Présentation
La souveraineté pénale désigne le lien intime qui unit la souveraineté et le ius puniendi depuis la naissance de l'Etat moderne. L'expression est retenue pour son fort pouvoir évocateur, et non comme un écho à une conception matérielle de la souveraineté.
Historiquement, le droit de punir est l'expression de l'autorité du souverain à l'égard de sa population et de son territoire. Sa définition et son exercice s'inscrivent dans un projet de société dont ils participent autant qu'ils contribuent à le modeler.
Traditionnellement égoïste, axé sur la défense de l'ordre public et des intérêts nationaux, le droit de punir connaît cependant depuis le XXème siècle des mutations propres à celles qui animent les ordres juridiques nationaux, régionaux et international et qui contribuent d'ailleurs à reconfigurer l'exercice des compétences souveraines dans des domaines autres que le champ pénal, suscitant le leitmotiv d'un Etat en crise.
Les origines sont multiples et bien connues : mondialisation et approfondissement des rapports de systèmes ; renouvellement des formes de criminalité internationale, notamment terrorisme et atrocités de masse ; affirmation de valeurs communes mondiales et nécessaire lutte contre l'impunité ; émergence corrélative d'ordres publics concurrents.
Ces effets ne sont évidemment pas univoques : la reconfiguration des conditions d'exercice de la souveraineté pénale aboutit autant au renforcement qu'à l'affaiblissement de son exercice par les différents pouvoirs constitutionnels. Ainsi, le législateur n'est plus maître des frontières du droit de punir, mais il peut s'intéresser au respect d'autres ordres publics que le sien. Les fonctions du juge national s'internationalisent, mais sont concurrencées par celles d'autres juges. En concluant des conventions de coopération pour faciliter l'exercice de son pouvoir répressif, le pouvoir exécutif n'est pourtant plus toujours à même de faire valoir les
intérêts qui sont les siens à l'occasion de la mise en œuvre de cette coopération.
C'est l'objectif de ce colloque que d'identifier les transformations de l'exercice du droit de punir de l'Etat à l'égard de sa population et de son territoire, pour défendre des valeurs sociales qu'il juge essentielles. Un tel état des lieux permettra, on l'espère, de déterminer si, au XXIème siècle, il faut encore nécessairement lier souveraineté nationale et ius puniendi. Peut-être dessinera-t-il les contours des conditions essentielles d'exercice.
de la souveraineté en matière pénale, i.e. ce qui relèverait de l'identité constitutionnelle
de chaque Etat dans ce domaine.
Programme
Jeudi 18 mai 2017 - Après-midi
14h00 : Ouverture
Le Président de l'université, le Doyen et le Président de la SFDI – Professeurs Xavier Vandendriessche, Bernard Bossu et Alain Pellet
14h40 : Rapport introductif
Muriel Ubeda-Saillard, Professeure, Université Lille Droit et santé
I. L'exercice ratione materiae du droit de punir – L'élargissement des valeurs politiques et sociales protégées
Présidence : Mireille Delmas-Marty, Professeure émérite au Collège de France, membre l'Institut de France
15h00 : Le droit pénal, expression de l'autorité du souverain
Louis de Carbonnières, Professeur, université Lille, Droit et santé
L'esquisse d'une politique pénale mondiale
Theodor Meron , Président du Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux
15h30 : Débats
15h50 : Pause
16h10 : Reprise des travaux
La place croissante des droits et intérêts individuels
William Bourdon, Avocat associé, Barreau de Paris
Les interactions normatives entre les régimes de Common Law et de droit romano-germanique
Geneviève Giudicelli-Delage, Professeur émérite, université Paris 1 Panthéon Sorbonne
Punir en marge du Droit ?
Marina Eudes , Maître de Conférences HDR, Université Paris Nanterre
17h00 : Débats
18h30 : Cocktail (Mairie de Lille - Place Augustin Laurent - 59000 Lille)
II. L'application ratione personae du droit de punir – La multiplication des compétences juridictionnelles concurrentes
Présidence : Jean-Louis Atangana Amougou, Professeur, Directeur de cabinet de la Secrétaire Générale de l'Organisation internationale de la Francophonie.
9h30 : Le juge national comme juge naturel ?
Julie Alix, Professeure, université Lille, Droit et santé
La concurrence du juge étranger
Marc Henzelin, Avocat associé, Barreau de Genève
La concurrence du juge pénal international
Paola Gaeta, Professeure, Institut de hautes études internationales et du développement, Genève
10h20 : Débats
10h50 : Pause
11h10 : Reprise des travaux
Les compétences des institutions de l'Union européenne
Stefano Manacorda, Professeur, Seconda Università di Napoli
Face à l'internationalisation : des compétences irréductibles du juge interne ?
