&
jeudi2déc.2021
vendredi3déc.2021
L'Union européenne et la gestion des crises

Colloque

L'Union européenne et la gestion des crises


A donné lieu à publication :

L’union européenne et la gestion des crises

Actes du colloque de Nice des 2 et 3 décembre 2021

Sous la direction de Anne Millet-Devalle, Nicolas Pigeon
Parution : 12/2024
Editeur : Éditions Pedone
354 pages
L’union européenne et la gestion des crises

Présentation

 

Malgré l'actualité, n'est-il pas redondant de reprendre l'analyse de la gestion des crises par l'Union européenne ?
Pour n'évoquer qu'un exemple récent, à l'époque de la crise économique et financière, ne parlait-on pas déjà d'épisode « sans précédent », constituant un « tournant décisif » ?
Déjà, ne s'agissait-il pas d'une « polycrise » ?
Et déjà, la doctrine, notamment européaniste, ne s'était-elle pas saisie du thème de la crise, de sa signification et de son appréhension du point de vue de l'Union ?
Alors, à quoi bon tout recommencer ?

Certes, à lui seul, l'argument de la répétition n'est pas déterminant pour écarter toute pertinence à se saisir à nouveau d'un objet d'étude. Après tout, les circonstances ne sont aujourd'hui plus les mêmes, et ces différences sont certainement porteuses de sens pour l'analyse scientifique. Ainsi, ce colloque est d'abord conçu comme l'opportunité de poursuivre des réflexions déjà engagées, de mettre à l'épreuve les conclusions qui ont pu être tirées des situations de crises précédentes à l'aune, notamment, du changement et de la spécificité des circonstances présentes. Mais ce colloque est conçu, aussi, comme une invitation à emprunter d'autres pistes de recherches, pour trois raisons principales : d'abord, parce que la pertinence du concept de crise pour penser l'Union européenne doit-être interrogée ; ensuite, parce que les déterminants principaux de l'analyse des crises européennes paraissent eux aussi devoir être pris comme objet de réflexion, pour être éventuellement contournés, voire dépassés ; enfin, parce l'Union européenne est traditionnellement perçue comme un opérateur de gestion des crises et que la question de sa contribution, ou peut-être plus précisément celle de son droit, à la survenance des crises peut, elle aussi, être posée.

La crise est-elle un prisme pertinent pour porter un regard juridique et scientifique sur l'Union européenne ? Il n'est pas question de nier la place qu'occupe la notion de crise dans le discours sur la construction européenne, ni son caractère opérationnel pour mener certaines analyses, ni, bien sûr, les phénomènes dits de crises qui ont jalonné l'histoire de la construction européenne. Pour autant, à plusieurs égards, cette question mérite, à nouveau, d'être posée. La doctrine a déjà eu l'occasion, d'ailleurs, de dire l'insaisissabilité de cette notion au sein de l'Union : depuis sa création l'Union n'a pas vécu un instant, ou presque, sans être confrontée à une situation dite de crise. Et les formes en ont été si variées que l'objet devient fuyant, indiscernable. Mieux, la vocation du projet européen à l'intégration d'Etats souverains ferait de la crise le milieu naturel dans lequel évolue et se construit l'Union. La crise serait en ce sens consubstantielle à la construction européenne, celle-ci progressant au rythme des crises et des relances qui en découlent nécessairement. Dépourvu de singularité, l'objet se diluerait alors dans les heurts inhérents au processus de construction européenne.

En même temps, prenant le contre-pied de cette analyse, n'est-il pas permis de s'interroger sur le bien-fondé de l'utilisation d'une notion signifiant un moment de rupture, de changement décisif, pour décrire un ordre juridico-économique dont les fondations ordo-libérales, ou néolibérales, paraissent depuis 1957 d'une remarquable stabilité ? Dans cette perspective, les épisodes dits de crise, pour n'être pas irréels, ne constitueraient peut-être qu'une surface d'évènements n'affectant qu'à la marge une constitution économique mobile et adaptable mais fondamentalement pérenne. Quelle crise, en effet, en l'absence sur ce point de changement décisif, sans la survenance, pour reprendre les mots d'Hannah Arendt, d'une « situation sans précédent introduisant une rupture avec un passé qui ne fournirait plus les ressources pour penser le présent et s'orienter dans l'avenir » ? En ce sens, la crise pourrait être, finalement, étrangère à l'Union européenne.

