Présentation
Les vêtements, tenues, signes portés par les individus peuvent relever d'une contrainte (uniforme) ou de choix individuels, guidés par l'utilité, la mode, le besoin de se démarquer, d'être reconnu ou celui de ne pas l'être, le désir d'exprimer une singularité ou la nécessité d'être semblable, la volonté d'exprimer une appartenance, une identité, individuelle ou collective. L'appréhension de cette identité ou de cette appartenance, à travers l'apparence vestimentaire, relève tout autant d'une approche culturelle, artistique, sociologique que juridique. En effet, si le droit, en principe, « se désintéresse du vêtement (et) ne lui consacre aucun texte d'importance, […] paradoxalement, les litiges ayant le vêtement pour centre de gravité n'ont jamais été aussi nombreux. (Le vêtement saisi par le droit, Alain Pousson (dir.), Presses universitaires Toulouse Capitole, 2018).
Il en est ainsi de l'identité ou de l'appartenance religieuse que le droit appréhende sous l'angle d'une conciliation, d'un équilibre, entre liberté de l'individu, du citoyen, de l'usager, de l'agent public, de l'élu… et obligations sociales, intérêt général, principes de la République. « Le vêtement à l'époque moderne, une liberté surveillée » (Daniel Roche, conférence, Campus Lettres et Sciences humaines, Nancy, septembre 2017) ? Les rapports entre le vêtement et l'appartenance religieuse, variables selon les contextes, sont encadrés juridiquement lorsqu'ils s'inscrivent dans l'espace public.
Tel est le cas de l'espace scolaire public depuis la loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port des signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. Les tenues vestimentaires des élèves, reflets des évolutions et des bouleversements de la société, ont toujours questionné, comme le montre l'exposition « S'habiller pour l'école », sur l'histoire et la place du vêtement scolaire à travers les époques, des années 1880 à nos jours, au musée national de l'Education à Rouen (jusqu'au 31 mars 2024). Mais, ces dernières décennies, c'est la dimension religieuse du vêtement, de la tenue, du signe portés par les élèves qui est au cœur des débats les plus vifs. Depuis 1882, la laïcité fait partie des grands principes de l'école publique mais un siècle plus tard, en 1989, « l'affaire de Creil » suscite une vive polémique et provoque trois mois de discussions politiques et médiatiques. « L'affaire » devient nationale et le débat sur l'ostentation religieuse des élèves est relancé. En 2004, suite aux travaux de la Commission de réflexion sur l'application du principe de laïcité dans la République, présidée par Bernard Stasi, la question est tranchée avec le vote de la loi du 15 mars interdisant le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse.
Les rentrées scolaires 2022 et 2023 verront la question de la visibilité de l'appartenance religieuse des élèves, dans un espace dont la laïcité est un principe de fonctionnement, se poser à nouveau en raison du port d'abayas et de qamis, dont l'interdiction par le ministre de l'Education nationale sera confirmée par le Conseil d'état.
L'interdiction de l'ostentation religieuse dans l'espace scolaire public suscite des oppositions importantes. Le colloque se propose d'ouvrir un débat serein et argumenté afin d'éclairer une question complexe, aux enjeux multiples.
La structuration scientifique du colloque conduira, après un retour sur l'histoire du vêtement religieux « saisi par le droit », à interroger le sens de la loi de 2004 (loi d'exclusion, loi de liberté ?), à échanger sur sa mise en œuvre dans les établissements et à questionner les champs où une neutralité religieuse a pu récemment être consacrée (sport, justice).
Le colloque réunira des universitaires (historiens, juristes, sociologues, politologues, chercheurs en sciences de l'éducation et de la formation) et des acteurs du système éducatif, spécialistes de la question de l'ostentation religieuse dans l'espace public ainsi que d'anciens membres de la Commission Stasi.
