Présentation
Cette journée d'étude représente le 3e temps d'un colloque plurisite organisé sous l'égide de l'Association française pour l'histoire de la justice (AFHJ), sur le thème : La justice et la mémoire de l'esclavage ancien et moderne.
Les deux premiers actes se sont déroulés aux Antilles de la manière suivante :
I. Mémoire passée et réparations, Laboratoire CREDDI (Faculté des Sciences juridiques et économiques de la Guadeloupe, Université des Antilles), 7 novembre 2018 ;
II. Mémoire à travers la littérature et regard sur l'esclavage moderne, Cour d'appel de la Martinique, 9 novembre 2018.
L'esclavage stricto sensu et les autres formes d'exploitation des êtres humains qui lui sont associées (servitude, servage, travail forcé, traite…) constituent un phénomène présent dans la grande majorité des sociétés à travers le monde depuis l'Antiquité. Or, si les phases des « sociétés esclavagistes », jusqu'au XVe siècle environ, et des « traites légales », jusqu'au XIXe siècle, ont laissé place, au niveau international et à celui d'une partie des Etats, à celles d'abolitionnisme puis de répression des formes d'esclavage officielles ou généralisées, ce fléau a échoué à être éradiqué. Prenant un aspect souvent plus diffus, d'anciennes formes se sont maintenues et de nouvelles sont apparues, la fondation australienne Walk Free faisant état de 40 millions de victimes à l'échelle de la planète dans la dernière édition de son Global Slavery Index (GSI 2018).
La France, progressivement présentée comme le pays du « sol franc » à partir de la fin de l'époque médiévale, n'est pas demeurée en marge de cette histoire mondiale. Notamment restée une terre de servage jusqu'à la fin de l'Ancien Régime et devenue entre le XVIIe et le XIXe siècle un acteur majeur de la traite négrière en vue du recours à une main d'œuvre d'esclaves dans les « anciennes » colonies, elle enregistrait, cent-soixante-cinq ans après la seconde abolition de l'esclavage en 1848, 8 500 victimes de l'esclavage moderne (GSI 2013) …, 129 000 cinq ans plus tard (GSI 2018).
Comme l'a souligné avec raison l'actuelle présidente du Comité contre l'esclavage moderne (CCEM), association à l'origine de la première condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme en raison de l'insuffisance de son dispositif de lutte contre ce phénomène en 2005, cette situation appelle à « lutter contre l'indifférence [des gens] ». Tel est l'un des objectifs poursuivi par le Comité national pour la mémoire et l'histoire de l'esclavage (CNMHE) depuis 2004 et par le projet de Fondation pour la mémoire de l'esclavage, à partir d'un travail d'éclairage sur le passé. Or, parce qu'il se construit dans le temps et laisse une trace tangible, le droit constitue également un utile instrument de la mémoire des formes d'esclavage et de leur évolution, ainsi qu'un important vecteur du « Plus jamais ça ! ».
L'objet de la présente journée d'étude est ainsi de rendre compte de ce rôle de mémoire du droit tourné vers l'action contre les formes d'esclavage depuis le début du XIXe siècle, même si son effectivité et son amélioration se heurtent encore (ou surtout) aujourd'hui à une difficile « prise de conscience » de la réalité et de l'ampleur du phénomène.
Programme
9h30 : Ouverture
Marie-Emma-Boursier, Doyen de la Faculté
Denis Salas et Sylvie Humbert, Président et Secrétaire générale de l'AFHJ
Pascale Bertoni, Directrice du Laboratoire VIP
9h55 : Introduction
Olivier Pluen, Maître de conférences en droit public, UVSQ – Paris-Saclay
Une mémoire entretenue par le droit face à un phénomène historique majeur
Présidence : Sarah Cassella, Professeure agrégée de droit public, U. du Maine
10h10 : La “conscience” du droit naturel chez le juge face à l'esclavage colonial sous la monarchie de Juillet
Frédéric Charlin, Maître de conférences en histoire du droit, U. Grenoble Alpes
Le processus d'interdiction universelle de l'esclavage en droit international du XIXè à la première moitié du XXè s.
