Présentation
Le mouvement des gilets jaunes, qui a pris naissance à l'automne 2018, a donné lieu à l'organisation de « grands débats » au niveau local et national pour répondre à la demande d'une participation plus importante et régulière des citoyens à la prise de décision politique. Dans le prolongement de ces « grands débats », la question de la mise en place d'assemblées citoyennes s'est posée. Si quelques assemblées citoyennes locales fonctionnent déjà depuis plusieurs années, notamment pour les projets d'urbanisme, la mise en place d'assemblées citoyennes nationales prend forme que ce soit pour le climat (Convention citoyenne pour le climat), dans le cadre d'une réforme du Conseil Economique, Social et Environnemental ou encore, plus largement, d'une future révision de la Constitution. Plus récemment, quelques expériences d'assemblées citoyennes, notamment en matière de réforme électorale ou constitutionnelle, ont eu cours à l'étranger (Colombie britannique, Islande, Irlande, Royaume-Uni, Luxembourg) avec des résultats plus ou moins satisfaisants. Très médiatisées en raison du défi démocratique proposé, ces assemblées ont attiré l'attention des chercheurs en sciences politiques, notamment à l'étranger. La mise en place de telles assemblées, composées soit partiellement soit totalement de citoyens tirés au sort, s'inscrit dans un mouvement plus vaste constituant une nouvelle forme de participation des citoyens appelée « démocratie délibérative ». Cette dernière se situe au-delà de la simple démocratie participative, puisque les citoyens ne sont plus simplement consultés mais sont véritablement impliqués dans le processus de prise de décision. De telles assemblées peuvent également être introduites au cours de procédures plus classiques, comme cela fut le cas de processus référendaires en Oregon (depuis 2010) et en Irlande (en 2018 à propos du référendum sur l'avortement). Cette nouvelle manière de procéder semble particulièrement appréciée par l'ensemble des citoyens, ces derniers étant plus attentifs aux arguments avancés et débattus par leurs pairs.
L'objectif de la manifestation est donc de s'interroger sur l'intérêt et le fonctionnement de ces assemblées citoyennes autour d'une question principale : la mise en place de ces assemblées constitue-t-elle un véritable renouveau pour la démocratie ou simplement une utopie démocratique ? Plus précisément : Est-ce une nouvelle façon de permettre à la démocratie de fonctionner pour faire face aux critiques de la démocratie représentative classique ? Comment situer ces assemblées citoyennes dans une démocratie représentative ? De telles assemblées constituent-elles une réponse suffisante à la crise de confiance à laquelle doivent faire face les représentants ? En outre, dans ces assemblées, les citoyens jouent-ils un rôle décisif ? Quelle place est laissée aux échanges que ce soit à l'intérieur de l'assemblée mais aussi dans le cadre d'une connexion avec les autres citoyens par le biais des réseaux sociaux ? La rencontre pluridisciplinaire proposée (droit, histoire, sociologie et science politique) vise à porter des regards croisés et critiques sur cette nouvelle « bonne idée » au regard notamment des expériences étrangères mais aussi de l'histoire. En effet, si les questions de participation démocratique et de démocratie délibérative font partie des classiques de la sociologie politique, jusqu'à présent, les juristes se sont peu intéressés à ce sujet alors même que de nombreuses questions juridiques se posent en particulier quant à la composition et au mode de fonctionnement de ces assemblées. Sur quels critères les citoyens sont-ils tirés au sort ? Quel statut pour ces citoyens durant leurs fonctions ? Quelles garanties pour le débat démocratique au sein de ces assemblées ? Comment faire face aux risques d'instrumentalisation de ces assemblées ? Autant de questions qui viennent s'ajouter à un débat critique autour de l'origine de telles assemblées, de leurs missions et de leur place dans une démocratie représentative.
Cette manifestation scientifique devrait permettre de mieux cerner une notion encore très mal connue en France et qui n'a pas fait l'objet d'une véritable définition y compris dans la doctrine étrangère. Le regard croisé pluridisciplinaire qui est proposé, permettra également d'explorer les avantages et les inconvénients de la mise en place de telles assemblées au niveau national. Il sera en autres discuté de l'intérêt de l'introduction de telles assemblées, de quelle manière et avec quelles prérogatives, dans les institutions françaises que ce soit dans le cadre d'un processus législatif ou constitutionnel, parlementaire ou référendaire. Cette manifestation intervient en complément de deux projets de recherche déposés dans le cadre de PHC France/Irlande et France/Hongrie portant sur la démocratie représentative au défi de la participation des citoyens.
Programme provisoire
Ouverture
Jean-Philippe Agresti, Doyen de La Faculté de droit et de sciences politiques, Professeur à Aix Marseille Université
Propos introductifs
Marthe Fatin-Rouge Stefanini, CNRS, Aix Marseille Université
Xavier Magnon, Aix-Marseille Université
Introduction générale - Les assemblées citoyennes : nouvelle utopie démocratique ?
Bastien François, Paris 1 Panthéon-Sorbonne
I -Les « assemblées citoyennes » : sens, origine et catégorisation ?
Présidence et animation : Laurence Gay, CNRS, Aix-Marseille Université
Que sont les « assemblées citoyennes » ?
Xavier Magnon, Aix-Marseille Université
Les premières expériences historiques des assemblées citoyennes
Yann-Arzel Durelle-Marc, Paris 13
Les assemblées citoyennes et les différentes formes démocratiques : Regards croisés
Loïc Blondiaux, Paris 1/ Jean-François Kerléo, Aix-Marseille Université
La légitimité politique des assemblées citoyennes
Charles Girard, Université Lyon 3
II –La concrétisation technique des assemblées citoyennes
Présidence et animation : Caterina Severino, Université de Toulon
Assemblées citoyennes et assemblées parlementaires : complémentarité ou concurrence dans une démocratie représentative ?
Ariane Vidal-Naquet et Priscilla Jensel-Monge, Aix-Marseille Université
Des Assemblées citoyennes « représentatives » : les défis de la mise en place et de la composition
Chloë Geynet, Aix-Marseille Université
Quelles compétences confier aux Assemblées citoyennes ?
Jean-Eric Gicquel, Université de Rennes 1
Quelles règles de fonctionnement pour les assemblées citoyennes ?
Aurélie Duffy, Aix-Marseille Université
Marie-Luce Paris, Université de Dublin
III -Les pratiques des assemblées citoyennes
Présidence et animation : Bastien François, Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Les expériences des Assemblées citoyennes institutionnalisées : quels enseignements ?
Dimitri Courant, Université de Lausanne et Université Paris VIII
Les Assemblées citoyennes spontanées : "Les Indignés (Espagne, 2011) et Nuit debout (France, 2016) : aucun leader dans la place ?"
Manuel Cervera-Marzal, FNRS, Université de Liège
Assemblées citoyennes et mécanismes de démocratie directe : outils complémentaires ou concurrents ?
Marthe Fatin-Rouge Stefanini, CNRS, Aix-Marseille Université
Les assemblées citoyennes et le "policy-making" : quelle place pour la délibération publique dans les rapports de force ?
Guillaume Gourgues, Université Lumière Lyon 2(contribution écrite)
La Convention citoyenne sur le climat : une expérience inédite en France
Clémentine-Eleni Nikolaidis-Lefrançois et Mathias Revon, Aix-Marseille Université
Conclusions
Dominique Rousseau, Professeur émérite Paris 1
Organisé par l'Institut Louis Favoreu/GERJC UMR 7318, DICE.