Programme
14 Mars 2024
9h00 Allocutions d'ouverture
Hugues Kenfack, Président de l'Université Toulouse Capitole
Matthieu Poumarède, Doyen de la Faculté de Droit et de Science Politique de Toulouse
Sébastien Saunier, Directeur de l'IDETCOM
Présentation du colloque, problématiques
9h30 : Propos introductifs - L'arbre et la forêt
Jean-Pierre Obin, ancien Professeur des Universités associé, ancien Inspecteur général de l'Education nationale
Présidence de Raphaël Matta-Duvignau, Maître de conférences en droit public, Université Versailles Saint Quentin
La tenue/le vêtement, "saisi par le droit", une longue histoire
10h00 : Histoire du vêtement religieux dans l'espace public : ce qui regarde le droit
Philippe Delvit, Professeur d'histoire du droit, Université Toulouse Capitole
Du crucifix au foulard. Une histoire de l'interdit dans l'espace scolaire public, de Jules Ferry à François Fillon
Olivier Loubes, Historien, Professeur d'histoire en classes préparatoires
Débat
Pause
Appartenance religieuse, liberté vestimentaire
Présentation de l'exposition "S'habiller pour l'école", Musée national de l'Education, Rouen
Nicolas Coutant, Directeur adjoint du musée, Commissaire de l'exposition
Vers une tenue commune à tous les élèves ?
Sébastien Saunier, Professeur de droit public, Université Toulouse Capitole
Débat
Pause déjeuner
Présidence de Didier Guignard, Professeur de droit public, Université Toulouse Capitole
La loi de 2004 et la laïcité : loi de liberté ou d'exclusion ?
13h45 L'appartenance religieuse dans les écoles publiques, ligne de front de la laïcité
Frédéric Dieu, Conseiller d'état
La loi du 15 mars 2004 au prisme du genre
Olivia Bui-Xuan (en visio), Professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Une laïcité de contrôle
Vincent Valentin, Professeur de droit public
Une loi non discriminatoire
Frédérique de la Morena, Maître de conférences en droit public, Université Toulouse Capitole
Une loi de liberté
Bernard Beignier, Professeur de droit privé, Recteur de l'académie d'Aix-Marseille, Recteur de la région académique Provence-Alpes-Côte d'Azur
Débat
16h00 : Fin de la 1ère journée
15 Mars 2023
La loi de 2004 dans les établissements scolaires
9h00 : L'ordre public scolaire, "Tenue correcte exigée"
Antony Taillefait, Professeur de droit public, Université d'Angers
Se vêtir dans l'enseignement supérieur : la liberté tempėrėe par l'exigence d'une tenue adaptée
Pascale Bertoni, Maître de conférences en droit public, Université Paris-Saclay
Lycées français à l'étranger, Outre-mer (Réunion, Mayotte)
Des exemples de règlementation du port, par les élèves, de tenues exprimant une appartenance religieuse, à l'étranger : Europe et Amérique du Nord
Syham Ghemri, IA-IPR économie-gestion
Débat
Pause
La mise en œuvre de la loi du 15 mars 2004 dans les établissements scolaires publics : quel accompagnement pour quels objectifs ?
Fabrice Pappola, IA IPR EVS, Référent académique Valeurs de la République, Rectorat Toulouse
La réception de la loi en établissement : quelles suites en matière de formation MEEF ?
Franck Martin, Maître de conférences en sciences de l'éducation, INSPE Toulouse Occitanie-Pyrénées
Débat
Pause déjeuner
Présidence de Frédérique de la Morena, Maître de conférences en droit public, Université Toulouse Capitole
Vêtement et religion dans d'autres espaces
13h45 : Le vêtement dans les prétoires : Egalité, Identité et Justice
Raphaël Matta-Duvignau, maître de conférences en droit public, Université Versailles Saint Quentin
Le vêtement dans le champ du sport
Frédéric Thiriez, Avocat, ancien Président de la Ligue de football professionnel
Elus et vêtement religieux
Didier Guignard, Professeur de droit public, Université Toulouse Capitole
15h30 : Conclusion
Patrick Weil, Politologue, Directeur de recherche au CNRS, ancien membre de la Commission Stasi
Contact : marie.merli@ut-capitole.fr
Inscription (en bas de page) : https://idetcom.ut-capitole.fr/accueil/activites/colloques/la-loi-du-15-mars-2004-20-ans-apres-vetements-religions-et-espace-scolaire-public-colloque-idetcom
Doctorants : l'inscription ADUM est nécessaire pour la validation des heures au titre de la formation continue des doctorants mais ne constitue pas une inscription à la manifestation.
Colloque organisé par l'IDETCOM, université Toulouse Capitole sous la direction scientifique de Frédérique de la Morena, MCF en droit public à l'Université Toulouse Capitole et membre du Conseil des sages de la laïcité