Présentation
Dans un contexte de crise de la démocratie représentative (singulièrement mise en lumière pendant le premier quinquennat de M. Macron par la crise des Gilets jaunes), l'exécutif français multiplie depuis cinq ans les dispositifs de démocratie consultative ou participative. Cette politique, qui traduit une crise de la légitimité électorale, se manifeste par un recours accru à l'adhocratie, dont témoignent notamment les conventions citoyennes (sur le climat, sur la fin de vie), le « grand débat national », divers « Etats généraux », un « Comité National de la Refondation », ainsi que la réunion et parfois l'institutionnalisation de multiples conseils (Conseil scientifique covid-19 et son successeur COVARS, Conseil citoyen sur la vaccination, par exemple).
L'objet de ce colloque serait de questionner cette méthode de gouvernement qui se dit « nouvelle » (sans l'être forcément). Elle sera appréhendée comme désignant « l'ensemble des dispositifs, politiques, démarches qui visent à associer les citoyens au processus de décision politique. Cette participation peut être plus ou moins directe, plus ou moins inclusive, plus ou moins structurée, mais elle vise globalement à renforcer la légitimité et l'efficacité de l'action publique » (Loïc Blondiaux, à propos de la « démocratie participative »). Ces nouveaux dispositifs s'ajoutent aux mécanismes préexistants de participation des citoyens à la vie démocratique par l'élection : cela interroge sur la coordination de ces deux modalités de participation citoyenne.
Quels sont les facteurs explicatifs de la participation citoyenne non électorale ? Quels sont ses instruments et ses principales manifestations ? Qui est habilité à les créer ? Les organes élus peuvent-ils être liés par leurs avis ou « décisions » ? Ces instruments sont-ils encadrés par le droit ? Cette méthode révèle-t-elle un bouleversement dans l'exercice de la puissance publique, par la remise en cause de l'unilatéralité qui jusque-là la caractérisait ? Quels objectifs sert-elle ? S'agit-il de pallier les inconvénients de nos démocraties « ultra-représentatives » par la participation directe des citoyens à l'élaboration des politiques publiques ? S'agit-il, plutôt, d'améliorer l'efficacité et d'accroître la légitimité des politiques publiques en renforçant l'adhésion des citoyens aux mesures prises par la puissance publique, dans le but, notamment, de prévenir la contestation ? Ou encore de légitimer l'action gouvernementale en s'appuyant sur une apparente participation citoyenne ? Autrement dit, cette méthode « nouvelle » est-elle un instrument au service du progrès d'une certaine forme de démocratie ou plutôt un outil au service de l'efficacité de l'action gouvernementale ? Révèle-t-elle l'émergence d'une démocratie d'un genre nouveau, la démocratie participative ou consultative, ou plus simplement le retour à une « gouvernance consultative » (l'expression est de Sacha Escamez), telle que la France la pratiquait sous l'Ancien Régime (gouvernement par conseil) ?
Quelles difficultés ces pratiques participatives soulèvent-elles, notamment en termes de légitimité ? Comment les articuler avec les principes gouvernant le fonctionnement de nos démocraties représentatives, afin d'éviter le contournement – notamment – du parlement ?
Les expérimentations françaises de « démocratie participative » seront naturellement étudiées. Mais les organisatrices du colloque souhaitent, pour tenter de répondre aux questions précédemment énoncées, également donner une profondeur historique, théorique et comparatiste au sujet. Elles souhaitent l'appréhender en analysant les dispositifs de démocratie participative expérimentés qui se multiplient en France aujourd'hui en les mettant en perspective avec ceux qui existent ou ont existé dans l'histoire politique et constitutionnelle française et dans les régimes politiques étrangers.
Programme
Jeudi 23 mai 2024
9h30 - Accueil des participants
La participation citoyenne. Quels enjeux théoriques ?
10h - Mot d'accueil
Elsa Forey, de la directrice du laboratoire CREDESPO
10h10-10h40 - Quelle participation citoyenne pour quelle démocratie ?
Elina Lemaire et Margaux Bouaziz
Démocratie électorale et démocratie participative. Quelle articulation ? Quelle(s) légitimité(s) ?
Présidence : Bernard Quiriny
10h40-11h - Une nouvelle conception de la représentation
Pasquale Pasquino, Université de New-York (NYU), CNRS-EHESS
11h-11h20 - Théorie de la participation citoyenne
Loic Blondiaux, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
11h20-12h - Discussion et pause
Présidence : Eleonora Bottini
12h-12h20 - Le point de vue du représentant
Cécile Untermaier, Députée, Présidente du Groupe d'études "démocratie participative et e-démocratie" et du Groupe de travail sur la démocratie numérique et les nouvelles formes de participation citoyenne à l'Assemblée nationale
12h20-12h40 - La démocratie participative : un pléonasme ?
Marie Sissoko, Université Paris Panthéon-Assas
12h40 - 14h30 Discussion, déjeuner
La participation citoyenne, perspectives comparées
Présidence : Elsa Forey
14h30 - 14h50 - Constitutionnalisme populaire et participation citoyenne
Thomas Acar, Université de Bordeaux
14h50-15h10 - L'usage du référendum d'initiative populaire en Italie
Eleonora Bottini, Université de Caen Normandie
15h10-15h30 - Les expériences japonaises de démocratie participative
Hajimé Yamamoto, école de droit de l'Université de Keio (Japon) et Institut Michel Villey de l'Université Paris-Panthéon-Assas
15h30-16h20 - Discussion et pause
Présidence : Vanessa Barbé
16h20-16h40 - L'expérience irlandaise : de We the Citizens à la Citizens' Assembly on Drugs Use
Marie-Luce Paris, University College Dublin
16h40 - 17h - Le rejet de la participation citoyenne au Royaume-Uni
Marie Padilla, Université de Bordeaux
17h - 17h30 - Discussion, fin de la première journée
Vendredi 24 mai 2024
9h - Accueil des participants
La participation citoyenne en France. Quels dispositifs ?
Présidence : Marie Padilla
9h30-9h50 - Le droit de pétition de la Révolution française à aujourd'hui
Yann-Arzel Durelle-Marc, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
9h50-10h10 - L'absence de veto populaire en France
Charles-Edouard Sénac, Université de Bordeaux
10h10-11h - Discussion et pause
Présidence : Eloi Krebs
11h-11h20 - Les conventions citoyennes
Eric Buge, groupe d'études sur la vie et les institutions parlementaires (GEVIPAR)
11h20-11h40 - Démocratie locale et dispositifs participatifs
Bernard Quiriny, Professeur de droit public à l'Université de Bourgogne
11h40-13h30 - Discussion, déjeuner
Quels citoyens et quelles citoyennetés ?
Présidence : Margaux Bouaziz
13h30-13h50 - Les référendums d'autodétermination
Géraldine Giraudeau, Université de Versailles Saint-Quentin
13h50-14h10 - La conférence sur l'avenir de l'Europe
Céline Vintzel, Université de Reims - Champagne-Ardenne
14h10-15h - Discussion et pause
Présidence : Elina Lemaire
15h-15h20 - La participation citoyenne en droit de l'environnement
Vanessa Barbé, Université Polytechnique Hauts-de-France
15h20-15h40 - La participation citoyenne en matière bioéthique
Sophie Monnier, Université de Bourgogne
15h40-16h30 - Discussion et propos conclusifs
Colloque organisé sous la direction scientifique de Margaux Bouaziz et Elina Lemaire, Université de Bourgogne.