(intervenant à confirmer)
11h40 : Débats
12h30 : Déjeuner
Après-midi
III. Ateliers thématiques consacrés à la coopération entre les autorités compétentes en matière pénale
Il s'agit ici de mettre en évidence le perfectionnement technique des mécanismes de coopération aux plans international et régional (ONU, CoE, OEA, etc.), en vue de définir une répression pénale coordonnée et performante, non limitée à l'espace territorial, pour la défense des ordres publics nationaux, régionaux, international voire transnationaux.
Afin de déterminer l'incidence de ces mécanismes sur la souveraineté pénale, il faudra s'attacher à l'examen de leurs exigences substantielles et procédurales pour identifier notamment la place qu'occupent en leur sein le facteur politique et la défense des intérêts nationaux.
Au-delà, on pourrait s'interroger sur les conséquences de la recherche d'efficacité en matière de coopération ainsi que sur celles des conflits positifs de compétences répressives quant au respect des droits fondamentaux.
Les communications des ateliers seront assurées par les jeunes chercheurs (doctorants et maîtres de conférences, ayant répondu à l' appel à contributions ).
Atelier I. L'évolution des techniques de la coopération « mineure »
Sous la présidence de Patrick Meunier et Audrey Darsonville (Professeurs, université Lille Droit et santé)
14h00 : Mise à disposition des preuves (entraide, commission rogatoire, mandat européen pour l'obtention de preuves – notamment la question du renseignement dans le cadre de la lutte contre le terrorisme)
Saisie et confiscation du produit illicite du crime (voir entre autres les dispositions conventionnelles applicables, les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies – terrorisme, non-prolifération nucléaire, etc. – et les mesures restrictives à caractère financier de l'Union européenne)
Coopération post-jugement (transfèrement des condamnés, reconnaissance de l'autorité de chose jugée du jugement étranger)
Atelier II. La géométrie variable de la coopération « majeure »
Sous la présidence de Florence Bellivier et Pascal Beauvais (Professeurs, Doyens, Université de Paris Nanterre)
La mise à disposition des accusés est une forme de coopération essentielle car elle peut paralyser les poursuites pénales, en l'absence de contumace.
Coopération horizontale et extradition
Coopération verticale et transfert ou remise
Coopération dans l'Union européenne et mandat d'arrêt européen
Coopération institutionnalisée (Interpol, Europol, Association internationale des procureurs, etc.)
Atelier III. Les résistances nationales ou régionales
Sous la présidence d'Hélène Tigroudja (Professeure, Université Aix-Marseille) et de Julian Fernandez (Professeur, Université Paris II Panthéon-Assas)
La lutte contre l'impunité et certaines formes de violations massives des droits de l'homme se heurte encore à des résistances locales qui illustrent les enjeux et défis de la coopération en la matière.
La résistance à la mise en œuvre de la complémentarité
La question des immunités des hauts responsables en exercice
La question des risques inhérents à la participation aux opérations militaires extérieures
La résistance aux politiques jurisprudentielles des Cours régionales des droits de l'homme
Les résistances ponctuelles liées aux formes de criminalité
17h00 : Assemblée générale de la SFDI
20h00 : Dîner de gala
IV - L'application spatiale du droit de punir – Le dépassement des frontières
Présidence : Bruno Cotte, ancien juge français à la Cour pénale internationale, membre de l'Institut de France
09h30 : L'exclusivité du pouvoir d'enquêter et d'instruire sur le territoire national
Robert Roth, Professeur, université de Genève
Les aménagements conventionnels de l'exercice de la puissance publique sur le territoire national
Michel Massé, Professeur émérite, université de Poitiers
L'extraterritorialité du droit pénal et les sanctions
Ben Juratowitch, Avocat associé, Cabinet Freshfields Bruckhaus Deringer
10h20 : Débats
10h50 : Pause
11h10 : La coopération entre les autorités compétentes en matière pénale : bilan
Dialogue de six présidents des ateliers du vendredi après-midi : P. Beauvais, F. Bellivier, A. Darsonville, J. Fernandez, P. Meunier, H. Tigroudja.
12h00 : Conclusions
Denis Alland, Professeur, université Paris II Panthéon-Assas
12h30 : Déjeuner
Après-midi
Visite organisée de Lille ouverte aux participants et intervenants qui le souhaitent
Tarifs :
1. Inscriptions au colloque : Personnes membres de la SFDI et étudiants : 0 euro - Personnes non membres de la SFDI : Universitaires :90 € - Magistrats, avocats, membres d'association : 150 €
2. Déjeuners du 19-20 mai 2017 forfait pour les deux déjeuners du vendredi et samedi : 40 €
forfait pour les étudiants pour les deux déjeuners : 25 €
3. Dîner de gala du 19 mai 2017 : 70 € - 35 € pour les étudiants
Contacts : Agnès Pakosz : Tél. : +33 (0)3.20.90.75.62
Ce colloque est éligible au titre de la formation continue des avocats pour une durée de 13 heures