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jeudi10juil.2025
vendredi11juil.2025
Citoyennes sans citoyenneté dans la Révolution française
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Colloque

Citoyennes sans citoyenneté dans la Révolution française

Appropriations, reprises et discussions d’un concept (1989-2025). En l’honneur de Dominique Godineau


Présentation

 

En remettant sur le métier la notion de “citoyennes sans citoyenneté” ce colloque explorera les pratiques politiques et la citoyenneté des femmes dans la Révolution française. L’objectif est tout à la fois de dresser un état des lieux des acquis de 35 ans de travaux et d’actualiser la notion à la lumière des recherches les plus actuelles. Cette manifestation s’articulera autour de plusieurs thématiques centrées sur les formes et les lieux des pratiques politiques féminines, les articulations entre différentes stratifications (de genre, de classe) dans la fabrique de l’inclusion ou de l’exclusion des affaires de la cité, la position de la différence des sexes en politique. Ce colloque international entend ainsi renouveler la recherche sur le genre des engagements politiques à travers une approche interdisciplinaire (histoire, sciences politiques, philosophie, littérature) inscrite dans un paysage historiographique international (France, États-Unis, Royaume-Uni, notamment).

Comité scientifique :
Christine Adams - St. Mary’s College of Maryland, États-Unis, Professeure en histoire
Claire Cage - University of South Alabama, États-Unis, Professeure en histoire
Denise Davidson - Georgia State University, États-Unis, Professeur en histoire
Judith Miller - Université d’Emory, États-Unis, Professeure en histoire
Kimberley Page-Jones - Université de Bretagne occidentale, GIS Sociabilités

Comité d’organisation :
Solenn Mabo - Université Rennes 2, Tempora (UR 7468)
Anne Verjus - CNRS, Triangle (UMR 5206)
Maria Goupil-Travert - Université Rennes 2, Tempora (UR 7468)

 

Programme

 

Jeudi 10 Juillet 2025

 

10h00 : Pot d’accueil

10h30 : Introduction générale
Solenn Mabo et Anne Verjus

 

Atelier 1 - Une citoyenne sans citoyenneté : un paradoxe inhérent à la situation des femmes ?

Présidence : Christine Adams

11h00 : L’invention sémiotique de la catégorie historiographique de « Citoyennes sans citoyenneté »
Jacques Guilhaumou (en visio)

Dans l’œuvre de Dominique Godineau, l’expression de « Citoyennes sans citoyenneté » apparaît en 1989 dans son article intitulé « Autour du mot Citoyenne » (Mots, Langages de la Révolution française, n°16, p. 104). Cette nouvelle catégorie historiographique est associée d’emblée au symbole de la souveraineté représenté par les citoyennes révolutionnaires elles-mêmes (« Nous sommes le souverain »). Il convient en amont, donc dans sa thèse (1988), d’en situer les prémisses sémantiques (en particulier pages 118 et 121), et en aval d’en évaluer la fonction « d’interprétant dynamique » (Peirce) dans le chapitre 9 intitulé « Citoyennes sans citoyenneté » de « Les Femmes dans la France Moderne XVIe-XVIIIe siècle » (2015).

Réduites au silence ? Les femmes et la parole pétitionnaire en l’an III
Virginie Martin

On sait que la pratique pétitionnaire a constitué l’un des principaux modes d’expression et d’exercice de la citoyenneté, dont les femmes n’ont pas manqué de s’emparer pour faire valoir leur voix et leurs droits. Or, les protocoles éditoriaux successifs des Archives parlementaires ont incontestablement contribué à oblitérer ces pétitions de femmes. Cette invisibilisation des pétitions féminines à la Tribune, latente dès 1789, s’exacerbe sous la Convention thermidorienne. Comment cette invisibilisation opère-t-elle, par quelles modalités institutionnelles et administratives ? En quoi les femmes sont-elles, de ce fait, appréhendées comme des citoyennes sans citoyenneté ?

Citoyenne sans Citoyenneté : Germaine de Staël, Delphine et le divorce
Jean Pedersen

Je propose d’examiner le paradoxe de la citoyenne sans citoyenneté en trois temps : par l’analyse des engagements politiques de Germaine de Staël pendant la Révolution française ; par l’analyse de son roman Delphine (1802), dont l’action se déroule pendant les premières années de ce grand évènement historique ; et par l’analyse de ses positions, dans ce roman et ailleurs, sur les transformations révolutionnaires des lois sur le mariage et le divorce qui se succédaient sous la nouvelle monarchie constitutionnelle, la première république, et l’empire napoléonien.

