Haruka Ochi, L'évolution des fonctions de la négociation collective de branche, thèse soutenue en 2023 à Lyon 2, membres du jury : Sophie Nadal (Rapp.), Gilles Auzero (Rapp.), Cécile Nicod
Les réformes de la négociation collective de branche intervenues ces dernières décennies se sont traduites par une remise en cause de ses fonctions traditionnelles. En permettant à l’accord d’entreprise de se substituer à l’accord de branche dans la majeure partie des objets de la négociation, et en permettant au ministre du Travail de refuser l’extension d’un accord de branche au motif d’une atteinte excessive à la libre concurrence, le législateur remet en cause la fonction d’uniformisation des conditions de travail et de prévention du dumping social reconnue historiquement à l’accord de branche. Il importe dans ce contexte de savoir si ces fonctions de la négociation de branche subissent une mutation, dans un contexte où par ailleurs le législateur a entrepris dans les années 2010 une politique de restructuration des branches, visant à réduire le nombre d’accords de branche de 700 à une centaine. L’approche adoptée dans le cadre de cette thèse est d’ordre historique. La première partie est consacrée à l’émergence et au développement de la fonction d’uniformisation des conditions de travail par la négociation de branche. Les techniques de l’extension et de la représentativité, adoptées par les lois de 1936 et de 1950, sont les vecteurs centraux de la fonction de régulation de la concurrence par les accords de branche. La seconde partie est consacrée à la remise en cause et à la mutation des fonctions assignées à la négociation de branche depuis les années 1980. Tout en remettant en cause son rôle d’uniformisation, le législateur donne à la négociation de branche des fonctions nouvelles, notamment en lui permettant de déroger à la loi ou encore en le chargeant d’encadrer la négociation d’entreprise atypique, qui se fait sans délégué syndical.
Jean-Paul Dautel, Comment le droit français et le droit québécois organisent-ils et participent-ils à l'insertion professionnelle et au maintien dans l'emploi des travailleurs ayant un trouble de santé mentale ?, thèse soutenue en 2022 à Lyon 2 en co-direction avec Denis Nadeau, membres du jury : Gilles Trudeau (Rapp.), Loïc Lerouge (Rapp.), Pierre-Yves Verkindt, Emmanuelle Bernheim et Mona Paré
Les troubles de santé mentale sont ceux qui affectent la pensée des personnes, à savoir ce qu’il y a de plus intime chez elles. Ils ont, comme effets, de fragiliser globalement leur personnalité et, comme caractéristiques, d’être variables dans leur fréquence et dans leur intensité. Ces caractéristiques sont suffisamment fortes pour susciter une interrogation sur leur prise en charge par les droits français et québécois quant à l’élaboration de mesures permettant leur insertion professionnelle et leur maintien dans l’emploi. Si ces derniers se révèlent par principe promoteurs de ces deux objectifs, la réalité semble cependant tout autre au regard du taux accru d’inactivité des personnes ayant un trouble sévère de santé mentale (en France et au Québec), et au constat de l’affaiblissement de la santé mentale au travail en raison de conditions de travail dégradées, créatrices de souffrances psychologiques.La présente recherche a donc pour but de montrer comment la situation particulière des personnes ayant un trouble de santé mentale remet en cause : l’objectif promotionnel du droit ; la place que prend le droit parmi les autres acteurs de l’accompagnement professionnel et, conséquemment, son influence sur ces mêmes acteurs. Pour ce faire, nous avons opté pour une démarche méthodologique mixte qui allie, premièrement, une analyse classique du droit éclairée par la littérature d’autres disciplines des sciences sociales et, deuxièmement, une enquête de terrain dans la forme d’entrevues semi-dirigées avec des acteurs clés du retour au travail après un trouble de santé mentale. L’objectif de cette démarche est de mesurer l’effet du droit sur ses destinataires primordiaux (les personnes ayant un trouble de santé mentale) et d’étudier les rapports interactifs entre le droit et les acteurs du terrain intervenant dans l’accompagnement des populations visées vers et dans l’emploi.Les résultats de notre recherche démontrent que, malgré la création de systèmes plus ou moins contraignants d’insertion professionnelle des personnes handicapées, les personnes ayant un trouble de santé mentale demeurent à la marge de ces systèmes. On remarque un accès restrictif aux dispositifs législatifs et aux politiques de l’emploi, des environnements de travail encore fortement stigmatisants, et l’insuffisance des solutions d’accompagnement adaptées à ces troubles, malgré l’innovation récente que représente l’emploi accompagné. Notre conclusion nous amène au constat que peu de gens en situation de handicap psychique intègrent les milieux de travail. Pour autant, ces mêmes milieux professionnels connaissent une augmentation importante de travailleurs ayant un trouble de santé mentale. Or, cette population en souffrance psychologique, le plus souvent en raison de leurs conditions de travail, ne rentre pas dans la définition de personne handicapée dans la mesure où les troubles vécus seraient transitoires, et ne bénéficie pas des dispositifs législatifs dédiés au handicap. Elle relève exclusivement des régimes « supplétifs » de maintien dans l’emploi. Lorsqu’elles sont causées par les conditions de travail, le faible taux d’acceptation des lésions d’ordre psychologiques au sein des régimes de réparation des risques professionnels aboutit à une sous-déclaration de ces lésions. Aussi, qu’elles soient d’origine professionnelle ou non, leur traitement relève majoritairement des seules dispositions de droit commun (les obligations d’adaptation et de reclassement en France et l’obligation d’accommodement au Québec). Cependant, celles-ci se révèlent trop procédurales et formelles et valorisent l’approche biomédicale de la pathologie qui limite de fait toute expression de l’expérience subjective des travailleurs (leur vécu au et du travail) et rejette toute considération de la santé au travail.L’ensemble de ces difficultés appelle ainsi à une révision du droit et des pratiques pour laquelle nous présentons des recommandations.
