vendredi21mars2025
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La prudence en droit administratif
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Journée d'étude

La prudence en droit administratif


Présentation

L’idée de prudence, dans son acception classique, non réductible à un simple calcul d’évitement des risques, n’occupe qu’une place très réduite tant dans les représentations du droit administratif que dans les argumentations des acteurs juridiques. Son emploi n’est en effet pas facilité eu égard à la difficulté de saisir précisément son contenu. Gil Delannoi dégage en ce sens plusieurs acceptions de la prudence dans l’histoire de la pensée politique : une prudence aristotélicienne, fondée sur un lien fort entre éthique et politique et sur un principe de juste mesure ; une prudence machiavélienne qui distend le lien entre éthique et politique et exalte l’habileté ; mais aussi une prudence démocratique guidée par la liberté de parole et l’égalité dans la participation politique favorisant un exercice du pouvoir qui procède par essais et erreurs ; une prudence libérale insistant sur la protection de la vie privée et des minorités ainsi qu’une prudence écologique développée contre les excès de la technique.

Ces variations conceptuelles ne devraient pas pour autant constituer un frein à l’usage de l’idée de prudence en droit administratif. Des caractéristiques générales recoupent en effet ces distinctions. La prudence appartient au domaine de l’action. Elle est une disposition pratique par laquelle le prudent, qui ne possède pour agir ni la rigueur de la science, ni la précision de la technique, ni la liberté de l’art, choisit la meilleure option possible dans le cadre d’une situation contingente. La prudence est mise en oeuvre d’un savoir expérimental et approximatif. Elle implique une adaptation de l’action aux faits plutôt qu’une stricte conformité à une norme préétablie. Elle s’exerce pour des cas particuliers, se posant dans des circonstances concrètes, particulières et en partie imprévisibles, et dont la résolution ne peut recevoir de réponses définitives. Ainsi, plus qu’une fonction dont le contenu serait prédéterminé légalement, l’activité des gouvernants est une pratique, conduite autant sous la contrainte des faits que de la norme, qui plus est évolutive parce que dépendante de circonstances particulières et déterminée par les croyances sur la base desquelles les gouvernants agissent.

Ces caractéristiques se retrouvent indéniablement en droit administratif. Son existence même, son exorbitance par rapport au droit civil, ne sont-elles pas justifiées par la crainte de la rigidité de la loi, qu’il serait dangereux d’appliquer rigoureusement à l’action administrative, laquelle doit pouvoir varier selon les circonstances ? Ses concepts structurants, que sont par exemple l’intérêt général, le pouvoir discrétionnaire ou la mutabilité, ne sont-ils pas marqués par leur indétermination, ou plutôt leur indéterminabilité ? Ses champs matériels d’application ne sont-ils pas infinis ? L’attachement aux circonstances, que ce soit notamment en matière de police administrative ou dans le cadre de la théorie des circonstances exceptionnelles, n’illustre-t-il pas la force normative des faits et ne rend-il pas vaine toute résolution juridique des affaires administratives par la seule interprétation textuelle ? Les récents états d’urgence n’ont-ils pas brouiller les frontières entre l’extraordinaire et ordinaire et n’ont-ils pas obligé le juge à davantage tenir compte de l’état d’incertitude dans lequel l’administration agit et des moyens limités dont elle dispose ? Sur le plan doctrinal, les crises touchant les notions structurantes du droit administratif, l’impossibilité de réduire l’action administrative à un dénominateur commun, que ce soit la puissance publique ou le service public, ou encore le recours aux images de « l’échelle » et du « faisceau d’indices » ne sont-ils pas les signes d’une matière rétive à une appréhension strictement rationnelle ?

L’objet de ce colloque est de se demander si l’idée de prudence, dans son acception classique, est profitable pour penser le droit administratif. Pour y répondre, il sera nécessaire, d’une part, d’identifier les apports de l’idée de prudence à la compréhension de l’action administrative et de son droit. Et, d’autre part, de cibler certains pans du droit administratif contemporain afin de savoir si la pleine compréhension de la nature prudentielle de son objet ne suggérerait pas des pistes d’évolution dans l’encadrement de l’action administrative.

 

 

Programme

 

Matinée : La prudence, une idée utile pour le droit administratif ?

Présidée par Stéphane Duroy, Professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay

9h00 | Accueil des participants et du public

9h20 | Allocation d’ouverture
Charles Vautrot-Schwarz, Doyen de la Faculté Jean Monnet (Droit, Économie, Management) - Université Paris-Saclay

 

I. Saisir l’idée de prudence

9h30 | Approche philosophique de la prudence : quels usages de la prudence pour le juriste ?
Gil Delannoi, Professeur de philosophie politique à Sciences Po Paris et Directeur de recherche au CNRS

 

II. La prudence au coeur de la tradition du droit public français

10h00 | La prudence dans la doctrine de l’Exécutif
Julien Boudon, Professeur de droit public à l’Université́ Paris-Saclay

10h20 | La prudence dans la construction historique du droit administratif
Anissa Hachemi, Professeure de droit public à l’Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis

 

III. La prudence, un principe guide de l’action publique

11h00 | L’élaboration prudente des décisions administratives
Carole Gallo, Professeure de droit public à l’Université́ de Lille

11h20 | La police administrative comme modèle d’action prudente : l’exemple de la gestion de l’épidémie de Covid-19
Charles Vautrot-Schwarz, Professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay
Charles Touboul, Conseiller d’État

11h40 | Interventionnisme économique et prudence : l’exemple du soutien de l’État aux entreprises en difficulté
Jean-Hugues Barbé, Maître de conférences en droit public à l’Université Paris-Saclay

12h00 | Discussion avec la salle et déjeuner

 

Après-midi : Mises en situation de la prudence

14h00 | Première table ronde : L’exigence de prudence dans l’élaboration des politiques publiques, l’exemple des politiques publiques environnementales
Animée par
Raphaël Brett, Maître de conférences en droit public à l’Université Paris-Saclay
Philippe Zittoun, Directeur de recherche en science politique à l’ENTPE de l’Université de Lyon
Olivier Fuchs, Maître des requêtes au Conseil d’État, et directeur des affaires juridiques du pôle ministériel aménagement et transition écologique
Laurent Fonbaustier, Professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay

15h00 | Discussion avec la salle et pause

15h30 | Seconde table ronde : L’exigence de prudence dans le contrôle du juge administratif
Animée par
William Gremaud, Maître de conférences en droit public à l’Université Paris Panthéon-Assas
Benjamin Blaquière, Maître de conférences en droit public à l’Université Paris 8 Vincennes Saint-Denis
Jeanne de Gliniasty, Maîtresse de conférences en droit public à l’Université Paris-Nanterre
Christian Vigouroux, Conseiller d’État

16h30 | Discussion avec la salle

17h00 | Libres propos
Benoît Plessix, Professeur de droit public à l’Université Paris-Panthéon-Assas

 

Inscription : yasmina.belahcen@universite-paris-saclay.fr

 


Journée d'études organisée par Jean-Hugues Barbé, Maître de conférences en droit public, Université Paris-Saclay, IEDP.



Faculté de droit, économie, management
Salle Georges Vedel - Bât. G
54 Boulevard Desgranges
92331 Sceaux Cedex