En-deçà et au-delà des droits politiques. Les filles du peuple de La femme libre
Stefania Ferrando

Au cours de la Révolution française, de nombreuses femmes, surtout d’origine populaire, sans être titulaires de droits politiques, se considèrent comme des sujets politiques. Elles se conçoivent comme des membres actifs de ce peuple auquel la souveraineté est reconnue.

C’est sur cette perspective de recherche de Dominique Godineau que je voudrais me concentrer dans mon intervention. Je voudrais ensuite la suivre pour étudier une période postérieure à la Révolution, en étudiant un groupe de femmes d’origine populaire, liées au saint-simonisme, qui ont contribué dans les années 1830 à la revue La femme libre. À partir de leurs textes, je voudrais comprendre ce qui se situe, pour elles, au-delà et en deçà des droits politiques et de quelle manière les pratiques qui dépassent l’horizon de ces droits les conditionnent et en sont conditionnées.

En m’appuyant sur les études d’historiennes italiennes sur le paradoxe de la citoyenneté féminine, je pense en effet que pour mieux comprendre ce paradoxe, il faut saisir ce qui se situe au-delà du plan des droits politiques et de leur revendication.

11h20 : Discussion

 

12h30 : Déjeuner (buffet)

 

Atelier 2 - Travail, espaces économiques et citoyenneté

Présidence : Denise Davidson

14h00 : Maîtresses sans maîtrise ? L’accès aux droits de cité dans les corporations féminines avant la Révolution et l’impact de l’expérience révolutionnaire
Clare Haru Crowston

Cette contribution abordera la notion de « citoyennes sans citoyenneté » du point de vue d’un courant historiographique (William Sewell et plus récemment Maarten Prak et Patrick Wallis) qui a soutenu l’existence de liens étroits entre l’appartenance à une corporation et la citoyenneté. La contribution examinera brièvement dans quelle mesure la participation des femmes de la fin du XVIIIe siècle aux corporations peut être considérée comme une forme de citoyenneté urbaine et comment cette citoyenneté était, ou non, influencée par le genre. Elle explorera ensuite l’héritage de cette forme d’émancipation féminine dans la période révolutionnaire, avec l’abolition des corporations et l’émergence de la citoyenneté républicaine.

Le travail, un lieu pour être « en citoyenneté » lorsqu’on est « citoyenne sans citoyenneté » ?
Samuel Guicheteau

Dans Citoyennes tricoteuses, un passage est intitulé « quand l’ouvrière est citoyenne » : D. Godineau y explore le travail comme un des champs dans lequel des femmes se comportent en citoyennes. Si, pour les ouvrières, cette expérience semble être une exception parisienne inhérente à l’intensité particulière de la vie politique de la capitale, le travail apparaît en général comme un domaine essentiel pour de nombreux acteurs, en particulier les ouvriers : il est donc judicieux de l’aborder avec une approche de genre. Au début de la Révolution, les ouvriers – citoyens passifs – s’efforcent d’appliquer les principes révolutionnaires, notamment la liberté de s’assembler. Leurs organisations sont effectivement essentielles pour leur identité sociale et leurs combats. Or, ces organisations sont professionnelles et masculines : leur développement nourrit une masculinisation de l’identité ouvrière.

La citoyenneté économique et la recherche de citoyennes dans les archives
Katie Jarvis

S’appuyant sur le concept de « citoyennes sans citoyenneté » de Dominique Godineau, cette communication propose la notion de citoyenneté économique afin d’élargir l’espace archivistique dans lequel on peut trouver et étudier les femmes imaginant leurs droits et leurs devoirs. En négociant la réforme économique pendant la Révolution, les femmes et les hommes ont dû articuler leurs intérêts dans le contexte d’une communauté nationale et de relations sociales contractuelles. Cette communication présente les documents qui concernent les Patentes et le domaine public comme lieux prometteurs pour étudier comment les femmes ainsi que l’État imaginaient leur citoyenneté économique.