Laurent Willocx, Réalisme et rationalités de la législation relative aux ouvriers et à ceux qui les emploient , thèse soutenue en 2019 à Lyon
Le droit du travail est constamment critiqué pour son manque de « réalisme » : on lui reproche d’être élaboré par un législateur trop éloigné des aspirations variées des salariés et des employeurs, d’avoir des règles trop uniformes eu égard à la diversité des situations et d’être inadapté aux finalités qui lui sont assignées. Le droit du travail moderne se caractérise pourtant par les efforts faits pour répondre à cette critique. Et cela ne date pas d’hier. Ce caractère était déjà présent dans la législation ouvrière qui est née à la fin du XIXe siècle, dans la grande révolte des faits contre le Code civil. Mieux, ce réalisme était déjà dans le droit travail d’avant la législation ouvrière, celui de la Révolution, du Code civil et du premier XIXe siècle.Cette thèse propose plusieurs concepts distincts de réalisme, en lien avec la typologie des rationalités du droit de Max Weber et de certains de ses continuateurs. Ces concepts sont mobilisés pour analyser différentes dimensions de la législation relative aux ouvriers et à ceux qui les emploient produite entre 1791 et 1841. De cette étude, il ressort que le droit du travail a toujours été réaliste.
Laurent Willocx, Réalisme et rationalités de la législation relative aux ouvriers et à ceux qui les emploient, thèse soutenue en 2019, membres du jury : Cyril Wolmark, Anne-Sophie Chambost, Véronique Champeil-Desplats et Emmanuel Dockès
Le droit du travail est constamment critiqué pour son manque de « réalisme » : on lui reproche d’être élaboré par un législateur trop éloigné des aspirations variées des salariés et des employeurs, d’avoir des règles trop uniformes eu égard à la diversité des situations et d’être inadapté aux finalités qui lui sont assignées. Le droit du travail moderne se caractérise pourtant par les efforts faits pour répondre à cette critique. Et cela ne date pas d’hier. Ce caractère était déjà présent dans la législation ouvrière qui est née à la fin du XIXe siècle, dans la grande révolte des faits contre le Code civil. Mieux, ce réalisme était déjà dans le droit travail d’avant la législation ouvrière, celui de la Révolution, du Code civil et du premier XIXe siècle.Cette thèse propose plusieurs concepts distincts de réalisme, en lien avec la typologie des rationalités du droit de Max Weber et de certains de ses continuateurs. Ces concepts sont mobilisés pour analyser différentes dimensions de la législation relative aux ouvriers et à ceux qui les emploient produite entre 1791 et 1841. De cette étude, il ressort que le droit du travail a toujours été réaliste.
Manon Thouvenot, La protection des droits sociaux en droit européen : l'articulation normative entre l'Union européenne et la Charte sociale européenne, thèse soutenue en 2022 à Bordeaux sous la direction de Philippe Martin et Olivier Delas, membres du jury : Laurence Burgorgue-Larsen (Rapp.), Isabelle Hachez et Anne-Marie Laflamme
Le projet de thèse en droit intitulé « La protection des droits sociaux fondamentaux en droit européen : l’articulation normative entre l’Union européenne et la Charte sociale européenne » a pour objectif d’étudier les techniques juridiques existantes ou potentielles qui pourraient être appliquées afin de s’assurer d’un meilleur respect des droits sociaux fondamentaux sur le territoire des États européens. La recherche part du constat selon lequel il existe une multiplication des sources de protection des droits fondamentaux et une multiplicité des organes chargés de s’assurer du respect de ces droits. Que ce soit au niveau international universel, régional, ou encore national, cette recrudescence de textes et de mécanismes de suivi assortis est généralisée, mais n’est cependant pas coordonnée. La catégorie des droits sociaux fondamentaux n’échappe pas à ce millefeuille juridique incohérent. Or, si l’existence de ces systèmes de protection participe d’une volonté de s’assurer d’une meilleure garantie des droits sociaux fondamentaux pour les individus, ni le droit international ni les créateurs de ces systèmes ne se sont assurés que leur multiplication ne nuise pas à cet objectif initial. En conséquence, aujourd’hui, sans équivalence ni cohérence entre ces systèmes, les droits sociaux fondamentaux souffrent d’une prise en compte par les États qui manque d’effectivité, alors qu’ils sont les premiers responsables de leur mise en œuvre. Au niveau européen, il y a ainsi plusieurs ordres juridiques et systèmes qui se superposent et se contredisent, au préjudice souvent de la protection des droits sociaux fondamentaux. Le système de l’Union européenne, pour sa part, ne prend pas suffisamment en compte la protection de ces droits alors même qu’elle serait un vrai atout pour l’intégration européenne, en difficulté à la suite de plusieurs crises d’ordre institutionnel ou économique ; la Charte sociale européenne, quant à elle, souffre d’un manque de visibilité et de prise en compte au niveau national, étant pourtant à plusieurs égards une véritable référence en matière de protection des droits sociaux fondamentaux. La thèse vise ainsi, d’une part, à mettre en évidence les différents avantages et inconvénients, théoriques comme pratiques, des deux systèmes, et de montrer que leur association serait non seulement un moyen efficace de résoudre les impérities de l’autre. D’autre part, elle cherche à montrer qu’une telle articulation conduirait à ce que ces droits, indispensables au bon fonctionnement des sociétés européennes actuelles et facteurs primordiaux de paix sociale, prennent la place qui devrait être la leur. La thèse vise ainsi à réaffirmer l’importance de ces droits, trop souvent négligés par les États, à analyser les interdépendances et discordances entre les systèmes européens à l’étude et enfin, à chercher des moyens de les associer et les rendre complémentaires afin de renforcer la légitimité de chacun d’entre eux.
