Léa Michelis, Comprendre l'ennemi : représentations et pratiques de cadrage par l'armée de Terre française depuis 1945, thèse soutenue en 2023 à Université de Rennes 2023 sous la direction de Stéphane Faudais, membres du jury : Frédéric Ramel (Rapp.), Damien Van Puyvelde (Rapp.), Anne Muxel et Gwendal Châton
La thèse examine l’ennemi et ses représentations dans l’armée de Terre française depuis 1945 à partir de l’étude de quatre conflits qui donnent lieu à des opérations militaires françaises : la guerre d’Indochine, la guerre d’Algérie, le conflit en Afghanistan et celui au Sahel. S’inscrivant dans une perspective constructiviste proche de l’analyse cognitiviste, elle a pour but d’interroger la façon dont l’ennemi est conceptualisé, construit et rendu opérationnel par les officiers français. À partir d’une enquête qualitative reposant sur des observations et des entretiens semi-directifs et d’une enquête archivistique au Service historique de la Défense, la thèse analyse le système de représentations de l’ennemi en ce qu’il est produit par ceux qui l’ont combattu. Elle procède à une analyse à différents niveaux : de l’individu à l’état-major. Ainsi, la thèse éclaire en premier lieu ce que l’ennemi signifie pour les officiers en ce qu’il fait naître des affects, partagés, transmis dans la durée, donnant lieu à une mémoire de l’inimitié la plus hostile. Ensuite, elle interroge les représentations de l’ennemi construites par le renseignement militaire en tant qu’acteur premier d’une construction qui sert ensuite la décision au sein d’un état-major. La thèse s’intéresse aux notions de cadre et de cadrage au travers desquels l’ennemi est conçu et questionne, dans la dernière partie, la façon dont il devient un facteur de décision, tant que l’information à son sujet est diffusée au sein d’un état-major.
Jean Roger, Le conseil du prince, par-delà Machiavel, des temps médiévaux à la Renaissance : Gouverner sans être soi-même gouverné, thèse soutenue en 2022 à Rennes 1, membres du jury : Chloé Gaboriaux (Rapp.), Cédric Michon (Rapp.), Géraldine Cazals et Bernard Bruneteau
La thèse a pour objet les discours et les pratiques relevant de ce qui est traditionnellement désigné sous le titre de « conseil du prince ». Un tel objet est particulièrement vaste et peut être circonscrit à trois grands enjeux : l’étude de la littérature proposant un modèle d’art de gouverner ; l’analyse de l’évolution des entourages princiers ; l’institutionnalisation des dispositifs gouvernementaux et consultatifs concomitamment à la construction de l’État. La thèse a pour ambition de montrer que les transformations relatives à la manière d’envisager le conseil du prince aux XVIe et XVIIe siècles s’inscrivent moins dans une rupture paradigmatique que dans le prolongement d’un processus engagé depuis les temps médiévaux. Il s’agira donc de décentrer le regard traditionnellement fixé sur la pensée de Machiavel pour mettre en lumière les dynamiques intellectuelles, sociales et politiques au Moyen Âge conduisant à faire émerger ce que nous appelons la conception directive du conseil. La conception directive du conseil désigne l’idée que le gouvernement du royaume soit organisé de façon à ce que la volonté princière ne soit pas bridée par ses conseillers. L’étude de la pratique du pouvoir met en évidence le fait que l’essor de l’État royal au XIIIe siècle constitue le terreau de cette nouvelle approche. Machiavel lui donna une assise philosophique dans un des chapitres du Prince mais d’autres sources contemporaines jouent un rôle essentiel dans cette histoire. La littérature courtisane d’une part et la littérature utopique d’autre part ont contribué de façon ambivalente à promouvoir cette approche.
Guillaume Fauvel, La démocratie face à la condition posthumaine : la réponse transhumaniste à l'énigme de l'humanité des hommes, thèse soutenue en 2022 à Rennes 1, membres du jury : Jean-Michel Besnier (Rapp.), Patrick Troude-Chastenet (Rapp.), Agnès Bayrou-Louis et Sébastien Caré
Le transhumanisme promeut un modèle d’humanité intégralement soumis à la seule puissance technoscientifique qui se trouve elle-même orientée par l’idéologie néolibérale. La figure de « l’homme augmenté » ou « posthumain » se constitue sur la réduction de l’humain à ce qui dans sa condition est le plus « gouvernable », le plus docile, le plus facile à diriger et à adapter aux besoins d’efficacité et de performativité économique. Le transhumanisme devient ainsi le support de création et de conditionnement d’une nouvelle subjectivité disposée à se laisser conduire selon les exigences d’une société de marché. Le « posthumain » permettrait d’atteindre l’objectif ultime d’une dépolitisation totale des individus et de la société au profit d’une économisation intégrale des individus et de la société. Prise dans cette sotériologie transhumaniste, l’humanité des hommes n’apparaît plus comme une énigme (aínigma), comme ce que les hommes peuvent “laisser entendre de leur humanité” quand ils sont libres d’en questionner perpétuellement le sens qui renvoie à une Idée indéfinissable et donc essentiellement énigmatique [Robert Legros]. Lorsque l’énigme de l’humanité des hommes fait signe vers la condition politique [Hannah Arendt], elle constitue le moteur d’une démocratie toujours à venir [Jacques Derrida], invitant les hommes à s’approprier librement l’agir politique comme instrument de problématisation du sens de l’humain. Problématisation éminemment politique qui permet aux individus de refuser toute forme de normalisation aliénante de leur existence.En mobilisant les outils de la Théorie critique, de la philosophie politique, des théories de la démocratie et de l’histoire des idées politiques, l’enjeu de cette thèse réside dans l’analyse du mouvement transhumaniste à l’aune d’une domination de l’idéologie néolibérale qui dissimule le fait que l’utopie d’une posthumanité n’est que l’illusion idéologique d’une démocratie qui aura définitivement épuisé son énergie utopique en même temps qu’elle aura cessé de maintenir l’énigme de l’humanité des hommes comme la source politique d’une émancipation véritable.
Arnaud Fontaine, L'herméneutique politique de Machiavel, thèse soutenue en 2021 à Rennes 1, membres du jury : Jean-Vincent Holeindre (Rapp.), Jean-Jacques Marchand (Rapp.), Marie Gaille et Gwendal Châton
Ce travail est né d’une question laissée en suspens par Léo Strauss : pourquoi Machiavel n’a-t-il pas intitulé les Discours sur la Première décade de Tite-Live, le « De Republica » alors que tel était son propos ? La réponse se trouve en partie dans la biographie de Machiavel et dans les souffrances dont il paya son attachement à la République. La clé se trouve aussi dans l’écriture même du Florentin qui troque une approche scolastique au profit d’une idéologie de l’engagement et de l’action. Pour Machiavel, la capacité de la raison à appréhender le réel se nourrit de la compréhension et de l’imitation de précédents illustres, réels ou romancés. Son rapport à l’Histoire et aux mythes qui nourrissent sa pensée et illustrent ses recommandations feront de lui un logographe de la République. Il est celui qui ouvre une porte sur la science politique moderne. Pour en défendre l’entrée aux profanes il forgera un trousseau de clés herméneutiques que nous nous efforcerons de rassembler. Son œuvre, du Prince jusqu’à ses lettres familières ou à ses écrits littéraires forme un champ clos où se mêlent sciemment le vrai et le faux. Au cœur de ce « Machiavelli Code », le Secrétaire a enfoui son trésor le plus précieux, son legs intellectuel qui vise à apprendre à ses héritiers comment fonder et conserver une République. Cette thèse, après avoir jeté les bases de l’herméneutique machiavélienne tentera d’en appliquer les principes. Ainsi, aura-t-on une chance de reconstituer le « De Republica » que Machiavel a volontairement dissimulé au commun des mortels.
Nathanaël Wallenhorst, Une théorie critique pour l'Anthropocène, thèse soutenue en 2020 à Rennes 1 en co-direction avec Christian Arnsperger
L’Anthropocène, qui signifie la modification de nature anthropique des conditions d’habitabilité de la Terre de façon durable, met en exergue combien la modernité est marquée par une hégémonie économique, au détriment du politique. Les conceptions de l’action politique en Anthropocène sont en tension entre un désir d’accomplissement du projet prométhéen de la modernité et une approche postprométhéenne ; l’Anthropocène confronte l’humanité à une krisis anthropologique à traverser. Ce travail explore l’idée d’une consolidation du politique nécessitant une mutation anthropologique à partir d’un « entre nous postprométhéen », au fondement de la capacité à agir ensemble. La pensée politique de la condition humaine développée par Hannah Arendt est investie ici comme une ressource pour penser l’humanité à partir de la notion d’aventure humaine constituée de trois dimensions : l’hybris, le monde et la coexistence renvoyant respectivement à la logique de profit de l’homo oeconomicus, à la logique de responsabilité de l’homo collectivus et à la logique de l’hospitalité de l’homo religatus. Le geste intellectuel et politique esquissé dans ce travail s’inscrit dans le prolongement de la théorie critique : dans un même mouvement il est proposé une critique de ce qui pose problème dans notre rapport au monde et une proposition de dépassement ayant pour finalité une transformation sociale. Le geste proposé est celui d’un soulèvement et d’une consolidation anthropologique du politique à partir de la vitalisation permise par le partage d’une convivialité entre humains et avec le non humain. L’identification du convivialisme comme paradigme éducatif pour traverser l’Anthropocène est la matérialisation d’une nécessaire raison d’espérer en dépit de cet héritage de l’Anthropocène. La théorie critique proposée tente d’articuler les fonctions de résistance, de critique et d’utopie. Il importe de tenir dans l’opposition (résistance) à partir de ce qui est identifié comme problématique (critique) pour que l’avenir espéré puisse advenir (utopie). Cette théorie critique pour l’Anthropocène mobilise, en plus de la pensée arendtienne, les pensées politiques de plusieurs auteurs contemporains dont notamment Maurice Bellet, Hartmut Rosa, Andreas Weber, Dominique Bourg, Christian Arnsperger, les auteurs d’un ensemble de manifestes politiques paru ces dernières années, ainsi que les convivialistes autour d’Alain Caillé, Corine Pelluchon ou François Flahault.
Cristian Monforte, Du récit médiatique à l'expression de l'émotion citoyenne , thèse en cours depuis 2019
Le 17 août 2017 Barcelone est en proie à une attaque de masse, perpétrée
au camion-bélier, suivi d'un autre attentat à la station balnéaire de Cambrils dans la nuit. L'attentat terroriste sera rapidement saisi et désigné par les médias comme le « 17-A » s'inscrivant ainsi dans la mémoire collective catalane et espagnole comme un événement majeur dans l'histoire de l'Espagne du XXIème siècle. Or, une fois constatée la « rupture » que provoque l'attentat, les cadrages interprétatifs proposés par les médias divergent rapidement entre Barcelone et Madrid. De multiples cadrages interprétatifs et des mouvements iconographiques sont alors proposés, invoquant différents vecteurs de solidarité avec les victimes, dans un
contexte de fortes revendications territoriales en Catalogne, et en lien aussi avec l'identité cosmopolite de Barcelone, « ville-monde » du sud de l'Europe. La question qui se pose est celle de leur incidence sur l'émotion populaire, matérialisée dans les mémoriaux spontanés et les manifestations citoyennes post-attentats à travers l'Espagne. On y répondra ici en exploitant les textes et les images médiatiques disponibles de l'événement (images télévisuelles et presse écrite), les archives des mémoriaux post-attentats, et en réalisant des entretiens avec des victimes de ces
attentats. En trois temps d'analyse (le temps des récits médiatiques, le temps des réactions et des mémoriaux populaires et le temps des témoignages) il s'agira d'éclairer la représentation médiatique proposée de tels événements et l'inscription du 17-A dans les sociétés espagnole et catalane.
Gauthier Alexandre Herrera, Indignez-vous ! de Stéphane Hessel, récit médiatique et débats publics autour d’une figure héroïque, thèse soutenue en 2018 à Paris 2, membres du jury : Isabelle Garcin-Marrou, Laurence Kaufmann, Cyril Lemieux et Sophie Moirand
En interrogeant l’efficacité performative des « mots » comme composante essentielle des actes de langage, la thèse s’intéresse aux récits médiatiques qui concourent à la construction de figures héroïques qui participent au fondement discursif du lien social. À partir du parcours de S. Hessel comme figure tutélaire et du succès du livret Indignez-vous !, nous étudions la trajectoire publique du héros-résistant, les débats et les scènes médiatiques construits autour de sa figure. L’approche théorique et les méthodologies pluridisciplinaires empruntent à la sociologie et à la sémiotique qui s’interrogent sur la reproduction du lien social par la préfiguration, la configuration et la reconfiguration opérées par un récit. La considération philosophique et le regard en science politique convoquent l’analyse des concepts de dignité et ses représentations dans la mobilisation collective. Selon une approche en INFOCOM, nous questionnons la manière dont les médias traitent de la figure particulière de S. Hessel en lien avec le mouvement Les Indignés. La thèse démontre que le langage joue un rôle fondamental dans la construction de la représentation du social. Que le langage, du fait des « mémoires » qu’il véhicule, construit du lien social et donne du sens à la société. Nous établissons que le discours des médias est une passerelle entre le monde politique institutionnel et les mouvements sociaux qui incorporent les mots des médias dans une reprise incessante de figures et de légendes collectives qui circulent dans l'espace public. La thèse pose les bases d’une problématisation du rapport entre les discours des médias et les répertoires des discours de mobilisation collective.
Camila Cabral Arêas, Quand les signes religieux font débat dans les arènes médiatiques et scientifiques : régimes de visibilité et reconfiguration des espaces publics dans les affaires du voile en France (1989-2010), thèse soutenue en 2016 à Paris 2, membres du jury : David Douyère (Rapp.), John Richard Bowen, Joëlle Le Marec et Françoise Lorcerie
Cette thèse porte sur la construction médiatique de « l’affaire de la burqa » (2009-2010) et la problématisation scientifique de « l’affaire du foulard » (1989-2004) en France. Ces débats s’inscrivent dans une actualité marquée par l’émergence de projets d’interdiction du voile islamique dans les crèches (2008-2015), sorties scolaires (2007-2013), entreprises et universités (2013-2015). Des faits divers aux lois, les affaires du foulard et de la burqa mettent au jour la conversion des débats médiatiques en affaires nationales, nous informant alors sur la construction d’un agenda juridique autour des signes de l’islam. Au regard de ce contexte, ce travail interroge la manière dont la mise en visibilité médiatique accrue du voile participe à la reconfiguration des espaces publics. Dans une approche sémiotique en communication, appuyée sur les méthodes d’analyse de l’image et des discours, ce travail conjugue l’étude de « l’affaire de la burqa » dans la presse et « l’affaire du foulard » dans les revues en SHS. L’articulation des arènes médiatique et scientifique se fait dans une perspective de recherche « archéologique » consistant à lire l’actualité (« affaire de la burqa ») à la lumière d’un savoir scientifique sédimenté durant vingt ans de publication en SHS sur « l’affaire du foulard ». Cette étude démontre que « l’affaire du foulard » a inauguré une problématique au sujet de la visibilité islamique, tandis que « l’affaire de la burqa » a posé une question inédite sur la spatialité des signes de l’islam. Ce travail a mis au jour deux paradigmes d’analyse (visibilité-spatialité) devenus aujourd’hui centraux pour la recherche en SHS portant sur le voile ou le fait religieux islamique sous le prisme des médias.
Evangelina Houri, Information et communication de la fête : médias et agences institutionnelles face à la construction discursive des rituels festifs, thèse soutenue en 2014 à Paris 2, membres du jury : Emmanuelle Lallement, Joëlle Le Marec, David Douyère et Philippe Marion
« Narapoïa » : c’est le nom d’une maladie qui consisterait pour une personne à croire que tout le monde lui veut du bien. Ce « canular édifiant » élaboré par Boris Cyrulnik dans les années 70 pourrait servir à désigner la disposition d’esprit du fêtard. Par le climat de bienveillance qu’elle promet, la fête rend possible une mise à distance de la suspicion et de la réversibilité qui sous-tendraient toutes les relations entre individus, notamment dans les grandes agglomérations telles que Paris. La canicule de 2003 provoqua un grand nombre de décès,majoritairement des personnes âgées. Elle mit les autorités et la population française face au problème de l’isolement dans les grandes villes. L’individualisme qui avait été jusque-là perçu comme un « travers » du progrès et de la modernité apparut dès lors comme un mal à éradiquer. Née en 1999 sous l’impulsion d’ Atanase Périfan, jeune élu UMP d’origine macédonienne, La Fête des Voisins se propose de réunir les habitants d’un même immeuble et/ou d’un même quartier autour d’un « apéro ». Page d’accueil du site internet de l’association Immeubles en Fête, affiches annonçant la tenue de l’événement, livre-témoignage d’ Atanase Périfan, articles de presse et reportages télévisuels concourent tous à donner de la Fête des Voisins l’image d’une « opération » aussi enjouée et bon enfant qu’elle est déterminante. C’est donc davantage du côté de l’utile que de l’agréable que la Fête des Voisins situe sa proposition, voire sa promesse. L’image de la grande tablée telle qu’elle sera relayée par les médias viendra dire l’espace partagé qu’est la République ainsi que l’ensemble de valeurs et de codes qui la sous-tendent. Le ton volontiers léger et confiant des organisateurs sera une façon d’accéder à tous ceux qui se pensent comme étant à la marge de la société. « Sentiment d’appartenance », « sentiment d’exclusion » : autant de frontières intérieures, de constructions mentales que l’expérience dionysiaque de l’hospitalité et de la joie tendra à inquiéter. De la Fête des Voisins aux soirées plus subversives d’établissements de nuit parisiens tels que Le Point Ephémère ou Glazart, il s’agira toujours de replacer l’individu dans une forme de disponibilité, de vulnérabilité constructive rendant possible l’inscription dans un collectif, que ce soit par le mode raisonné et paisible de l’amitié et de la citoyenneté, ou celui plus brûlant et intense du transport amoureux.
Julien Giry, Le conspirationnisme dans la culture politique et populaire aux Etats-Unis : une approche sociopolitique des théories du complot, thèse soutenue en 2014 à Rennes 1, membres du jury : Emmanuel Taïeb (Rapp.), Jean-Bruno Renard (Rapp.), Christine Guionnet
Du 11 septembre aux extraterrestres, des camps de concentration américains à l'assassinat de Kennedy, cette thèse a pour objectif d'éclairer sous un angle sociopolitique les fondements, les mécanismes et les enjeux de la pensée conspirationniste aux États-Unis depuis la révolution jusqu'à nos jours. S'il ne s'agit pas de dresser un catalogue exhaustif de toutes les théories du complot en vogue, le but demeure de démontrer que le conspirationnisme est un véritable fait social aux États-Unis, un élément de culture politique et populaire. Cette thèse se propose alors d'étudier les rouages et les origines du conspirationnisme sous trois aspects différents et complémentaires qui forment un triangle. D'abord, sous l'angle factuel, c'est-à-dire en étudiant les thèses du complot relatives à un événement extraordinaire (9/11, assassinat de JFK, etc.). Ensuite, sous l'angle des acteurs du conspirationnisme : les leaders conspirationnistes (LaRouche, Icke, etc.), les citoyens enquêteurs et les boucs-émissaires (communistes, juifs, illuminatis, etc.). Enfin, sous l'angle culturel en mettant en perspective le conspirationnisme avec la culture américaine : l'anti-étatisme, la présence de mafias ou encore le cinéma de masse.
Charles Berthier, L'évolution de l'imaginaire de l'écologie politique au début du XXIe siècle : la restructuration de l'écologie radicale française autour du mouvement pour la décroissance, thèse soutenue en 2014 à Rennes 1, membres du jury : Bruno Villalba (Rapp.), Stephen Launay (Rapp.), Daniel Boy et Sylvie Ollitrault
Des origines de l'écologie politique à nos jours, beaucoup d'écologistes pensent qu'ils participent à la réalisation d'une transformation politique et sociale de leur univers social, ainsi que de l'univers scientifique, cela dépasse les limites d'un pays et d'un continent, mais cela recouvre aussi certaines particularités au niveau national. Nous nous proposons d'étudier les spécificités de l'écologie politique française en la mettant en relation avec l'écologie politique américaine, puis en insistant sur le rôle des acteurs radicaux pour redéfinir une écologie radicale moins consensuelle que l'écologie institutionnalisée. Au XXIe siècle, l'intensité du besoin social d'un courant politique et d'une science écologique s’accroît avec la multiplication des catastrophes humaines et naturelles et avec l'augmentation de leur visibilité dans les médias. L'écologie radicale se propose de répondre à ces nouveaux défis. Nous pouvons en dégager une spécificité de l'écologie politique française placée à la fois à proximité des acteurs politiques conventionnels acceptant les règles du jeu existant et à la fois à la lisière, ainsi qu'à l'écoute, des marges politiques.
Bakary Traore, Conflit au nord du Mali : traitement médiatique par les hebdomadaires français de 1990 à 2010, thèse soutenue en 2014 à Paris 2, membres du jury : Francis Balle, André Bourgeot et Alain Kiyindou
Depuis son accession à l’indépendance en 1960, le Mali dans sa partie septentrionale (les trois régions administratives : Tombouctou, Gao et Kidal) est confronté à une incessante insécurité à travers cet immense Sahara. La communauté touarègue très attachée à sa culture nomade a longtemps caressé le rêve de constituer un Etat indépendant dans la zone frontalière entre le Mali, le Niger et l’Algérie. L’Etat malien s’est toujours opposé à cette revendication irrédentiste qui tranche avec l’unité nationale et l’intégrité de son territoire. De 1990 à 2010 le processus de la mise en oeuvre des accords de paix est émaillé par des agissements des rebelles. Ce phénomène sécuritaire vu de l’étranger est présenté en l’occurrence par des hebdomadaires français de façon partielle et partiale. Ce traitement médiatique pour la plupart du temps fait fi des réalités quotidiennes, des actions de pacification et de développement au profit de la réalité événementielle des attaques et représailles entre rebelles et l’armée régulière. Le rôle des médias en pareille circonstance est capital pour diffuser toute l’information. Ainsi à travers mes recherches j’attends mettre en exergue le décalage entre le traitement médiatique fait par les hebdomadaires français de 1990 à 2010 sur le conflit au nord du Mali et la réalité sur le terrain.
Dima Saber, De Nasser à Nasrallah : l'identité arabe à l'épreuve de ses récits médiatiques. Une analyse sémio-pragmatique de l'émergence de deux symboles de la nation. Nationalismes et propagandes, 1948-2006, thèse soutenue en 2011 à Paris 2, membres du jury : Tristan Mattelart, Jocelyne Arquembourg-Moreau et Jean-Noël Ferrié
Notre récit commence dans l’Egypte nationaliste des années 1950. Le coup d’Etat mené par Gamal Abdel Nasser et le “Mouvement des Officiers Libres” ouvre la voie à une révolution politique, économique, et socioculturelle, au Caire et dans l’ensemble du monde arabe. Il met alors en place un puissant dispositif médiatique : il fonde la radio la Voix des Arabes, publie La Philosophie de la révolution, et fera très rapidement du journal Al-Ahram la langue de sa révolution. De la guerre de Suez en 1956, à l’union avec la Syrie en 1958, l’Egypte soutiendra alors tous les mouvements de libération nationale jusqu’à la “catastrophe” de 1967, qui signe l’arrêt de mort du nationalisme nassérien. Lorsque le nationalisme laïc n’a pas réussi à restituer la Palestine et la dignité arabe perdues, certains ont cru que c’est la religion qui le fera. Deux modèles antagonistes secouent alors le consensus des années 1960 : au “pétro-islam” saoudien s’oppose désormais un islam chiite inspiré par la Révolution islamique en Iran et prôné par le Hezbollah et son Secrétaire général Hassan Nasrallah. Les années 1980-1990 correspondent aussi à l’introduction des chaînes satellites dans le monde arabe ; au pouvoir mobilisateur de la radio des années 1950, se substitue la force de l’image de chaînes comme Al-Jazeera et Al-Manar. Ainsi, trois décennies après la dernière guerre israélo-arabe, la question de l’identité est exportée sur le front libanais : Nasrallah dit mener, en 2006, “la guerre de la nation contre l’ennemi sioniste”. Comment, à travers leur couverture de la révolution, de la guerre, de la défaite et de la victoire, les médias arabes ont-ils dit l’identité tout au long des soixante dernières années d’histoire ? Comment la radio, la presse écrite, la télévision satellitaire, mais aussi la chanson, les clips et les jeux vidéo ont-ils dit l’arabité? Qu’est-ce que “être arabe” dans le discours médiatique d’aujourd’hui et de quelles manières l’islam politique prôné par les médias contemporains reprend-t-il les anciennes thématiques du nationalisme nassérien ?
Céline Ferjoux, Discours de l'innovation et médiations de la programmation. La télévision à l'heure du numérique, thèse soutenue en 2011 à Paris 2, membres du jury : Françoise Séguy (Rapp.), Sébastien Rouquette (Rapp.), Valérie Devillard
Ce travail de recherche doctoral en sciences de l'information et de la communication propose d'appréhender un média, la télévision, en France, au printemps 2005. Cette période correspond à un épisode de mutation qui voit l'ancienne télévision analogique migrer vers un environnement numérique et informatique. Notre propos cherche à explorer la notion de média en articulant trois dimensions : le contexte, le discours et le format. Il s'agit d'explorer des mécanismes qui configurent les pratiques médiatiques, au printemps 2005, à travers : la définition d'un contexte d'innovation technique, l'analyse de discours d'actualité qui affirment des lignes éditoriales et enfin, la valorisation de la programmation et la conception de formats de programmes qui intègrent la culture numérique. Les objets construits au cours de cette recherche sont des formes médiatiques, composées de codes identifiables et marquées par le contexte culturel de leur production. En tant que pratique médiatique, la programmation télévisuelle est transversale. Elle assure une continuité entre les trois dimensions : le contexte dans lequel elle est agencée, les discours qui la prennent pour objet, enfin, les codes et formats télévisuels qu'elle intègre. Notre projet consiste à étudier la programmation télévisuelle comme un objet médiatique complexe, configuré par les enjeux techniques, industriels et économiques liés à la diffusion d'une innovation. Ainsi, dans une première partie, les modalités de la médiatisation des choix de programmation seront appréhendées en observant les discours d'actualité produits et diffusés le 31 mars 2005, à l'occasion du lancement en France de la télévision numérique terrestre. La nature éditoriale du média télévision, et la programmation comme objet de discours d'autopromotion seront mises en évidence. Puis, dans une deuxième partie, les nouvelles formes de la médiation de la programmation seront examinées à travers un corpus web, composé des pages des sites des chaînes de télévision pré-numériques.
Christelle Crumière, Ecritures en influences , thèse soutenue en 2010 à Paris 2
Cette thèse examine l’élaboration narrative du 11 septembre 2001 dans la presse française, à travers l’analyse de récits issus de trois quotidiens nationaux : Le Figaro, Le Monde et Libération. Le sujet développe deux problématiques : - Celle de la perméabilité entre écritures médiatique, mythique et historique, sous deux modalités : l’emprunt intentionnel opéré par le récit médiatique, de codes et contenus du récit historique (lexique, périodisations, références) ; et l’empreinte, sous forme de résurgences, dans le récit médiatique, d’éléments formels ou thématiques propres au récit mythique (motifs récurrents, configuration du récit). Ces deux opérations contribuent à cerner le phénomène perturbateur, à le réintégrer à un patrimoine mémoriel ou culturel partagé, donc à le rendre moins menaçant et mieux assimilable : il s’agit d’apprivoiser le réel traumatique en l’intégrant à un scénario existant, en lui conférant une forme d’intelligibilité et un cadre interprétatif déjà familiers, au risque de la confusion entre les régimes d’autorité, d’authenticité, et de crédibilité propres aux trois registres. - Celle de la personnalisation du récit médiatique, de son incarnation dans des figures d’acteurs et de témoins des faits (victimes/sauveurs/bourreaux), capables d’assurer à la fois la crédibilité de l’énoncé journalistique, et de cristalliser l’intensité émotionnelle du récit, susceptibles d’induire, l’une, l’adhésion rationnelle, et l’autre, l’investissement affectif du destinataire, par des effets de vérité et des effets de dramatisation (héroïsation, radicalisation, schématisation), supportant les intentions fédératrices et mobilisatrices du discours médiatique.
Amélie Dalmazzo, Charismes, identités, fanatismes. Le charisme médiatique et les fans de Michael Jackson. L'idéal et le monstre , thèse soutenue en 2009 à Paris 2
Cette thèse interroge le charisme, tel qu'il est construit par les médias et les industries culturelles, et tel qu'il encourage la croyance et l'identification des publics ("charisme médiatique"). Par le biais d'une approche pluridisciplinaire(sémiologie, psychanalyse, analyse de discours, psychologie sociale), elle s'intéresse aux relations entre les charismes, les identités et les fanatismes: comment les figures charismatiques parviennent-elles à susciter l'identification des publics, à les séduire et à les fidéliser? Qu'est-ce que la fascination, et comment peut elle être provoquée? A quelles problématiques identitaires répondent les fans lorsqu'ils élisent ces figures? Cette thèse démontre qu'il existe, dans les images et récits qui façonnent une figure médiatique, des paradigmes encourageant l'attribution d'un charisme par les publics. Ces paradigmes permettent l'élaboration, par les individus et les communautés, de significations inconscientes, faisant écho à leurs besoins identitaires et à leurs désirs narcissiques. Cette recherche révèle et recense ces paradigmes en s'appuyant sur l'analyse sémio-psychanalytique du charisme médiatique de Michael Jackson (analyses de clips vidéos, étude de sa mythologie). Puis, l'analyse de représentations amateurs façonnant la "monstruosité médiatique" de la star, permet d'établir quelques similitudes sémio-psychanalytiques entre le charisme et la monstruosité. Enfin, en s'intéressant aux fonctions identitaires de la musique, en dressant une typologie des publics fans, et en analysant le discours de quelques fans de Michael Jackson, cette thèse envisage les motivations et stratégies identitaires des fans.
Virginie Julliard, Emergence et trajectoires de la parité dans l'espace public médiatique (1993-2007) , thèse soutenue en 2008 à Paris 2
Cette thèse vise à comprendre de quelle manière la « parité » s'inscrit dans l'espace public français, d'abord comme revendication féministe puis comme action publique, et questionne le genre en politique. L'analyse, menée principalement sur un corpus de presse écrite (1993-2007), prête une attention particulière à la production et à la circulation des textes médiatiques dans leur matérialité discursive. Pour appréhender cet objet de recherche dans sa complexité, il est proposé d'adopter une démarche interdisciplinaire qui permet de faire varier les approches et dialoguer les disciplines et leurs problématiques. Les méthodes et les concepts mobilisés sont essentiellement ceux des Sciences de l'information et de la communication et de la Sémiotique. Mais l'objet et le postulat selon lequel le sens est un construit socio-historique encouragent à tirer profit des acquis et des points de vue de l'Histoire, de la Sociologie, des Sciences politiques, de l'Anthropologie et de la Philosophie. L'analyse permet d'observer le surgissement et la problématisation de la sous-représentation des femmes en politique dans la presse quotidienne nationale à partir de 1993. La configuration de ce problème donne lieu à un débat public, revivifié en 1998 par la décision de Lionel Jospin d'inscrire la parité dans la Constitution. Les arguments et les enjeux du débat influent sur les représentations médiatiques des femmes politiques, celles-ci étant étudiées dans la presse hebdomadaire d'information et un mensuel fe��minin. Configuration narrative et discursive, enjeux du débat et construction du genre en politique résultent d'une négociation plus ou moins stratégique entre féministes, décideurs et femmes politiques, journalistes et opinion publique, négociation qui témoigne de la complexe élaboration du sens des contenus médiatiques.
Kevin Alleno, « La Françafrique » : naissance, usages et réceptions d'un mythe, thèse soutenue en 2021 à Rennes 1 sous la direction de Bernard Bruneteau, membres du jury : Frédéric Ramel (Rapp.), Daniel Bourmaud (Rapp.), Sabine Jansen
Cette thèse d’histoire sociale des idées politiques analyse la naissance, les usages et les réceptions du concept de « Françafrique ». Forgé par l’ancien président de l’association Survie, François-Xavier Verschave, qui reprenait une formule de F. Houphouët-Boigny, il constitue un instrument puissant du soft power de cette association. Ce concept s’est largement diffusé au sein de la société au point de constituer une grille de lecture des relations franco-africaines pour les médias et de se diffuser largement au sein de la culture populaire. Avec ce succès, on peut même parler de mythe au sens où ce concept apparaît au moment même où émergent de profondes mutations dans les relations franco-africaines. Si bien qu’il existe bien un décalage entre la représentation véhiculée par le concept de « Françafrique » et la réalité de la politique africaine de la France aujourd’hui. Sans que cela ne signifie que ces rapports soient guéris totalement des maux dénoncés par les militants associatifs, journalistes et politiques qui mobilisent ce concept. Cette thèse étudie ainsi dans un premier temps les matériaux historiques à partir desquels a été bâti le concept de « Françafrique » qui reformule, en fait, l’imaginaire colonial. Il s’agit ensuite d’analyser comment le concept de « Françafrique » s’est diffusé au sein du débat public français et est devenu un mythe. Et enfin, dans la dernière partie, nous étudions les conséquences de ce mythe sur la politique africaine de la France. Nous analysons comment le concept de « Françafrique », qui constitue un stigmate fort, a modifié un pan de la politique étrangère de la France.
Clément Rodier, "Une bouteille à la mer" : La réception de « l'École de Francfort » en France, thèse soutenue en 2020 à Bordeaux sous la direction de Patrick Troude-Chastenet, membres du jury : Laurent Jeanpierre (Rapp.), Augustin Simard (Rapp.), Martine Leibovici
« L’École de Francfort » constitue l’un des courants de pensée les plus importants du XXème siècle. La mouvance intellectuelle organisée notamment autour de Max Horkheimer, Theodor Adorno, Herbert Marcuse ou Walter Benjamin est à l’origine d’une pensée riche et féconde – la Théorie critique –, aux répercussions vastes. Au sein de sa sphère d’influence, cependant, la France occupe une place singulière. La constellation francfortoise semble, en effet, y avoir rencontré une fortune contrariée. Si le label qui la désigne jouit d’une certaine notoriété, la substance qui la constitue apparaît, quant à elle, imprécise et nébuleuse pour les regards français. Cette exception hexagonale à l’endroit de « l’École de Francfort » tend néanmoins à se dissiper depuis quelques années. Sous l’influence d’une nouvelle génération, les idées portées par la Théorie critique gagnent une résonance inédite et sont la source d’appropriations fertiles. L’enjeu de ce travail de recherche vise, à partir de là, à comprendre la complexité du rapport que le contexte hexagonal entretient avec « l’École de Francfort ». Pour cela, il entreprend, plus précisément, de reconstituer la nature et la teneur du dialogue que le public intellectuel français a noué, et noue aujourd’hui, avec cette mouvance philosophique. À travers cette reconstruction herméneutique, l’étude permet de mettre en lumière tant les obstacles que les relais et les foyers d’appropriation participant à ce processus de réception. Finalement, la trajectoire de la « bouteille à la mer » francfortoise, pour reprendre la métaphore adornienne, offre à la fois le récit d’une aventure philosophique originale et constitue une porte d’entrée unique sur les débats théoriques qui animent la vie intellectuelle nationale.
Aurélien Tourreilles, De l’Encyclopédie des Nuisances à la pensée anti-industrielle : retour sur la construction idéologique d'une utopie contemporaine., thèse soutenue en 2019 à Bordeaux sous la direction de Patrick Troude-Chastenet, membres du jury : Sylvie Ollitrault (Rapp.), François Jarrige et Nathalie Blanc-Noël
L’Histoire de la gauche radicale en France connaît deux influences majeures souvent considérées comme incompatibles : le marxisme et l’anarchisme (ou la pensée libertaire). Pourtant face aux échecs répétés des tentatives révolutionnaires à base prolétarienne en Europe, et au manque de « poids » des théories libertaires au sein de la contestation radicale du monde contemporain, la « gauche révolutionnaire traditionnelle » semble aujourd’hui être « dépassée » voire « démodée ». Si depuis les évènements de Mai 68 nombre de courants radicaux de gauche, parfois appelés « ultra-gauche », sont apparus en France, il semblerait qu’émerge aujourd’hui, au sein de la gauche radicale, contestataire et révolutionnaire une volonté de s’unir autour d’une ambition commune : faire la Révolution. C’est d’ailleurs ce que tentent d’expliquer Olivier Besancenot et Michael Löwy dans leur ouvrage intitulé : Affinités révolutionnaires . Souvent associés dans la lutte, les partisans de ces deux écoles de pensée semblent se séparer sur le plan des idées. D’inspiration marxiste et libertaire la pensée anti-industrielle reflète cette volonté unificatrice. Issu de la contestation radicale de Mai 1968, la pensée anti-industrielle se développe en France au cours des années 1980 à travers la revue Encyclopédie des Nuisances dirigée par Jaime Semprun. Rejetant le marxisme comme dogme et considérant qu’aucune critique radicale ne permet à cette époque de réellement comprendre correctement l’organisation du monde et l’idéologie dominante, les penseurs de l’Encyclopédie des Nuisances souhaite proposer à travers ce Dictionnaire de la déraison dans les sciences, les arts et les métiers, une forme de bilan reprenant les échecs de mai 1968 et « les immenses succès remportés depuis 68 par la domination modernisée » afin de « les voir dans toute leur ampleur et dans leurs conséquences, sans se dissimuler en quoi ils étaient, bien plus qu’une simple restauration, une contre-offensive décisive, achevant de ruiner à peu près tout ce sur quoi la critique sociale avait cru jusque-là pouvoir se reposer » . Par la suite, c’est en Mars 2010 que Manuel Amoros a rédigé un manifeste intitulé Nous les anti-industriels dans lequel il tenta de définir la position des penseurs anti-industriels. Il conclut en définissant la pensée anti-industrielle comme suit : La pensée contre le développement, ou anti-industrielle, ne représente pas une nouvelle mode, une critique purement négative de la pensée scientifique et des idéologies progressistes, ni un vulgaire primitivisme qui proposerait de retourner à un moment quelconque de l’Histoire ou de la préhistoire. Elle n’est pas non plus une simple dénonciation de la domestication du prolétariat et du despotisme du capital. Encore moins est-elle quelque chose mystificatrice comme une théorie unitaire de la société, chasse gardée de la dernière des avant-gardes ou du dernier des mouvements. Elle va plus loin que cela. Elle est le stade le plus avancé de la conscience sociale et historique. C’est une forme déterminée de conscience, de la généralisation de laquelle dépend le salut de l’époque. Si les Encyclopédistes peuvent être considérés comme les premiers auteurs appartenant à la pensée anti-industrielle et le manifeste comme étant le socle théorique de base de cette pensée, il ne faut pas négliger d’autres auteurs et d’autres maisons d’éditions qui se rattachent aujourd’hui à ce courant. Citer tous les auteurs anti-industriels. Constitution de corpus. Une fois ces auteurs « recensés », il est intéressant de noter que cette pensée anti-industrielle semble rassembler l’ensemble des critiques radicales du monde contemporain afin d’en dégager une globale, permettant à la fois d’en saisir toutes les « caractéristiques » et « les nuisances », mais également de définir les bases du monde à venir qui devrait se substituer au monde contemporain.
Moustapha Sène, Les nouveaux militantismes politiques dans les ONG de droits de l'Homme du Sénégal : Études comparatives des trajectoires de l'engagement et de la reconversion, thèse soutenue en 2015 à Rennes 1 sous la direction de Philippe Portier et Moussa Diaw, membres du jury : Nonna Mayer (Rapp.), Alioune Badara Fall (Rapp.)
Des formes d’organisations sociales traditionnelles de l’Afrique au Sud du Sahara, en passant par les luttes de libération nationale jusqu’à la naissance du Sénégal contemporain, les droits de l’Homme ont souvent occupé une place importante dans la société et joué un rôle fondamental dans le processus de construction de l’État de droit et de la démocratie. L’ouverture graduelle vers le pluralisme politique des années 1980 et 1990 a ainsi constitué dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, une occasion pour les acteurs des droits de l’Homme, notamment les ONG (RADDHO, ONDH, Amnesty International/Sénégal), de s’étendre progressivement, de participer à la construction de la société civile, à l’éducation à la citoyenneté et au renforcement des acquis démocratiques. Cependant, l’arrivée de la première alternance politique en 2000 marque un moment régressif du respect des droits de l’Homme et le renouveau des formes de militantisme qui, en nous renseignant sur la trajectoire des militants, l’organisation et les stratégies de fonctionnement des ONG de droits humains ainsi que les nouvelles configurations de l’espace public, traduisent les enjeux sociaux, culturels, économiques et politiques auxquels le Sénégal fait face. Une situation qui recentre l’interrogation sur l’impact des nouveaux militantismes politiques observés dans la sphère des droits de l’Homme et dans l’espace public plus généralement au cœur de cette étude.
Frédérique Ballion, La représentation de l'ennemi dans le cinéma étasunien : de l'après guerre à la chute du mur de Berlin, thèse soutenue en 2014 à Bordeaux sous la direction de Patrick Troude-Chastenet et Xavier Daverat, membres du jury : Élise Marienstras (Rapp.), Stephen Launay (Rapp.)
Afin d’étudier les différentes représentations de l’ennemi véhiculées pendant laGuerre froide, nous avons privilégié l’analyse croisée du discours politique et dudiscours cinématographique. Le concept d’ennemi, inhérent à la politique étrangèrependant cette période, participe au processus de légitimation des actions menéespar le gouvernement américain. Le traitement de ses représentations par le cinémacontribue à ce processus devenant un vecteur de diffusion des représentations del’ennemi. Cependant, le cinéma peut également être le lieu de cristallisation desinterrogations présentes au sein de la société, battant en brèche le discours politiquedominant. Le discours cinématographique s’appréhende à la fois comme une armeidéologique participant à la désignation et à la diabolisation de l’ennemi maiségalement dans le contexte troublé des années soixante et soixante-dix comme uninstrument de contestation, révélateur des tensions sociales.
Sinane Ammar, La résolution européenne de l'article 88-4 de la Constitution du 4 octobre 1958, thèse soutenue en 2014 à Rennes 1 sous la direction de Jean-Éric Gicquel, membres du jury : Emmanuel-Pie Guiselin (Rapp.), Ludovic Ayrault (Rapp.), Cécile Rapoport
L’usage de la résolution européenne a débuté en 1992, quand un nouvel article, le 88-4, a été introduit dans la Constitution, donnant pour la première fois à l’Assemblée nationale et au Sénat le droit de voter des résolutions sur des projets et propositions d’actes communautaires soumis par le Gouvernement. Le but de cet avantage en faveur du Parlement était de mettre en vigueur un contrôle parlementaire sur la politique européenne du Gouvernement. Au cours des années, la pratique de la résolution européenne montre l’inefficacité du rôle du Parlement au niveau européen. La portée de la résolution européenne demeure en soi non contraignante vis-à-vis du Gouvernement et des institutions européennes. Les cinq révisions constitutionnelles concernant les affaires européennes depuis 1992 ne peuvent pas y contribuer, malgré la dernière révision du 23 juillet 2008 reconnaissant le droit d’adoption d’une résolution européenne sur non seulement les projets ou propositions d’actes européens soumis par le Gouvernement, mais aussi sur « tout document émanant d’une institution de l’Union ». Le temps est venu pour le Parlement de mettre en place un contrôle parlementaire efficace au niveau européen.