Mains bienfaisantes, citoyennes méritantes : activités du soin et inclusion dans la Cité
Solenn Mabo

Comment envisager la citoyenneté des femmes en dehors des groupes féminins les plus investis ou les plus audibles (clubs politiques, mouvement sectionnaire, pratique pétitionnaire...) ? Le champ de la bienfaisance, de l’assistance, des secours, que la notion de care aide à fédérer, offre des clés pour réfléchir au genre de la citoyenneté sans se limiter à ses expressions les plus explicites, pour le faire encore sans figer les frontières entre pratiques politiques, sociales ou religieuses, traditionnelles ou nouvelles. Parce que les activités du soin mobilisent des qualités jugées féminines et se chargent d’enjeux patriotiques, comment façonnent-elles le modèle de la « bonne citoyenne » ? Dans quelle mesure incluent-elles des femmes dans le monde masculin des emplois publics ? Parallèlement, que signifie exactement l’expérience d’une « citoyenneté sociale » ? Façonnée aussi bien par le travail du « care » que par le fait de réclamer des secours, se décline-t-elle différemment pour les hommes et les femmes ?

Les ouvrières, des citoyennes dans l’atelier ? (Révolution de 1848)
Caroline Fayolle

Cette communication se propose d’interroger avec le concept du genre les projets de "démocratie au travail" élaborés lors de la révolution de 1848. Après la répression de la révolte populaire de juin, des associations ouvrières (coopératives de production), d’inspiration socialiste, se sont en effet alors considérées comme des espaces politiques alternatifs où s’exerce une souveraineté ouvrière et où est débattue la question de l’inclusion ou non des femmes. Des féministes socialistes (parfois issus du monde ouvrier), qui ont dénoncé l’exclusion des femmes du droit de suffrage, ont aussi théorisé l’association ouvrière comme un lieu d’émancipation politique. Ces projets ont donné lieu à des expérimentations concrètes, notamment au sein de l’Union des associations fondée par la féministe Jeanne Deroin, mais aussi au sein d’associations non mixtes où des ouvrières se sont auto-administrées. Il s’agira ainsi de mobiliser les travaux de Dominique Godineau pour interroger, sur un autre terrain, les conceptions alternatives de la citoyenneté imaginées par des ouvrières en période révolutionnaire.

14h20 : Discussion

15h30 : Pause

 

Atelier 3 - Les parisiennes, un peuple à part ?

Présidence : Dominique Godineau

15h45 : La citoyenneté parisienne dans un contexte atlantique
Janet Polasky

La première question, « Les Parisiennes, un peuple à part ? », est une ouverture évidente pour l’Histoire atlantique comme exploration de la mobilisation des femmes révolutionnaires et des catégories de citoyenneté dans les villes des quatre continents qui bordent l’Atlantique. Dans les colloques des années 1980 et l’ouvrage collectif dans lequel Dominique Godineau a joué un rôle central, Women in the Age of Democratic Revolution, les historiennes européennes et américaines ont comparé Paris à d’autres espaces révolutionnaires. Je propose d’examiner les travaux existants et futurs qui placent les femmes révolutionnaires de Paris dans un contexte atlantique. En quoi cela modifie-t-il notre compréhension des variations de la citoyenneté ?

De la Vienne à Paris, les épouses de représentants de la nation, des citoyennes sans citoyenneté ?
Anne Jollet

Il s’agit dans cette communication d’approcher comment des femmes de député, non parisiennes, développent en arrivant à Paris des formes de sociabilité liées à leur nouvelle installation et s’inscrivent dans des activités de citoyennes actives. Leurs actions, en dépit de leur faible connaissance de Paris, de l’absence de réseaux préexistants, traduisent une acculturation rapide et une conscience vive du contexte politique. Du fait de leur situation d’épouse de député, elles sont particulièrement sollicitées, car elles sont réputées disposer de façon médiate d’une part du pouvoir de leur époux, mais elles ont aussi leurs initiatives propres qui font bien d’elles des citoyennes, fières de l’être, sans citoyenneté au sens où l’a conceptualisé Dominique Godineau.

Les femmes révolutionnaires à Marseille. La relation entre citoyenneté, souveraineté populaire, et l’importance des contextes locaux et régionaux
Laura Talamante

Comme les femmes à Paris et dans d’autres régions de France, les femmes de Marseille ont façonné les conceptions de la citoyenneté et leurs attentes d’inclusion dans le corps politique en tant que membres politiques de la nation. Les exemples de Marseille s’ajoutent aux recherches locales et nationales qui nous aident à comprendre les contributions des femmes au développement d’une conscience politique révolutionnaire et d’une citoyenneté « active », qui démentirait leur statut juridique de citoyennes « passives ». Les conceptions et actions sur la citoyenneté des femmes révolutionnaires à Marseille montrent la façon dont leur citoyenneté peut être comprise par le pouvoir attaché à la souveraineté populaire et à d’autres droits dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Je démontre également l’importance des différences locales et régionales qui remettent en question la représentativité de Paris en matière d’expériences politiques des femmes.

Réclamer la parole dans les campagnes du sud-ouest. Citoyennes « passives » pour et contre la Révolution
Jillian Walshaw

Dans les campagnes reculées du sud-ouest de la France, une vive tradition de démocratie municipale bien antérieure à 1789 avait inculqué aux villageois une participation féminine non négligeable dans la politique locale. Même sans citoyenneté officielle, les citoyennes des petites villes et villages du sud-ouest ont pris un fort intérêt dans le nouvel ordre, soit pour, soit contre. Les minutes d’une société patriotique villageoise séante à Mourvilles-Hautes (Haute-Garonne), source inhabituelle, révèlent des femmes parmi les sociétaires, comme dans l’assemblée communale d’autrefois. Après 1793, lorsque la vague de discours sur les femmes et la politique s’est transformée, ce sont aussi les femmes qui se sont trouvées souvent devant les tribunaux pour avoir appelé un chat un chat, nous laissant apercevoir combien la politique infusait leur vie quotidienne.

La loi du 6 juin 1793, le droit des femmes au partage des communaux et le décrochage des recherches érudites correspondantes
Serge Aberdam

Entre les décisions d’août 1792 et de juin 1793, l’accès égalitaire au partage des communaux est systématisé, dans une démarche de plus en plus inclusive. Comment expliquer alors que les abondantes recherches menées sur ce sujet fassent aussi peu de place à la complexité des décisions prises et à leurs conséquences pratiques ? Comment, en particulier, la forme de citoyenneté féminine que projette la loi du 10 juin disparaît-elle de l’historiographie, en dépit de la matérialité indiscutable des faits ?

17h10 : Discussion

18h00 : Réception à l’Hôtel de Ville

20h00 : Dîner

 

Vendredi 11 Juillet 2025

 

Atelier 4 - Citoyennes sans citoyenneté sur les terrains de résistance

Présidence : Lynn Hunt

9h00 : Les dévotes, des citoyennes comme les autres ? Le châtiment des militantes de l’Église réfractaire entre justice, infrajustice et parajustice (1791-1792)
Paul Chopelin

L’établissement, au début de l’année 1791, d’une Eglise réfractaire, avec ses prêtres, ses fidèles et ses lieux de culte, brise le rêve d’unanimité des Constituants, enclins à voir dans cette résistance, aussi massive qu’inattendue, à la Constitution civile du clergé, le fruit d’un complot "fanatique". Les archives judiciaires révèlent l’existence d’un fort activisme féminin en faveur du clergé réfractaire, qui, la plupart du temps, prend la forme de distribution de brochures et de participation à des assemblées séditieuses, pouvant parfois donner lieu à des violences physiques. A travers quelques exemples choisis dans le cadre rural et urbain, l’objectif de la communication propose d’étudier la variété d’attitude des autorités à l’égard de cet activisme, entre répression et conciliation. La "dévote", telle que la militante réfractaire est généralement appelée, apparaît comme la marionnette de prêtres manipulateurs, ce qui la met à l’abri, dans une certaine mesure, des poursuites judiciaires, mais l’expose à d’autres formes de correction permettant de mettre en scène la bonne et la mauvaise citoyenneté féminine. En attendant une enquête plus systématique, cette communication proposera, en revenant notamment sur la pratique de la fustigation des dévotes à Paris et dans plusieurs villes de provinces en 1791-1792, d’établir un répertoire d’action et de définition d’une incapacité civique féminine.

Les émigrées, des « citoyennes sans citoyenneté » doublement marginalisées ?
Maria Goupil-Travert

La loi sur l’émigration du 28 mars 1793 est la première à mentionner explicitement les femmes émigrées. Considérées à partir de cette date comme des « ennemies de la Nation » au même titre que les hommes, elles apparaissent désormais aux yeux des révolutionnaires comme des ennemies politiques. La question de la responsabilité individuelle des femmes émigrées est pourtant loin d’être évidente pour des révolutionnaires qui reconnaissent également leur soumission à l’autorité paternelle et maritale. Naviguant entre une législation qui criminalise de plus en plus leur exil et des discours qui minimisent la dimension politique de leur émigration, certaines émigrées parviennent malgré tout à contribuer à la lutte contre- révolutionnaire en ayant recours à des formes non conventionnelles de participation politique.

Groupes de femmes dans l’espace public : les Lyonnaises dans la répression de l’hiver 1793-1794
Olivier Ferret et Anne Verjus

Durant les mois qui suivent le siège de Lyon, « Ville-affranchie » fait l’objet d’une répression féroce. Des centaines d’hommes sont condamnés à mort. Les affiches étalent sur les murs ces listes de « rebelles » dont il faut « purger » la nation. Sur ces affiches, on décompte de plus en plus de groupes de femmes. Par leur condamnation, la commission révolutionnaire fait entrer les femmes dans la citoyenneté ; le fait de les désigner à part contribue-t-il à condamner leur action « en tant que femmes » ou à faire d’elles des « citoyennes sans citoyenneté » ?

9h25 : Discussion

10h15 : Pause

 

Atelier 5 - Peut-on parler d’une citoyenneté dans l’espace privé, et si oui, de quoi cet espace est-il « privé » ?

Présidence : Denise Davidson

10h30 : Agir en citoyenne au nom de la famille, ou supplier en femme éplorée : les adresses féminines aux autorités judiciaires (Lyon, 1793-1794)
Déborah Cohen

Alors que leur mari, père, frère ou fils est emprisonné, des femmes interagissent avec les institutions judiciaires ou policières, pour réclamer ou supplier, exiger des droits, demander des passe-droits, exposer leur situation, afin d’obtenir la sortie de l’homme emprisonné. Si elles jouent des codes de la fragilité féminine, qui les excluent d’une citoyenneté en nom propre, elles parlent aussi au nom du groupe familial alors que leurs hommes sont empêchés. Elles tirent ainsi de la conception républicaine familialiste la possibilité d’agir et de parler aux autorités au nom d’une citoyenneté empruntée.

La "citoyenneté sociale" des mères dans les années 1790
Sian Reynolds

Pendant la Révolution, les mères ont la citoyenneté indirecte : on leur demande de faire de leurs fils de bons citoyens et de leurs filles (tout de même) de bonnes républicaines. Dans cette communication, j’explore à la lumière des études du « care » (Joan Tronto) et de la "femme nourricière" (Dominique Godineau), les appels aux autorités publiques des veuves d’acteurs révolutionnaires qui prennent sur elles de jouer un rôle politique dans le nouveau monde qui émerge, pour leurs enfants et pour elles-mêmes.

Des religieuses hors normes, "libérées", invisibilisées et pourtant en action
Philippe Bourdin

Prétendant porter des idéaux libérateurs, le théâtre de la Révolution présente volontiers l’intérieur des couvents féminin “libérés” de la règle, les moniales rendues à la société, au mariage, à l’enfantement. Bref, l’univers masculin s’impose, et le fait volontiers de manière grivoise en balayant tous les interdits et les secrets, trop symboliques de l’Ancien Régime. Les « libérateurs » refusent les ordres au nom de l’unité nationale et nient la liberté de choix qui a pu dessiner le destin des religieuses. Pourtant, les archives nous apprennent autre chose de celles qui sont brutalement projetées dans la société civile, perdant et cherchant à retrouver les solidarités ordinaires auxquelles elles étaient habituées, qui protégeaient notamment le grand âge et le handicap auxquels les autorités n’apportent aucune aide. Elles nous en disent aussi, ne serait-ce qu’à travers les fonds judiciaires et les correspondances privées, des engagements publics auxquels s’affairent certaines, le plus souvent dans le secret de la clandestinité, telles les Visitandines, l’une des maisons les plus solidement structurées, brodant les cœurs vendéens qui ornent les poitrines des combattants de la Contre-Révolution.

La présentation de soi dans les pratiques politiques d’une citoyenne « apolitique », Rosalie Ducrollay Jullien
Bingyi Xiao

Rosalie Jullien a consigné ses actions et ses pensées sur les événements révolutionnaires dans des lettres à sa famille. Elle a caché son enthousiasme pour la politique derrière des récits familiaux. Elle a souligné que les femmes ne devraient pas jouer le même rôle que les citoyens légitimes, mais en fait, elle a vécu une vie très proche de celle des citoyens de l’époque. Nous pouvons explorer comment elle a reconnu le concept de citoyenne et comment elle a présenté son identité lorsqu’elle a participé aux affaires politiques de la famille à partir de ses lettres à travers la théorie de la présentation de soi d’Erving Goffman.

Retraite et émancipation : les personnages féminins de Gacon-Dufour
Olivier Ritz

Les femmes des ouvrages de Gacon-Dufour (celles de ses romans, de ses textes polémiques et de ses livres pratiques) sont presque toujours reléguées à des espaces à part, la maison et la campagne. Mais elles apprennent à maîtriser leur situation plutôt qu’à la subir, si bien que leur retraite, contrainte ou volontaire, est l’espace paradoxal d’une émancipation : elles apprennent à ne plus subir de privations.

11h10 : Discussion

 

12h00 : Déjeuner (buffet)

 

Atelier 6 - Citoyenneté des femmes et représentations artistiques

Présidence : Christine Adams

13h30 : La Révolution des Peintres (femmes)
Lynn Hunt

Les femmes artistes ont commencé à remanier le monde de l’art dans les années 1780, mais leur participation a explosé avec l’ouverture du Salon à tous à partir de 1791. Marie-Gabrielle Capet n’était pas la peintre la plus célèbre de son temps, mais sa carrière témoigne de l’ouverture de nouvelles perspectives artistiques aux femmes grâce à la Révolution. La représentation de la mode et de ses évolutions fournit des documentations essentielles sur les mutations sociales des années 1790.

À vos plumes, prisonnières !
Cécile Tarjot

La Révolution reconfigure profondément la Justice, que ce soit dans ses pratiques ou d’un point de vue théorique. Le régime d’exception mis en place provoque la massification des emprisonnements politiques, qui concernent de nombreuses femmes. Certaines d’entre elles, lettrées et capables de témoigner, ont couché sur le papier leur épisode carcéral. Que leur écriture soit contemporaine ou postérieure à l’incarcération, on questionnera la double inscription de ces écrits dans le champ littéraire et dans le champ politique. Nous analyserons comment s’articulent récit intime et énonciation politique du moi.

Citoyennes graveuses : les femmes artistes, la gravure politique, et la citoyenneté pendant la Révolution française
Sarah Lund

Plus de 255 femmes pratiquaient la gravure pendant la période commençant avec le début de la Révolution française en 1789 jusqu’à la révolution de 1848. Surtout, beaucoup de ces graveuses créaient des images politiques, utilisant leurs pratiques artistiques pour participer au discours de la Révolution. Dominique Godineau a articulé le concept de « citoyennes sans citoyenneté » et l’idée que, selon le discours de la Révolution, la citoyenneté n’était pas garantie mais méritée. Cette présentation explore la citoyenneté méritée au sujet des femmes artistes, et propose l’idée que les graveuses tentaient de s’affirmer comme citoyennes parmi leur production artistique. Les graveuses ont créé des caricatures politiques, ont orné des impressions des documents légaux comme la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ont donné leurs gravures comme donations à la nation, se sont présentées à l’Assemblée nationale et ont réclamé le titre de « Citoyenne » dans leurs griffes artistiques. Cette contribution présente une sélection des femmes graveuses de la Révolution française et leurs œuvres politiques.

Politisation et dépolitisation des citoyennes dans les images en mouvement
Hugo Orain

Dans notre imaginaire social de la Révolution, les femmes sont un pluriel réducteur. Quelques destins individuels sont parfois mis en avant mais souvent par le prisme de la romance ou par des figures liées au pouvoir. Je souhaite interroger la notion de « citoyennes sans citoyenneté » en l’appliquant aux représentations fictionnelles animées (cinéma, télévision et jeu vidéo). D’un côté, on observe des fictions réactionnaires ou conservatrices, qui propagent un discours de dépolitisation des femmes pendant la Révolution. De l’autre, on voit des œuvres militantes qui délivrent une lecture féministe des luttes révolutionnaires. Navigant entre ces deux courants, je souhaite analyser ce que ces représentations racontent de notre compréhension collective de l’engagement des femmes durant la Révolution. Pour cela, je m’appuierai sur des séquences d’une œuvre de chaque média mentionné ci-dessus.