Barbara Gomes, Le droit du travail à l’épreuve des plateformes numériques, thèse soutenue en 2018 à Paris 10 sous la direction de Antoine Lyon-Caen, membres du jury : Thomas Pasquier (Rapp.), Nicolas Moizard (Rapp.), Pascal Lokiec
Les plateformes numériques de travail construisent leur modèle économique à l’écart des règlementations traditionnellement applicables aux secteurs d’activités dans lesquelles elles évoluent (par exemple, le transport privé de personnes), au premier rang desquelles figure le droit du travail. Au motif qu’elles ne seraient que des intermédiaires entre une offre et une demande, la qualification de travailleur salarié (parfois même, de travailleur tout court) est niée. On lui préfère l’indépendance supposée par le recours aux contrats civils et commerciaux. Les travailleurs des plateformes ne peuvent alors pas leur opposer le respect du droit social (ex : droit du licenciement, droit de négociation collective, congé maternité, assurance chômage, etc.). Pourtant, dès lors qu’une organisation développe une activité économique et commerciale qui suppose le recourt à des contrats portant sur la force de travail pour en permettre le développement, il est difficile d’affirmer l’absence de travail comme l’indépendance. Les plateformes de travail ne sont pas de simples plateformes d’intermédiation, mais des organisations productives s’inspirant bien plus que les entreprises des logiques de concurrence qui gouvernent le marché. La remise en cause de la législation sociale qu’elles provoquent s’inscrit dans une vision déterministe du droit du travail qui prétend que le droit doit nécessairement s’adapter aux exigences formulées par l’économie. En aucun cas cependant, le droit du travail se trouve dépourvu de réponse face à ces nouveaux modèles. Au contraire, les perturbations qu’ils provoquent font écho à l’histoire même de sa construction, invitant au-delà du droit français, le droit social européen et international, à affirmer ses exigences et ses ambitions.
Camille Percher, Le concept de travail décent à l'épreuve du droit de l'Union européenne, thèse soutenue en 2017 à Lyon sous la direction de Marie-Ange Moreau-Bourlès, membres du jury : Isabelle Daugareilh (Rapp.), Étienne Pataut (Rapp.), Jean-Sylvestre Bergé et Nicolas Moizard
Le concept de travail décent a été présenté par le Directeur général du Bureau international du travail, en 1999, comme l’objectif prioritaire de l’Organisation internationale du travail permettant à chaque femme et chaque homme d’exercer une activité dans des conditions de liberté, d’équité, de sécurité et de dignité. Il regroupe quatre piliers interdépendants que sont l’emploi, la protection sociale, le dialogue social et la promotion des droits au travail. De manière inédite, l’OIT impose un cadre d’action pour tous les États membres. Evoluant en fonction des conditions socio-économiques de chaque État membre, le concept de travail décent est susceptible d’être défini localement tout en ayant un contour universel. La traduction du concept est facilitée par le biais des programmes par pays de travail décent (PPTD), relevant de la coopération technique du BIT, et des indicateurs mesurant le travail décent. Le concept apparaît alors comme un objectif de portée universelle et non comme une norme juridique. Si la coopération technique de l’OIT facilite la réalisation du travail décent, son action normative est également essentielle. L’action normative doit aussi s’orienter vers le concept de travail décent, comme le montrent la Convention du travail maritime adoptée par la Conférence internationale du travail en 2006 et la Convention n°189 concernant le travail décent des travailleurs domestiques adoptée en 2011. Toutefois, perçu comme un slogan politique pour redonner une visibilité à l’OIT, fragilisée par le contexte de la mondialisation, le concept de travail décent a été critiqué pour son caractère minimaliste et ignoré au sein de l’UE. La confrontation entre le concept de travail décent et le droit de l’Union révèle alors un paradoxe entre l’accroissement des conditions de vie et de travail indécentes au profit d’un renforcement du droit du marché du travail ainsi que du droit du marché intérieur et l’engagement de tous les États membres de l’UE d’être liés à la Déclaration de l’OIT de 1998. Pourtant, la situation économique et sociale actuelle au sein de l’Union européenne interroge sur la nécessité et la possibilité d’intégrer le concept de travail décent, qui révèle une approche particulière du travail, en droit de l’Union européenne. En effet, la réflexion sur un régime de travail réellement humain centrée sur les valeurs de justice sociale et de dignité humaine trouve tout son sens dans le contexte actuel de la gouvernance économique au sein de l’Union européenne et des mesures d’austérité envisageant le travail sous l’angle du marché et des échanges. La justice sociale dans le sens que lui a donné la Déclaration de Philadelphie de 1944 puis le concept de travail décent, c’est-à-dire celui de l’action, est aujourd’hui indispensable pour la protection des personnes et de l’environnement. La situation actuelle au sein de l’UE constitue donc un enjeu pour l’OIT dans sa capacité à imposer la traduction du concept de travail décent en droit social européen et pour l’UE elle-même. Le concept de travail décent propose des solutions pour l’action normative, il implique des exigences pour le législateur et le juge de l’UE. A l’instar de l’OIT, l’UE doit orienter son action normative vers le concept de travail décent pour renforcer la place des droits sociaux fondamentaux face aux libertés économiques. Cette nouvelle orientation nécessite alors pour l’UE de prendre appui sur les instruments de l’OIT, en particulier sur ses conventions et déclarations ainsi que sur la coopération technique prenant en compte ses spécificités.
Mathilde Frapard, La protection négociée des droits sociaux fondamentaux des travailleurs : contribution à l'étude des accords d'entreprise transnationaux, thèse soutenue en 2016 à Strasbourg sous la direction de Mélanie Schmitt, membres du jury : Étienne Pataut (Rapp.), Nicolas Moizard
Dans un contexte de globalisation de l'économie, de nouveaux procédés d'autorégulation ont suscité l'intérêt des acteurs privés. Initiées par les entreprises transnationales, ces régulations volontaires visent notamment à encadrer les relations de travail et à offrir une protection des droits sociaux fondamentaux aux travailleurs des filiales. Parmi ces initiatives, l'une a émergé à la fin des années 1980 : l'accord d'entreprise transnational. Ainsi, la protection des droits sociaux fondamentaux ne relève plus uniquement de la responsabilité des États mais se révèle davantage comme appartenant à la « responsabilité sociale » des entreprises via la négociation transnationale d'entreprise. L'absence de toute règle spécifique relative à une telle négociation laisse cependant en suspens certains problèmes juridiques. Répondre à ces incertitudes juridiques nécessite de clarifier des concepts et de mesurer l'effectivité des accords dans la concrétisation des droits sociaux fondamentaux.
Marie Mestek, L'exigence du contradictoire dans les procédures non juridictionnelles en droit de la sécurité sociale, thèse soutenue en 2015 à Lyon 2 sous la direction de Cyril Wolmark, membres du jury : Frédéric Guiomard (Rapp.), Chantal Mathieu (Rapp.)
Le contradictoire est sans nul doute une exigence qui s’impose à toute société. Contredire c’est se dire l’un l’autre. Pris dans la sphère juridique, il s’agit du droit de savoir et de discuter. Il est composé de deux éléments intrinsèques : la communication et la discussion. Ces deux éléments appartiennent à un ensemble plus large des étapes d’un processus décisionnel, à savoir l’information sur la procédure, condition d’un contradictoire effectif, la communication entre les parties des prétentions juridiques et des pièces sur lesquelles elles se fondent, la discussion sur ces pièces et enfin la motivation de la décision, le prolongement nécessaire de la contradiction. Les composantes du contradictoire s’adaptent à la particularité de la procédure, et plus spécifiquement aux procédures non juridictionnelles du droit de la sécurité sociale. Le « siège naturel » du contradictoire étant la décision, une classification des décisions prononcées par les organismes de sécurité sociale à l’encontre des usagers est réalisée afin de repérer les manifestations du contradictoire au sein de cette branche. La recherche offre alors un panel de décisions soumises au respect de cette exigence procédurale, qui incite à plaider pour la reconnaissance d’un principe du contradictoire dans les procédures non juridictionnelles du droit de la sécurité sociale.
Florence Fouvet, Le principe de libre exercice d'une activité professionnelle, thèse soutenue en 2015 à Lyon 2 sous la direction de Antoine Jeammaud, membres du jury : Cyril Wolmark (Rapp.), Véronique Champeil-Desplats et Jean-Pascal Chazal
De fameux arrêts rendus le 10 juillet 2002, par la Chambre sociale de la Cour de cassation, on retient surtout le revirement de jurisprudence concernant les clauses de non-concurrence insérées dans un contrat de travail : pour être valides, ces stipulations doivent désormais remplir différentes conditions cumulatives, dont le versement, au salarié, d’une contrepartie financière. Mais le visa - inédit - du « principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle » a moins retenu l’attention. Certains ont vu dans cette norme un simple substitut de principes plus classiques (tels les principes de la liberté du travail, de la liberté du commerce et de l’industrie ou de la liberté d’entreprendre), tandis que d’autres ont cru trouver le véritable fondement de ces arrêts novateurs dans l’article 1131 du Code civil requérant que toute obligation ait une cause. La consécration et la sollicitation de ce principe de libre exercice d’une activité professionnelle constituent pourtant un apport majeur de ces décisions et d’une série significative d’arrêts postérieurs. Par référence à cette norme – et sans précision de son assise textuelle – la Cour de cassation a construit le régime des clauses de non-concurrence en droit du travail et conduit une véritable politique jurisprudentielle en la matière. Cette norme a en outre fondé la mise en question de la validité d’autres clauses et d’autres pratiques. Sa promotion en fait un élément singulier du droit positif, capable d’enrichir divers débats et de régir nombre de situations juridiques, au-delà des rapports de travail salarié. Son avènement et ses conquêtes participent aussi de phénomènes plus amples affectant l’ordre juridique français, notamment sa constitutionnalisation. Son actualité comme ses potentialités commandaient de consacrer enfin une étude à cet authentique « principe », de l’identifier précisément et de prendre la mesure de sa portée.
Carine Ursini, Le corps de la personne au travail selon le droit social, thèse soutenue en 2013 à Lyon 2 sous la direction de Antoine Jeammaud, membres du jury : Geneviève Pignarre et Frédéric Guiomard
La révolution industrielle du XIXème siècle, marquée par la création des grandes usines, a entraîné une mutation de la classe laborieuse constituée d’ouvriers dont les conditions de travail étaient d’une dureté que l’on peine à imaginer aujourd’hui. L’état de santé des ouvriers représentait pourtant un enjeu économique et politique d’une grande importance. L’Etat a, en conséquence, produit une législation tutélaire visant à protéger les corps des travailleurs : une législation industrielle devenue droit du travail, dans le cadre de ce plus vaste ensemble que l’on dénomme le droit social. Le droit du travail assure un équilibre entre les acteurs des relations du travail. Il est, essentiellement, un droit de compromis à des fins de pacification des relations sociales, un compromis social entre les intérêts des entreprises et ceux des travailleurs salariés. Le « droit social », qui recouvre, au moins, le droit du travail et le droit de la sécurité sociale, est à la fois un droit de protection et un droit de réparation des atteintes portées aux corps des salariés par le travail. L’homme au travail a longtemps été considéré comme une machine de production et le corps perçu uniquement du point de vue mécanique. Mais le corps est le substratum de la personne ; il n’est pas une chose : il est la personne protégée par des règles pénales, les règles composant le droit civil des personnes – au lieu de relever du droit des biens – et celles qui consacrent et garantissent ce que l’on appelle volontiers, aujourd’hui, les droits et libertés fondamentaux. Aujourd’hui, le travail, activité productive, est beaucoup plus diversifié que celui du XIXème siècle. Les conditions sociales et du travail ont évolué avec le droit du travail qui est bien différent d’alors. Les risques professionnels sont différents et l’homme au travail, considéré comme une personne à part entière, peut subir des atteintes à sa santé physique et mentale. Si le droit du travail poursuit les buts partiellement antagonistes de préserver, à la fois, le capital et le travail, la question est de savoir quels instruments juridiques visent à prémunir les salariés des atteintes à leur intégrité physique et mentale que pourrait provoquer le travail. Celui-ci étant, cependant, source d’accidents et de maladies, il s’agit de connaître les outils utilisés par le droit positif afin de permettre la réparation de ces atteintes.
Josépha Dirringer, Les sources de la représentation des salariés : contribution à l'étude des sources du droit, thèse soutenue en 2012 à Paris 10 sous la direction de Emmanuel Dockès, membres du jury : Jean-François Akandji-Kombé (Rapp.), Thérèse Aubert-Monpeyssen (Rapp.), Pascale Deumier
La représentation collective des salariés se caractérise par une pluralité de sources : internationales, européennes, étatiques et professionnelles. Leur identification permet d’établir une cartographie. Certaines ont pour objet de garantir les droits fondamentaux des salariés d’essence collective. D’autres participent plus directement à structurer le système de représentation collective des salariés. Cette cartographie renseigne ensuite sur leur importance respective à régir ce dernier domaine. Le développement du droit de l’Union européenne d’un côté et l’essor de la négociation collective de l’autre tendent ainsi à relativiser l’importance traditionnelle de la loi. De même, la promotion des normes négociées conduit corrélativement à un déclin des normes issues du pouvoir patronal. Leur articulation permet de comprendre les différents rapports qu’elles nouent entre elles. Elle met en évidence ce vers quoi est orientée l’articulation des sources de la représentation collective des salariés. Classiquement, cette articulation vise à garantir le droit des salariés à être représentés. De manière renouvelée, elle s’inscrit dans un processus de contractualisation et de décentralisation de la production normative. Le domaine de la représentation collective de salariés n’offre pas seulement une illustration particulière et vivante des mutations des sources du droit. Caractérisé par l’importance des normes de structure, il est un parfait observatoire pour appréhender le dynamisme de l’agencement des sources du droit et pour comprendre les mécanismes qui rendent possibles les déplacements d’une source à l’autre.
Cindy Lhomond, Le droit à la preuve en droit du travail, thèse soutenue en 2023 à Lyon 2 sous la direction de Olivier Leclerc, membres du jury : Lucas Bento de Carvalho (Rapp.), Grégoire Loiseau
Consacré en 2012 par la première chambre civile, puis en 2016 par la chambre sociale, un « droit à la preuve » voit le jour dans la jurisprudence de la Cour de cassation. Le droit à la preuve tend à préserver la recevabilité en justice d’un élément de preuve illicite produit spontanément ou demandé au juge. Le droit à la preuve, en tant que droit subjectif processuel, doit être concilié avec d’autres droits par l’intermédiaire du contrôle de proportionnalité. Le droit à la preuve est tributaire de la mise en œuvre du raisonnement de proportionnalité. Ces façons de concevoir et de mobiliser le droit à la preuve ont alors des conséquences en droit de la preuve, particulièrement en droit du travail. Les particularités structurelles du droit du travail, en tant que branche du droit, attribuent au droit à la preuve une coloration particulière. La thèse se propose ainsi d’analyser le droit à la preuve dans tous ses aspects, des liens qu’il entretient avec d’autres notions jusqu’aux limites de sa portée. Par ailleurs, l’étude s’inscrit dans une démarche plus générale, permettant de contribuer à l’analyse des évolutions du droit de la preuve en droit du travail .
Matthieu Vicente, Les droits collectifs des travailleurs de plateformes : étude sur le champ d'application personnel des droits collectifs dans le contexte des plateformes numériques, thèse soutenue en 2022 à Strasbourg sous la direction de Fabienne Muller et Nicolas Moizard, membres du jury : Pascal Lokiec (Rapp.), Simon F Deakin
Certaines plateformes numériques, à l’image d’Uber et Deliveroo, mettent en œuvre des stratégies de contournement systématique de la législation sociale visant à maintenir les travailleurs auxquels elles ont recours hors du statut salarial. En dépit de leur indépendance formelle, ces travailleurs ont cherché à s’organiser collectivement pour améliorer leurs conditions de travail. Cette thèse vise à identifier dans quelle mesure les travailleurs de plateformes sont titulaires de droits collectifs leur permettant d’exercer un contre-pouvoir à l’encontre des plateformes numériques, soit la liberté syndicale, le droit à l’information et à la consultation, le droit de négociation collective et le droit de grève. Si la caractérisation d’une relation salariale est de nature à conférer aux travailleurs la pleine titularité de ces droits, le champ d’application personnel des droits collectifs est susceptible de s’étendre au-delà des relations entre des salariés et un employeur. La titularité des droits collectifs des travailleurs de plateformes peut dès lors être envisagée dans le cadre du travail indépendant.
Rithchak Sok, Les droits fondamentaux collectifs des travailleurs, à l'épreuve des engagements de responsabilité sociale des entreprises multinationales, au Cambodge, thèse soutenue en 2022 à Lyon sous la direction de Marie-Cécile Escande-Varniol, membres du jury : Nicolas Moizard (Rapp.), Jean-Michel Servais
Le Cambodge a connu une période chaotique, peu propice au développement d’un ordre juridique et judiciaire digne de ce nom. Bien que l’ordre et le pays soient restaurés et que l’État se soit restructuré, le Cambodge n’est pas encore une démocratie avec tous les attributs que cela sous-entend. Le droit dans ses différentes composantes en est un exemple. Si de nombreuses normes ont été et continuent d’être régulièrement et démocratiquement adoptées, l’application des règles reste problématique et la justice est dans un état embryonnaire. La jurisprudence est quasi inexistante faute de magistrats compétents, de publication des jugements et de volonté politique. Cet état lacunaire touche aussi la doctrine qui est très rudimentaire. L’un des corps de règles les plus complets concerne le droit du travail. Il reprend toutes les normes internationales en particulier les droits fondamentaux collectifs : la reconnaissance et le respect de la liberté syndicale, le droit de la négociation collective et le droit de grève. Pourtant, ces droits ne sont pas effectifs. Dans le contexte économique et politique du Cambodge, les travailleurs sont rarement à même de réclamer la simple application du droit existant. Dans cette quête de l’effectivité du droit proclamé, de nouveaux acteurs sont intervenus : d’une part l’OIT, par un soutien structurel (Conseil d’arbitrage) et concret (programme Better Factories Cambodia) ; d’autre part les entreprises multinationales de grandes marques. Tournées vers une clientèle occidentale, elles se doivent d’apparaître vertueuses et prennent des engagements de responsabilité sociale. Cette thèse s’interroge sur le rôle que joue cette « soft law », au côté du droit national. Dans quelle mesure les engagements de ces acteurs permettent-ils le respect effectif des droits fondamentaux collectifs ?
