Présentation
Bien qu'elles figurent au sein des articles 34 et 35 de la Convention, loin des libertés consacrées par ses articles 2 à 14, les conditions de recevabilité des requêtes soumises à la Cour européenne des droits de l'homme sont au cœur du contentieux européen des droits de l'homme. Deux constats, très simples, permettent de le vérifier. D'une part, d'un point de vue numérique, pour chaque arrêt de la Cour, l'on dénombre pas moins de dix décisions constatant l'irrecevabilité des requêtes concernées. La très grande majorité des saisines de la juridiction strasbourgeoise se concluent donc par l'opposition au requérant de l'une ou l'autre des conditions de recevabilité posées par la Convention. D'autre part, le processus de réforme de la Cour impulsé par la voie de ses Protocoles laisse rarement de côté ces mêmes conditions de recevabilité. En témoignent aussi bien le Protocole no 14 à la Convention, qui en a instauré une nouvelle, que le Protocole no 15, qui a modifié deux d'entre elles.
Si ces conditions font l'objet d'une jurisprudence abondante de la Cour et sont globalement bien connues des universitaires comme des praticiens, il paraît pertinent de les interroger, voire de chercher à les repenser, à l'aune des nombreuses transformations subies par le système conventionnel de protection des droits et libertés au fil des dernières décennies. En effet, la Cour européenne des droits de l'homme n'est plus la même juridiction qu'à ses débuts, le contentieux qui lui est soumis évolue fortement (il n'est qu'à citer le contentieux climatique naissant) et les juridictions nationales se sont progressivement emparées de la Convention. Ces multiples évolutions appellent sans doute une réflexion sur les conditions de recevabilité, tant s'agissant des conditions appliquées par la Cour dès sa création (dont le contour jurisprudentiel a été essentiellement tracé à une autre époque) que des conditions plus récemment mises en valeur par le contentieux ou plus fraîchement introduites dans le texte conventionnel (qui soulèvent nombre de questions ou ne semblent pas véritablement trouver leur place dans la jurisprudence).
Pour ne prendre qu'un exemple, la Cour a établi de longue date, concernant la condition d'épuisement des voies de recours internes, que l'invocation « en substance » des violations alléguées devant les juridictions nationales suffisait à satisfaire aux exigences de la Convention. Indispensable en un temps où la Convention était mal connue des plaideurs et d'une invocabilité douteuse devant les juges internes, cette jurisprudence ne constituerait elle pas dorénavant un frein à la diffusion du droit conventionnel parmi les avocats et juges nationaux ?
Le présent projet a pour ambition de permettre à des universitaires spécialisés en droit de la Convention européenne des droits de l'homme d'engager de stimulantes réflexions sur ces questions mais aussi, dans une logique opérationnelle favorisant leur éventuelle appropriation par la Cour, sur le vade-mecum qu'il conviendrait de suivre pour appliquer de potentiels changements. Le résultat de ces recherches sera confronté au regard critique des divers acteurs du contentieux européen des droits de l'homme.
Les actes du colloque seront publiés en 2024 aux Editions Pedone.
Programme
Jeudi 18 Avril
10h00 : Ouverture
Agnès Roblot-Troizier, Directrice de l'Ecole de droit de la Sorbonne
Xavier Philippe, Directeur de l'ISJPS & Laurence Dubin, Directrice adjointe de l'IREDIES
André Potocki, ancien Juge à la Cour européenne des droits de l'homme
Thibaut Larrouturou, Maître de conférences à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Présidence : André Potocki, ancien Juge à la Cour européenne des droits de l'homme
10h45 : Prolégomènes : pourquoi repenser les conditions de recevabilité ?
Thibaut Larrouturou, Maître de conférences à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ancien référendaire à la Cour européenne des droits de l'homme
Repenser l'invocabilité des exceptions d'irrecevabilité
Anna Glazewski, Maître de conférences à l'Université de Strasbourg, ancienne Référendaire à la Cour européenne des droits de l'homme
Débat avec la salle
Pause médiane
Présidence : Mattias Guyomar, Juge à la Cour européenne des droits de l'homme
14h45 : Repenser la juridiction des Etats
Alexandre Hermet, Professeur à l'Institut d'études politiques de Toulouse
Repenser l'incompatibilité ratione materiae
Laure Milano, Professeure à l'Université de Montpellier
Débat avec la salle – pause
16h15 : Repenser la qualité de victime
Marion Larché, Maître de conférences à l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
Repenser les conditions procédurales (épuisement des voies de recours internes, délai de quatre mois)
Mustapha Afroukh, Maître de conférences à l'Université de Montpellier
Débat avec la salle
17h30 : Fin de la 1ère journée
Vendredi 19 Avril
Présidence : Laurence Burgorgue-Larsen, Professeure à l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
9h00 : Repenser le préjudice important
Fabien Marchadier, Professeur à l'Université de Poitiers
Repenser le défaut manifeste de fondement
Edoardo Stoppioni, Professeur à l'Université de Strasbourg
Débat avec la salle – pause
10h45 : Vade-mecum : (re)penser les revirements de jurisprudence en matière de recevabilité
Sébastien Van Drooghenbroeck, Professeur à l'Université Saint-Louis Bruxelles
Vade-mecum : amender la Convention européenne des droits de l'homme ?
Sébastien Touzé, Professeur à l'Université Paris Panthéon-Assas
Débat avec la salle
Pause médiane
Présidence : Françoise Tulkens, Professeure émérite de l'Université catholique de Louvain, ancienne Vice-Présidente de la Cour européenne des droits de l'homme
14h00 : Table ronde : Le regard des acteurs
Avec :
Anna Austin, Jurisconsulte de la Cour européenne des droits de l'homme
Diégo Colas, Directeur des affaires juridiques du Ministère des affaires étrangères
Florence Merloz, Conseillère référendaire à la Cour de cassation, ancienne Cheffe du service des relations internationales
Laurent Pettiti, Avocat au Barreau de Paris, Président de la Délégation des Barreaux de France
Bernard Stirn, Président de section honoraire au Conseil d'Etat, Secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences morales et politiques
Andreas Zünd, Juge à la Cour européenne des droits de l'homme
Débat avec la salle – pause
17h00 Conclusions
Angelika Nußberger, Professeure à l'Université de Cologne, ancienne Vice-Présidente de la Cour européenne des droits de l'homme
17h30 : Fin du colloque
Inscription obligatoire avant le 14 avril : https://evento.univ-paris1.fr/survey/participation-au-col...-rh2jmjj8
Colloque organisé par l'ISJPS, l'Institut de recherche en droit international et européen de la Sorbonne - IREDIES et de la Fondation René Cassin - Institut international des droits de l'homme