10h15 : Pause
Les cours constitutionnelles des états régionaux en question
10h30 : Composition de la Cour constitutionnelle italienne : cadre juridique et influences politiques
Giacomo Delledonne, Scuola superiore Sant'Anna, Pisa, Italie
L'influence de la composition de la Cour constitutionnelle italienne sur l'élaboration d'une doctrine jurisprudentielle
Nicoletta Perlo, Maître de conférences HDR, Université de Toulouse 1 Capitole
La composition du tribunal constitutionnel espagnol : entre la politique et l'esprit partisan
Angel Sanchez Navarro, Professeur, Université Complutense de Madrid, Espagne ; en service au Tribunal constitutionnel espagnol
Discussion
12h00 : Pause déjeuner
Après-midi sous la présidence de Marc Verdussen, Professeur, Université de Louvain, Belgique
Les cours constitutionnelles d'Europe de l'Est en question
14h00 : La composition de la Cour constitutionnelle de Croatie
Jasna Omejec, Professeure, Université de Zagreb, Croatie, ancienne Présidente de la Cour constitutionnelle croate
La composition de la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine
Constance Grewe, Professeure émérite, Université de Strasbourg, ancienne Juge à la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine
Discussion
15h00 : Pause
Les cours européennes en question
Présidence : François Molinié, Président de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation
15h15 : La composition de la Cour de justice de l'Union européenne
Anastasia Iliopoulou-Penot, Professeure, Université Paris-Panthéon-Assas
Le rôle du comité 255 TUE dans la désignation des juges à la Cour de justice de l'Union européenne
Jean-Marc Sauvé, Vice-Président honoraire du Conseil d'Etat, Président Fondateur (2010-2018) du Comité chargé d'évaluer l'aptitude des candidats à exercer les fonctions de juge et d'avocat général à la Cour de justice et au Tribunal de l'Union européenne (Comité de l'article 255 TFUE)
Réflexions sur l'équité et la transparence des procédures d'accès aux fonctions de juge à la Cour européenne des droits de l'homme
Charlotte Denizeau-Lahaye, Maître de conférences, Université Paris-Panthéon-Assas
Discussion
16h45 : Conclusions
Laurence Burgorgue-Larsen, Professeure, Université Paris Panthéon-Sorbonne
Renseignements : charlotte.denizeau@u-paris2.fr
Inscription obligatoire : cdpc@u-paris2.fr
Colloque organisé à l'Institut de droit comparé de Paris, sous la direction scientifique de Charlotte Denizeau-Lahaye, Centre de droit public comparé, Université Paris-Panthéon-Assas.