Michel Erpelding, Senior Research Fellow en droit international, Max Planck Institute
L'interdiction de l'esclavage, “consacrée” comme norme de Jus Cogens en droit international et droit “inconditionnel” en droit européen
Thibaut Fleury Graff, Professeur agrégé de droit public, UVSQ – Paris-Saclay
Débat
Une mémoire vivifiée par le droit face à la rémanence contemporaine du phénomène
Présidence : Denis Salas, Magistrat, Président de l'AFHJ
11h40 : Une réalité contemporaine appelant un renouveau du droit en matière de lutte contre l'esclavage
Sylvie O'dy, Présidente du Comité contre l'esclavage moderne, CCEM
La permanence de la convention sur l'esclavage de 1926 et la sortie de désuétude de l'article 4 de la Convention européenne des droits de l'homme
Béatrice Boissard, Maître de conférences en droit public, UVSQ – Paris-Saclay
La question de la continuité de la réflexion de la doctrine juridique contemporaine (XX-XXIe s.)
Nathalie Wolff, Maître de conférences en droit public, UVSQ – Paris-Saclay
Le développement du droit de lutte contre la traite et les autres formes d'esclavage : regard comparé (Sahel)
Eric Panloup, Col. de gendarmerie, adjoint de l'ambassadeur chargé des migrations, ancien coordinateur du Plan national de lutte contre la traite des êtres humains
Débat
13h15 : Pause-déjeuner (Intervenants)
Une mémoire à adapter par le droit face à la difficile compréhension du phénomène
Présidence : Frédéric Régent
14h40 : Le rôle de la mémoire et de l'histoire de l'esclavage colonial sur la lutte contre les formes contemporaines d'esclavage
Frédéric Régent, Maître de conférences HDR en histoire moderne, U. Paris I, président du Comité national pour la mémoire et l'histoire de l'esclavage (CNMHE)
A - Une réalité « définitionnellement » trop complexe ?
14h50 : L'intégration des infractions d'esclavage et de servitude dans le code pénal français à l'occasion de la loi du 5 août 2013 : retour sur le parcours d'un amendement parlementaire
Axelle Lemaire, ancienne Secrétaire d'Etat et députée
Une frontière difficile à cerner entre formes légales de travail et formes contemporaines d'esclavage
Benoît Petit, Maître de conférences HDR en droit privé, UVSQ – Paris-Saclay
B - Une réalité géographiquement trop lointaine ?
15h35 : De la “franchise du sol français” au droit d'asile pour cause d'esclavage, un (impossible) principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France ?
Olivier Pluen, Maître de conférences en droit public, UVSQ – Paris-Saclay
La protection en France de l'étranger, esclave domestique
Delphine Porcheron, Maître de conférences en droit privé U. Strasbourg
La lutte contre la traite dans les entreprises et la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre : approche critique
Loréna Moua, Doctorante en droit privé, UVSQ – Paris-Saclay
C - Une réalité historiquement trop ancienne ?
16h35 : Quelle indemnisation pour les victimes des formes contemporaines d'esclavage ?
Victoire Lasbordes - de Virville, Maître de conférences en droit privé, UVSQ – Paris-Saclay
L'art contre les formes d'esclavage ?
Emmanuelle Saulnier-Cassia, Professeure agrégée de droit public, UVSQ – Paris-Saclay
Débat
17h30 : Conclusion
Sylvie Humbert, Professeur d'histoire du droit, U. catholique de Lille, Secrétaire générale de l'AFHJ
Contact : Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Tarifs : Gratuit pour les étudiants, les enseignants-chercheurs - 80 euros pour les avocats - 15 euros pour les autres
Participation au déjeuner (hors intervenants et invités) : 15 euros (à réserver avant le 4 octobre)
Colloque éligible à la formation continue des avocats
Organisé sous l'égide de l'Association française pour l'histoire de la justice (AFHJ) avec le soutien des laboratoires de recherche VIP et DANTE, et de la Communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines