Présentation

« Que les armes le cèdent à la toge ». C'est sous cet angle, popularisé par Cicéron, que la pensée juridique et politique a principalement étudié les forces armées, dans l'idée de les soumettre aux autorités civiles. Ce colloque international en prend le contrepied, en abordant sérieusement et de façon neutre la thèse du rôle de protecteur des institutions, des libertés et de la Constitution assumé par les forces armées, qu'elles soient ou non professionnelles. Que faire, en effet, lorsque le danger provient des gouvernants eux-mêmes, qui s'affranchissent de la loi pour devenir des tyrans ou des dictateurs ? Bien que polémique, cette perception a su trouver une place explicite dans les constitutions de pays comme l'Espagne ou la Turquie, offrant aux militaires le « dépôt de la constitution », autrement dit sa garde. Certaines d'entre elles ont même entériné le pouvoir régulateur des militaires, forme en théorie bienveillante de leur tutelle, offrant une alternative à l'emploi toujours hasardeux du droit de résistance. L'histoire militaire en démontre certes l'ambivalence : la tutelle peut tantôt déboucher sur une « démocratie à l'ombre des épées » (formule troussée par Maurice Duverger pour caractériser le rôle tutélaire des forces armées portugaises à la suite de la révolution des Œillets de 1974), tantôt enfanter la dictature ou nourrir une militarocratie via l'emploi de « coups d'Etat préventifs ».

Le colloque propose d'étudier les doctrines élaborées pour soutenir ou entreprendre de telles missions, constitutionnalisées ou pas. Les dé[1]bats parlementaires, en particulier ceux des processus constituants ayant abouti à la consécration de dispositions de cette nature, les traités et essais juridiques et/ou politiques soutenant ces positions, ou encore les travaux des militaires eux-mêmes, publiés notamment dans leurs revues, seront les principales sources utilisées.

Ce colloque pluridisciplinaire, mêlant histoire des idées politiques, histoire de la pensée juridique, droit public et sciences politiques, vise ainsi à découvrir les soubassements – et les non-dits – de plusieurs régimes dans le monde, y compris démocratiques. En dressant sa cartographie mondiale, nous espérons combler une lacune sur un thème révélateur pour comprendre la mentalité et le terreau intellectuel de plusieurs gouvernants mondiaux, qu'ils soient ou non militaires de formation.

Programme

Jeudi 24 Novembre 2022

Approches doctrinales françaises

Présidence de salle : Elsa Forey, Directrice du CREDESPO – UBFC

8h30 : Accueil des participants

9h00 : Ouverture du colloque

Les forces armées, gardiennes des institutions de l'Ancien Régime contre le roi ou ses ennemis ? Un débat au sein de la doctrine militaire
Paul Chauvin-Hameau-Madeira, Université de Paris XIII

L'armée, une alliée des institutions chez les utopistes français du XIXe siècle ?
Aurélie Lahaie, CREDESPO – UBFC

Faut-il être muet pour garder les institutions ? Liberté d'expression et délit de provocation à la désobéissance des militaires
Nathalie Droin, CREDESPO – UBFC

Débat/discussions

Pause

Un général au secours de la république : les discours et messages de de Gaulle après la défaite de 1940
Fabrice Hoarau, CREDESPO - UBFC

L'armée française est-elle un gardien de la Constitution ? Retours sur les putschs d'Alger de 1958 et 1961
Massensen Cherbi, IEP de Grenoble

La fonction des LEGAD dans l'armée
Jean-François Roulot, CREDESPO – UBFC

Débat/discussions

Déjeuner

Approches doctrinales européennes

14h00 : L'armée, la constitution, les libertés dans les travaux préparatoires et les constitutions italiennes de 1848-1849
Laurent Reverso, Université de Toulon

Une protection des institutions confiée à une armée parlementaire ou impériale ? L'impensable contrôle parlementaire du budget militaire (Allemagne, 1862-1914)
Jacky Hummel, Université de Rennes

Arditi, non gendarmi : la défense du peuple contre les violences et le front prolétarien antifasciste
Hugo Rousselle, Université de Paris II

Débat/discussions

Pause 

La victoire dans la Grande Guerre patriotique de 1941-1945 comme pilier de l'identité nationale russe
Vassili Tokarev, Université de Samara

Les doctrines belges des forces armées, gardiennes des institutions
Frederik Dhondt, Vrije Universiteit de Bruxelles

La dictature des colonels en Grèce : forces armées, institutions et libertés
Elina Lemaire, CREDESPO – UBFC

Le « système de milice » en Suisse au prisme de la doctrine constitutionnelle
Arthur Braun, Université catholique de Lyon

19h00 : Fin de la 1^ère journée

Vendredi 25 Novembre 2022

Approches doctrinales mondiales

Présidence de salle : Fabrice Hoarau, CREDESPO – UBFC, Président de la section d'histoire du droit

9h00 : Le pouvoir modérateur des forces armées au Brésil. Une lecture du général Bertholdo Klinger et de la revue militaire A Defeza nacional (1913-1932)
Oscar Ferreira, CREDESPO – UBFC

Les Forces armées, gardiennes des institutions et des libertés ? Guerre froide, sécurité nationale, ordre juridique. Quelques remarques à partir du cas argentin (1963-1983)
Carlos-Miguel Herrera, Université de Cergy

La doctrine de la légalité révolutionnaire appliquée aux coups d'Etat : théorie et pratique (Thaïlande, Pakistan)
Eugénie Merieau, Université de Paris I

Débat/discussions

Pause

Neutralité politique ou fidélité à l'Etat de Droit ? Le défi de la suprématie civile dans les grandes démocraties occidentales
Luc Klein, Université de Reims

De « Mad Mike » aux « EMSP » : chronique du mercenariat en Afrique subsaharienne
Hamza Cherief, CREDESPO – UBFC

Les forces armées, gardiennes de l'ordre juridique international
David Cumin, Université de Lyon III

12h30 : Clôture du colloque

Contact : martina.mayer-perreau@u-bourgogne.fr

Contact scientifique Oscar Ferreira et Fabrice Hoarau : oscar.ferreira@u-bourgogne.fr - fabrice.hoarau@u-bourgogne.fr

Inscription gratuite mais obligatoire, bulletin d'inscription à télécharger sur : https://credespo.u-bourgogne.fr

Les débats et les attestations de présence sont réservés aux personnes présentes dans la salle