Néanmoins, pour autant qu'il soit tenable, ce constat ne doit-il pas être abandonné compte tenu de la crise sanitaire actuelle ? Cette situation paradigmatique de polycrise affecte-t-elle la structure d'ensemble de l'Union a un point tel que la notion de crise s'avère en l'occurrence vraiment pertinente ? En ce sens, cette crise sanitaire serait-elle la première véritable crise à laquelle l'Union est confrontée ?

Ce colloque fait, ensuite, le pari d'un déplacement de l'analyse : celui d'interroger les phénomènes dits de crise non pas seulement en eux-mêmes, non pas seulement dans la perspective du mouvement historique d'intégration – et de ses retours en arrière –, non pas seulement du point de vue de l'inéluctable répétition de couple crise / relance, mais du point de vue prioritaire des modes de gestion qu'ils suscitent. L'hypothèse consiste à se déprendre du prisme de la dynamique du processus d'intégration pour adopter un point de vue plus statique et tenter d'établir une cartographie des dispositifs de gestion de crise, dans leurs singularités, leurs relations et leurs corrélations.

Comment s'y prendre ? Comment mener une telle analyse ? Comment penser l'Union indépendamment du mouvement historique autonome, prétendument irréversible, qui en constitue le récit normalement incontournable ?

Si la gestion est avant tout administration, donc ensemble d'actions et de ressources mobilisées en vue d'assurer une fonction, l'analyse des modes de gestion de crise de l'Union peut emprunter plusieurs voies :
- Quel rattachement possible des modes de gestion de crises mis en place au niveau européen à la science administrative ? Y a-t-il dans les dispositifs de gestion de crise de l'Union des ferments d'un droit administratif européen, d'un mode d'administration singulier ?
- Comment les crises sont-elles constituées en tant qu'objet dans les dispositifs de gestion de crise européens ? A l'aune de quels principes, selon quelles méthodes, les crises sont-elles gérées ?
- Comment le concept de gestion de crise et ses méthodes, conçus dans le cadre de la PESC, sont-ils importés dans les autres domaines du droit de l'Union ?
- Quelles ressources de l'ordre juridique européens sont mobilisées ? Avec quel profit ? Quelles limites ? Quels sont les acteurs impliqués ? Comment sont organisées leurs relations, leurs interactions ? Qui décide ?
- Quels sont les effets produits par les dispositifs de gestion de crise sur les caractéristiques essentielles de l'ordre juridique européen ?
- Quelles sont les relations entre les dispositifs de gestion de crise existants ? Y a-t-il des invariants, des corrélations récurrentes ? Y a-t-il des éléments de contradiction ?

Ce colloque, enfin, sera l'occasion d'une analyse critique sur le droit de l'Union lui-même, en tant qu'il pourrait constituer un facteur de crise pour l'Union européenne. Des analyses récentes conduisent en effet à déceler, dans la fabrique et le déploiement du droit de l'Union, quelques grandes tendances, quelques mouvements généraux, dont le sens et la portée pourraient affecter les structures fondamentales de l'ordre juridique européen : fragmentation / parcellisation du droit de l'Union, individualisme, recours au discours sur les valeurs, délégation du pouvoir à l'expertise, incapacité à résoudre la question démocratique, etc... Si tel devait effectivement être le cas, si l'Union produit bien elle-même, à travers son droit, pourtant instrument historique de sa création et moteur de son développement, les germes de situation de crises futures, n'est-il pas d'une impérieuse nécessité pour la doctrine de se saisir du sujet, et de contribuer, ainsi, à la gestion des crises dans l'Union européenne ?

Nicolas Pigeon

 

Programme

 

Jeudi 2 décembre

 

13h30 : Mots d'accueil
Jean-Christophe Martin, directeur de l'Institut de la paix et du développement
Anne Millet-Devalle, directrice du LADIE

Rapport introductif
Nicolas Pigeon, Maître de conférences à Université Côte d'Azur

 

Première table ronde - Crises et intégration européenne

Sous la présidence de la Professeure Ségolène Barbou des Places

14h15 : L'Union européenne, une construction par les crises ?
Jean-Paul Jacqué, Professeur émérite à l'Université de Strasbourg, Directeur Général honoraire au Conseil de l'Union européenne

Les crises économiques et l'intégration européenne depuis ses origines
Laurent Warlouzet, Professeur à Sorbonne Université

La polycrise de l'Union européenne
Olivier Delas, Professeur à l'Université Laval, Chaire Jean Monnet

L'appel aux valeurs dans les traités européens : apaisement ou ressort des crises ?
Isabelle Pingel, Professeure à l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne

 

Deuxième table ronde - Crises et ordre juridique de l'Union européenne

Sous la présidence de la Professeure Estelle Brosset

16h00 : L'utilisation des principes et valeurs de l'Union dans la gestion des crises
Marianne Dony, Professeure à l'Université libre de Bruxelles, Chaire Jean Monnet ad personam, Membre de l'Académie royale de Belgique

L'impact des crises sur la répartition des compétences
Isabelle Bosse-Platière, Professeure à l'Université Rennes 1, Directrice de l'IODE (UMR CNRS 6262), Chaire Jean Monnet

La PSDC, un modèle pour la gestion des crises ?
Anne Hamonic, Maître de conférences à l'Université Rennes 1

La structuration institutionnelle et juridique de l'UE pour faire face aux crises en matière de sécurité et de défense
Gilles Marhic, Conseiller juridique à la Division des affaires juridiques du Service européen pour l'action extérieure

18h00 : Fin de la 1ère journée

 

Vendredi 3 décembre

 

Troisième table ronde - Penser et anticiper les crises

Sous la présidence du Professeur Philippe Maddalon

9h00 : Qualifier la crise : les discours dans l'Union
Ségolène Barbou des Places, Professeure à l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne

La résilience, concept systémique ou bric-à-brac opératoire ?
Anne Millet-Devalle, Professeure à Université Côte d'Azur

Le principe de confiance mutuelle en tant que méthode de gestion de la crise des valeurs ?
Cecilia Rizcallah, Professeure invitée à l'Université Saint-Louis - Bruxelles et à l'Université libre de Bruxelles, Chercheuse post doctorale à la KU Leuven

 

Quatrième table ronde - L'Union européenne face aux crises : la fragmentation des modes de gestion ?

Sous la présidence de la Professeure Marianne Dony

10h30 : Les innovations institutionnelles du Traité de Lisbonne : une appréciation
Gert-Jan Van Hegelsom, Former Head of the Legal Affairs Division, European External Action Service

Le droit social européen est-il en crise ?
Frédérique Michéa, Maître de conférences à l'Université Rennes 1

Crise environnementale et droit de l'Union
Estelle Brosset, Professeure à Aix-Marseille Université, Membre de l'Institut Universitaire de France

La crise migratoire dans le droit de l'Union
Mehdi Mezaguer, Maître de conférences à Université Côte d'Azur

 

12h30 : Pause déjeuner

 

Cinquième table ronde - L'Union européenne face aux crises : la gestion des transitions

Sous la présidence du Professeur Jean-Paul Jacqué

13h30 : La Banque centrale européenne face aux crises
Francesco Martucci, Professeur à l'Université Paris 2 Panthéon Assas

L'adaptation par la différenciation
Aikaterini Angelaki, Maître de conférences à l'Université Paris-Est Créteil

La politique et le contentieux de la concurrence en période de crise sanitaire
Olivier Peiffert, Maître de conférences à l'Université Sorbonne Nouvelle, Référendaire au Tribunal de l'Union européenne

Le retour des Etats ?
Fabien Terpan, Maître de conférences à Sciences Po Grenoble, Chaire Jean Monnet

 

Sixième table ronde - Le droit de l'Union européenne, facteur de crises pour l'Union européenne ?

Sous la présidence de la Professeure Isabelle Pingel

15h15 : La fragmentation du droit de l'Union, un facteur de crise pour l'ordre juridique européen ?
Valérie Michel, Professeure à Aix-Marseille Université, Chaire Jean Monnet (à confirmer)

L'individualisme libéral, un facteur de crise structurelle pour l'Union ?
Philippe Maddalon, Professeur à l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne

L'européanisation de la surveillance bancaire, nouvelle méthode d'intégration ?
Gaelle Hardy, Docteure en droit, Coordinatrice des travaux de recherche du Centre de droit européen, Université Paris 2

17h15 : Conclusions
Jan Wouters, Professeur à la Katholieke Universiteit te Leuven, Directeur du Institute for International Law et du Leuven Centre for Global Governance Studies, Chaire Jean Monnet ad personam « EU and Global Governance »


Organisé par la Chaire Jean Monnet "UE et gestion des crises" et le LADIE, Université Côte d'Azur



Campus Trotabas
Amphi Bonnecarrère, Villa Passiflore
Avenue du Doyen Louis Trotabas
06000 Nice

Université Côte d'Azur
Laboratoire de droit international et européen
Institut du Droit de la Paix et du Développement