14h10 : Discussion

15h00 : Pause

 

Atelier 7 – Citoyennes en armes, citoyennes aux armées

Présidence : Dominique Godineau

15h30 : Désarmées ? Femmes, mobilisations collectives et appropriation masculine de l’engagement armé, 1787-89
Guillaume Mazeau

Dès le début des dynamiques révolutionnaires, les femmes se signalent par l’usage de différentes armes lors des mobilisations collectives. L’été 1789 constitue un tournant dans ce mode de participation aux débuts de la Révolution française : la mise en place des premières organisations de maintien de l’ordre se caractérisent par une appropriation masculine des armes. Cette appropriation, qui accompagne une première tentative de retour à l’ordre patriarcal, est cependant immédiatement contournée et contestée : l’automne 1789 ouvre ainsi une tension qui traversera toute la décennie révolutionnaire.

Aspects de la conjugalité des officiers antillais pendant la Révolution
Bernard Gainot

La présence d’un groupe de femmes et d’enfants à la suite des compagnies d’hommes de couleur en garnison sur l’île d’Aix nous invite à réfléchir sur une pratique sociale, bien documentée pour les volontaires de 1792, que j’ai appelée « la guerre en famille ». La légitimation « familiale » du combat et des combattants a joué un rôle certain dans la décision d’abolir l’esclavage. L’accession de la citoyenneté par les armes vaut affranchissement, non seulement pour le combattant, mais aussi pour la femme du combattant (discours de Dufay, 4 février 1794). Celle-ci reste toutefois aux marges de l’entière citoyenneté.

Repenser les enjeux des guerres révolutionnaires et la citoyenneté des femmes
Jennifer Heuer

L’histoire des femmes-soldats pendant la révolution est relativement connue, grâce, parmi d’autres choses, aux travaux innovateurs de Dominique. Cependant, les guerres révolutionnaires n’ont pas seulement touché les femmes directement attachées aux armées, mais souvent aussi les civils. Je reviens ici donc à quelques aspects moins connus des femmes-soldats liés à leurs revendications de la citoyenneté, telle l’idée d’une « récompense nationale », ou le port d’uniforme après leur démobilisation. Or, j’essaie aussi de penser comment d’autres femmes ont insisté sur leurs identités comme citoyennes en relation avec le service militaire des parents mâles – donc le sacrifice de leurs fils ou leurs maris, ou l’acceptation des difficultés causées par la guerre – et comment la guerre prolongée les a obligés à interagir avec l’État dans des façons nouvelles.

Une citoyenneté armée : les légions d’Amazones en province
Rossella Bufano

Dominique Godineau fait entrer dans la catégorie des “citoyennes sans citoyenneté” les propositions d’organiser des bataillons de femmes armées ; les citoyennes sans citoyenneté revendiquent l’exercice d’actions typiques de la citoyenneté active : elles présentent des pétitions aux Assemblées dans lesquelles elles demandent le droit d’avoir des armes en s’inscrivant aux rôles de la Garde Nationale. Suivant la Constitution de 1791, l’enregistrement dans les rôles de la Garde Nationale caractérise le citoyen actif. Dans plusieurs villes de province, certaines citoyennes formèrent des « compagnies d’amazones ». Je vais interroger le paradigme de Dominique Godineau à la lumière de certains règlements des Légions d’Amazones en province, les pétitions et les discours qu’elles adressent aux assemblées ou tiennent dans les clubs et les sociétés locales ; j’examinerai également la signification de l’utilisation de l’instrument démocratique qu’est la pétition pour exiger le droit de s’armer.

17h10 : Discussion

18h00 : Conclusion et fin du colloque

 

Contact : citrev@sciencesconf.org

Inscription : “Citoyennes sans citoyenneté” dans la Révolution française : appropriations , reprises et actualisations d’un concept (1989-2025) - Sciencesconf.org


Colloque organisé par l'UMR TRIANGLE, CNRS / Sciences-Po Lyon, ENS Lyon, et l’Université Rennes 2.



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35000 Rennes