Dominique François Mendy, La médiatisation des intellectuels dans les débats publics africains (1960-2000), thèse soutenue en 2014 à Paris 2 sous la direction de Rémy Rieffel, membres du jury : Tristan Mattelart et Oumar Sankharé
L’affirmation que les médias constituent le « quatrième pouvoir » semble appartenir à ces évidences que l’on ne questionne pas toujours tant de la part des professionnels des médias que de certains intellectuels. Vérité qui semble d’autant plus évidente que les médias en démontrent l’effectivité par leur capacité à mobiliser les publics autour d’un événement ou encore d’une série télévisuelle. Pour ne pas transformer une telle assertion en un « concept mou », il fallait la mettre à l’épreuve en l’appliquant à un contexte (le Sénégal) et à une époque (1960-2000), et surtout à un groupe particulier, celui des intellectuels. L’avantage de ce groupe est qu’il est doté de compétences (savoir et savoir-faire) lui donnant un « pouvoir » symbolique. C’est ainsi que dans le contexte sénégalais, ces derniers consolideront au fil du temps leur « puissance » par l’intermédiaire des divers supports (revues, romans, essais, etc.), mais aussi par les débats publics et les grandes manifestations intellectuelles (congrès, symposiums, festivals, etc.). Ces divers modes de légitimation et de consécration qui prouvent leur degré d’engagement, seront confrontés aux médias qui, en se multipliant à partir des années 80, développent des stratégies d’influence fondées sur la visibilité et l’utilisation accrue des langues nationales. Ce qui aura comme effets émergents non seulement de faire émerger de nouvelles légitimités sociales, mais encore de dégager de nouvelles configurations socioculturelles, politiques, intellectuelles et publiques, notamment une figure intellectuelle plus attentive aux créations culturelles locales.
Catherine Roth, La Nation entre les lignes. Médias invisibles, discours implicites et invention de tradition chez les Saxons de Transylvanie., thèse soutenue en 2013 à Paris 2 sous la direction de Fabrice d' Almeida, membres du jury : Patrick Garcia, Michèle Gellereau, Hélène Miard-Delacroix et Philippe Viallon
Les communautés s’imaginent (Anderson, Hobsbawm, Gellner), mais comment l’invention est-elle diffusée et transformée en identité collective ? Cette théorie communicationnelle de la nation clarifie le concept flou d’invention de tradition en distinguant invention, transmission par un média (F. d’Almeida, J. Assmann), et transformation de l’invention en tradition, du présent en passé. L’hypothèse est que le plus important n’est pas dit : le message est implicite, et le média est invisible en tant que tel. L’implicite permet une naturalisation qui s’adresse en partie à l’inconscient, garant de l’intangibilité de la nation (C. Kerbrat-Orecchioni, M. Douglas). Les Saxons de Transylvanie, minorité allemande de Roumanie, ont choisi en 1990 l’émigration collective en Allemagne ; avec un début au XIIe siècle, une fin au XXIe, et des mutations identitaires dans un monde multiculturel, puis tendant vers la monoculturalité, et aujourd’hui la transculturalité, ils sont un terrain d’observation particulièrement pertinent. L’étude de leur historiographie, musée, Eglise, et club de montagne montre qu’ils ont entre les lignes réinventé le temps, l’espace public et le territoire, pendant que l’implicite figeait le temps, sacralisait la société et géologisait le territoire. Selon Karl W. Deutsch, un peuple est une communauté de communication, qui échange plus intensivement vers l’intérieur que vers l’extérieur. Un pont est ainsi créé entre théories des nations et nationalismes et Sciences de l’information et de la communication. Les différents implicites président à la fois à la construction nationale, au maintien des Etats-nations et à celui des dictatures, avec des similitudes troublantes entre les nations et les époques.
Sara Teinturier, L'enseignement privé dans l'entre-deux-guerres : socio-histoire d'une mobilisation catholique, thèse soutenue en 2013 à Rennes 1 sous la direction de Philippe Portier, membres du jury : Rebecca Rogers (Rapp.), Christian Sorrel (Rapp.), Magali Della Sudda
Dans la France de l'entre-deux-guerres, les catholiques ne cessent de revendiquer une prise en charge financière de leurs établissements scolaires, dont la situation matérielle s'avère singulièrement précaire. L'enseignement privé catholique subsiste grâce à ses enseignants, subsumant leurs conditions de travail au nom de leur foi. La doctrine affirmée de l'Église catholique en matière d'éducation et l'acceptation des rôles prescrits dans l'institution sont les clés essentielles du maintien du réseau éducatif catholique. Cette revendication s'accompagne d'un militantisme polymorphe. Aux tenants de la réalisation de l'unité catholique, qu'elle soit en opposition au régime politique ou s'inscrivant dans la légalité républicaine, s'adjoint une troisième posture, encore marginale, d'insertion du catholicisme dans la modernité. Rejet ou acception de l'école publique, définition et rôle de l'enseignement privé, signalent ce qui se joue au sein du champ ecclésial : l'acceptation ou non de la pluralisation de la société française et de l'opinion catholique. Dans les années 1920, domine la configuration d'un cléricalisme éducatif, utopie d'une société chrétienne dont l'école catholique serait le fer de lance. Les années 1930 sont l'objet d'une reconfiguration paradoxale : alors que l'épiscopat reprend l'initiative en créant un Comité national de l'enseignement libre en 1931, la décléricalisation de l'action catholique est confirmée. Ce faisant, le militantisme catholique, qui a permis le maintien des écoles, participe en même temps de la politisation de l'espace ecclésial et, in fine, de sa sécularisation.
Jacques Carbou, La critique sociale de Raymond Ruyer, thèse soutenue en 2012 à Paris 3 sous la direction de Stephen Launay, membres du jury : Philippe Raynaud, Christian Bachelier et Paulette Choné
La critique sociale de Raymond Ruyer (1902-1987) fait partie de son œuvre , surtout connue par les ouvrages de philosophie des sciences et la réflexion sur la biologie dont Georges Canguilhem avait souligné l’originalité dès 1947. Nous montrons que la critique sociale existe dès la thèse complémentaire de 1930, "L’Humanité de l’avenir d’après Cournot" se poursuit avec la réflexion sur l’utopie. L’articulation de la critique sociale avec la philosophie unie à la science que propose Ruyer se trouve dans les valeurs et l’axiologie originale qu’il développe dès 1948. Ce serait une erreur, selon nous, de négliger la critique sociale de Ruyer et nous présentons ici, pour la première fois, une vue d’ensemble des idées de Ruyer sur les sociétés humaines et leur avenir.