Maria Konstantina Kiapekaki, Les partenaires sociaux européens et français et la diversité au travail, thèse soutenue en 2021 à Strasbourg sous la direction de Nicolas Moizard, membres du jury : Delphine Tharaud (Rapp.)
Dépourvu de définition et de cadrage juridique, le concept de la diversité au travail se cristallise à travers les actions des partenaires sociaux. Depuis l’accord national interprofessionnel du 11 octobre 2006 sur la diversité, les accords collectifs en matière de diversité se multiplient et les instruments du droit souple (la Charte et le Label Diversité) attirent l’attention de grandes entreprises. Nous retraçons les actions des partenaires sociaux français et européens afin de définir le concept de diversité au travail et son apport. Nous constatons la corrélation entre les intentions des partenaires sociaux et la nature des mesures de diversité : politique managériale, outil du droit souple ou véritable disposition de lutte contre les discriminations, la diversité peut se manifester différemment selon les souhaits des acteurs qui la mettent en place. L’effectivité juridique de ces instruments renvoie à l’examen des possibilités de suivi et de contrôle, un rôle à nouveau confié aux partenaires sociaux. L’emploi des éléments chiffrés pour « quantifier » la réussite d’une démarche en matière de diversité demeure un sujet controversé.
Hélène Cavat, Le droit des réorganisations : étude de droit du travail, thèse soutenue en 2020 à Paris 10 sous la direction de Pascal Lokiec, membres du jury : Françoise Favennec-Hery (Rapp.), Antoine Lyon-Caen, Gilles Auzero et Alexandre Fabre
Si, ces dernières décennies, les pratiques de réorganisation d’entreprise n’ont pas substantiellement changé, l’ordonnancement autour de cet objet s’est, quant à lui, radicalement transformé. La valorisation que le droit en donne, la distribution du pouvoir, la légitimation de ces opérations, sont autant de paramètres qui ont profondément évolué. De sorte que se distingue l’avènement d’équilibres nouveaux. En retrait mais pas tout à fait destitué, le régime du licenciement pour motif économique demeure, en dépit de ses érosions et avec ses mues successives, une partie significative de ce pan du droit du travail. Il est d’ailleurs le siège de préfigurations, comme par exemple les contours du contrôle désormais dévolu à l’administration bien au-delà des licenciements. Par ailleurs, les régimes concurrents au régime du licenciement pour motif économique, qui se multiplient depuis les années 1990, parviennent aujourd’hui à un certain degré d’autonomie. Accord portant rupture conventionnelle collective et accords de performance collective en sont autant d’illustrations. C’est en contradiction, mais donc aux prises avec ce régime classique, qu’ils se sont construits, et, à ce titre, les voies et artifices empruntés pour parvenir à l’émancipation esquissent les caractéristiques du nouvel ensemble. L’hypothèse est que prend forme, aujourd’hui, un droit des réorganisations. Ni état statique du droit, ni forme à prescrire, le droit des réorganisations désigne un mouvement à l’œuvre, une hybridation entre un régime du licenciement pour motif économique lui-même infléchi et des régimes concurrents affranchis. Or, il se joue dans l’avènement de ce droit, doté de structures et de raisons propres, un accroissement certain du pouvoir de l’employeur.
Maxime Alves-Conde, L'aptitude à consentir du salarié, thèse soutenue en 2018 à Paris 10 sous la direction de Emmanuel Dockès, membres du jury : Sébastien Tournaux (Rapp.), Alexandre Fabre et Jean Mouly
La thèse invite à s’intéresser à l’aptitude à consentir du salarié. En tant qu’elle constitue l’aptitude du sujet à prendre part au gouvernement de sa situation juridique par l’accord, elle participe de l’expression d’un choix de celui reconnu comme partie faible au rapport asymétrique qui le lie à l’employeur. En pareil contexte, la question du consentement apparaît centrale. Le contrat, acte juridique censément conclu par des sujets égaux, requiert l’accord de celui mis dans une situation d’inégalité et consistant dans la subordination, qu’elle émane de l’acte juridique auquel il consent ou qu’il soit déjà salarié.L’aptitude à consentir invite à s’intéresser aux règles qui reconnaissent au salarié une aptitude à décider, eu égard aux contrats que le droit du travail admet et qui peuvent s’insérer dans sa situation juridique. Cette aptitude est assurément juridique (Partie 1) et ne se trouve pas limitée aux règles qui, classiquement, peuvent être mobilisées pour la caractériser. L’aptitude juridique ne procède pas seulement du droit de la capacité ou de la personnalité, mais prospère à travers des mécanismes que le droit du travail promeut pour permettre non seulement au travailleur de faire valoir un choix, mais de le protéger à cette occasion. Elle rayonne encore lorsque la décision elle-même, c’est-à-dire le consentement, est envisagée : sans information et sans égard à la prise de décision, l’aptitude serait nettement diminuée. Les règles qui forgent l’aptitude juridique à consentir, doivent encore être rapportées à d’autres, qui conditionnent ou orientent les choix que le salarié peut avoir à opérer. C’est ainsi que l’aptitude juridique pose également la question de son effectivité (Partie 2), dans la mesure où elle n’est pas seulement l’objet de règles protectrices. Alors, il s’agit de tenir sérieusement en considération le rapport du sujet à l’emploi, qu’il s’agisse pour lui de le choisir ou même simplement d’y accéder. Et de ne pas négliger, enfin, le rapport de l’aptitude à consentir aux normes juridiques elles-mêmes. Qu’il s’agisse du contrat ou des normes environnantes, patronales et conventionnelles, le sujet connait des limites à l’épanouissement de sa volonté qui participent parfois de sa protection et, d’autres fois, d’une limite à l’emprise qu’il a sur sa situation.
Roula Khalil, Entreprises multinationales et droits des travailleurs dans les pays d'implantation, thèse soutenue en 2016 à Nantes sous la direction de Patrick Chaumette et Georges Kadige, membres du jury : Isabelle Daugareilh (Rapp.), Franck Héas
Les entreprises multinationales se sont implantées au Liban et en Égypte. Ces deux États, comme les autres, cherchent à attirer les investissements étrangers, notamment ceux des entreprises multinationales. Dès lors, les États peuvent mettre en œuvre des mesures incitatives, donc attractives. Surtout en Égypte, la notion de zone franche illustre un allègement des exigences, douanières, fiscales ou sociales, vis-à-vis des entreprises « nationales », c’est-à-dire soumises au droit national. Il s’en suit que le droit social développé au sein des implantations nationales des Entreprises Multinationales peut générer différents rapports avec les droits nationaux, et c’est ce que cette recherche entend examiner en ce qui concerne le Liban et l’Égypte. D’où il convient d’étudier les droits des travailleurs dans les pays objets de notre étude (Partie I), puis les responsabilités des entreprises multinationales vis-a-vis des consommateurs, des États et des travailleurs (Partie II).
Konstantina Chatzilaou, L’action collective des travailleurs et les libertés économiques : essai sur une rencontre dans les ordres juridiques nationaux et supranationaux, thèse soutenue en 2015 à Paris 10 sous la direction de Antoine Lyon-Caen, membres du jury : Sophie Robin-Olivier (Rapp.), Georges Borenfreund, Sheldon Leader et Jean-Michel Servais
L’action collective des travailleurs - qu’on désigne ordinairement en France par le terme de grève - fait l’objet d’un traitement juridique diversifié, aussi bien au niveau national que supranational. A la suite des arrêts Viking et Laval, rendus en 2007 par la Cour de justice de l’Union européenne, les régimes nationaux et supranationaux de l’action collective sont amenés à évoluer du fait de leur rencontre avec les libertés économiques, au premier rang desquelles figurent la liberté d’établissement et la libre prestation de services. L’étude de ces évolutions requiert la combinaison de deux perspectives. Dans une perspective historique et descriptive, il s’agit d’examiner ces régimes pour en saisir la construction. A cette fin, l’outil choisi est celui de la comparaison juridique, comparaison qui s’effectue à un double niveau : national (droit français et droit anglais) et supranational (droit de l’OIT et droit du Conseil de l’Europe). C’est dans une perspective plus dynamique que l’étude porte ensuite sur les interactions de ces régimes avec les libertés économiques.
Mathilde Scaglia, Contrat de travail et sources du droit, thèse soutenue en 2015 à Orléans sous la direction de Nicolas Moizard et Aline Cheynet de Beaupré, membres du jury : Jérôme Porta (Rapp.), Pierre-Yves Verkindt et Emeric Jeansen
Le droit du travail est caractérisé par des problématiques liées à l’articulation de ses sources, au centredesquelles se trouve le contrat individuel de travail. Si généralement l’articulation des normes fait appel ausystème hiérarchique, le particularisme des mécanismes propres au droit du travail conduit à écarter cettesolution. Ce dépassement du dispositif hiérarchique impose alors de s’interroger sur l’existence dephénomènes propres, répondant à la multitude des interactions possibles entre le contrat de travail et lesautres sources du droit. Traduction d’une dynamique autonome du système hiérarchique, les phénomènesd’influence des sources du droit sur le contrat de travail et de résistance du contrat de travail aux autressources proposent une nouvelle méthode d’articulation entre la norme contractuelle et les autres sources. Lepremier, le phénomène d’influence des sources du droit, permet tant la modulation du contenu du contrat detravail que l’encadrement de l’exécution contractuelle. Le second, le phénomène de résistance du contrat detravail, se traduit par des mécanismes liés tant à la dérogation qu’à la modification du contenu du contrat detravail.Compte tenu des impératifs de sécurité juridique et de flexibilité du travail, l’enjeu de cette étude relative àl’articulation entre le contrat de travail et les autres sources du droit est de comprendre d’une part, lesévolutions du contenu contractuel et d’autre part, de mesurer les implications de ces articulations en matièrede contentieux du travail.
Aline Conchon, Les administrateurs salariés en France : contribution à une sociologie de la participation des salariés aux décisions de l'entreprise, thèse soutenue en 2014 à Paris CNAM sous la direction de Michel Lallement et Annette Jobert, membres du jury : Roland Erne et Udo Rehfeldt
Cette thèse prend pour objet d’étude les administrateurs salariés en France, soit les représentants du personnel élus par les travailleurs, le plus souvent sur liste syndicale, pour siéger au conseil d’administration [CA] ou de surveillance [CS] de leur entreprise avec les mêmes droits et devoirs que les autres administrateurs, y compris le droit de vote sur les décisions stratégiques. A partir d’une méthodologie croisant différentes techniques d’enquête (l’analyse documentaire, deux études monographiques, la passation d’un questionnaire et l’observation participante), nous interrogeons la régulation sociale qui se joue dans les entreprises alors dites « démocratisées ». Parce que le sujet prête encore à confusion, nous commençons par une double mise en contexte : conceptuelle, en opérant un retour sur la définition de la « participation des salariés aux décisions » pour souligner la singularité du CA ou CS comme espace participatif ; historique, en analysant la dynamique de l’institutionnalisation saccadée des administrateurs salariés pour en éclairer sa dimension de jure. Nous nous intéressons ensuite à sa dimension de facto. Nous interrogeons en premier lieu l’effectivité de la règle et constatons d’une part que son application est directement dépendante de son ancrage dans une source de droit contraignant et, d’autre part, que la singularité de ce dispositif se reflète dans le profil des syndicalistes appelés à siéger au CA ou CS qui présentent, dans leur grande majorité, un capital militant particulièrement développé. Et ce parce que l’action de l’administrateur salarié, que nous observons en second lieu, a pour particularité de s’inscrire à la fois au sein du système de gouvernement d’entreprise et des relations professionnelles. Si sa capacité d’action dans le premier est le plus souvent limitée à la sphère de l’influence, le CA ou CS peut néanmoins constituer un espace pertinent de l’action collective à la condition d’un effort d’articulation des différentes scènes de représentation du personnel par l’organisation syndicale. Nous montrons ainsi que la participation des salariés aux décisions stratégiques ne conduit pas mécaniquement à un rééquilibrage des pouvoirs dans l’entreprise, mais qu’elle peut produire une reconfiguration des relations professionnelles pour peu que les différents acteurs en présence s’en saisissent.
Federica Minolfi, La contrattazione collettiva aziendale in Europa, thèse soutenue en 2013 à Avignon sous la direction de Martine Le Friant, membres du jury : Fausta Guarriello
La thèse est articulée en trois chapitres. Dans le premier est analysé l'encadrement juridique de la négociation collective par le droit communautaire. L'approche suivie a pour objectif de vérifier l'utilisation par le droit communautaire de la notion d'« autonomie collective ». Si les nouveaux dispositifs du Traité de Lisbonne, reconnaissant l'autonomie des partenaires sociaux, permettent de rapprocher les systèmes européens qui connaissent telle notion, leur mise en œuvre renie une telle conclusion. La faiblesse de la négociation collective européenne a conduit les législateurs nationaux, derrière la poussée des institutions européennes, à faire face à la crise économique par l'adoption de réformes visant à atteindre l'objectif de « flexicurité ». Dans ce contexte, on peut ainsi souligner la convergence des systèmes européens de relations professionnelles sur une décentralisation vers l'entreprise, tendance clairement observée dans la comparaison franco-italienne. Le deuxième chapitre est consacré à l'évolution du système français de relations professionnelles : après sa brève reconstruction, sont analysés les instruments élaborés par le législateur afin d'encourager la négociation d'entreprise par l'introduction d'accords dérogatoires. A partir des lois Auroux, une brèche dans le traditionnel système de relations professionnelles a été ouverte, suivie par des élargissements en 2004 et 2008. Il s'agit d'une nouvelle logique de fond du système, fondée sur la possibilité d'introduire des dérogations aux conventions collectives de différents niveaux, ainsi qu'à la loi. Il s'agit de faire place au critère de subsidiarité au lieu du principe traditionnel de hiérarchie. La mise en œuvre insatisfaisante de la réforme de 2004 a poussé le législateur à intervenir à nouveau en 2008 : il supprime le critère de hiérarchie qui est remplacé par le principe de « supplétivité ». La réforme a fait de l'accord d'entreprise le nouveau centre de gravité du système, en réalisant un vrai bouleversement. La loi de 2008 a créé également une véritable refondation du droit syndical, en intervenant sur les règles de légitimité des conventions collectives ainsi que sur les critères de représentativité des syndicats, en supprimant la présomption irréfragable de représentativité. La réforme a enfin effectivement encouragé la conclusion d'accords d'entreprise, notamment en matière d'emploi. Le dernier chapitre est consacré à la négociation collective en Italie. Il retrace l'évolution du système de relations professionnelles, historiquement centralisé, et la difficile émergence de la négociation d'entreprise, en analysant les instruments élaborés par les partenaires sociaux afin d'encourager la diffusion de la négociation d'entreprise. L'instrument le plus significatif a été celui des «clauses de sortie » qui, bien que déjà pratiquées, ont été formellement reconnues par la réforme de 2009. Alors que l'accord-cadre du 22 janvier 2009 autorise des « accords spécifiques modifiant » dans des conditions assez larges, l'accord interprofessionnel du 15 avril 2009 reproduit des critères plus stricts et limite eux au niveau territorial. Le cas Fiat, qui s'est posé en dehors des nouvelles règles, a rendu nécessaire une intervention en matière de représentativité syndicale. Ce qu'a été fait par l'accord interprofessionnel du 28 juin 2011 qui fixe les critères pour mesurer la représentativité syndicale, en accueillant un principe majoritaire auquel est liée l'efficacité générale des conventions collectives. Tels critères sont confirmés par l'art. 8 de la loi n° 148/2011, qui mentionne le principe majoritaire l'étendant bien au-delà des cas prévus par l'accord interprofessionnel. L'article 8 légitime les accords modifiants au niveau de l'entreprise et du territoire (« négociation de proximité ») dans cas si larges qu'ils couvrent l'entière règlementation des rapports de travail, dérogeant aussi bien aux conventions qu'à la loi par une sorte de « délégation en blanc ».
Jean-Vincent Koster, Le dialogue social européen à l’épreuve des nouvelles formes de régulation de l’emploi, thèse soutenue en 2012 à Paris 10 sous la direction de Annette Jobert, membres du jury : Jean De Munck (Rapp.), Jérôme Gautié (Rapp.), Claude Didry et Paul Marginson
Au moment où le dialogue social européen fête les vingt ans de sa reconnaissance institutionnelle par le Traité de Maastricht, il est pertinent d’analyser le rôle des partenaires sociaux européens dans la régulation de l’emploi, alors que cette dernière connait d’importantes transformations au sein de l’UE. Partant du constat que le marché du travail européen acquiert une consistance propre qui le distingue d’une addition d’espaces nationaux, nous montrons que cette construction ne dérive pas mécaniquement de l’intégration économique du marché des produits mais résulte en partie de l’intervention des partenaires sociaux européens dans la régulation communautaire de l’emploi et des interactions qu’ils nouent avec les autres parties prenantes dont, au premier plan, la Commission européenne. L’expérimentation de nouvelles formes de régulation permet de conforter la légitimité des partenaires sociaux européens en élargissant leur champ d’intervention et en les maintenant dans le circuit de la régulation communautaire alors que d’autres acteurs (société civile organisée, groupes d’experts) auraient pu les en écarter. Cependant, le changement de paradigme de l’emploi, au nom de la « modernisation du marché du travail », les conduit à délibérer sur des objets plus généraux (« plus d’emploi et de meilleure qualité », « marchés du travail inclusifs »), au détriment d’une opérationnalité qui leur fait d’autant plus défaut que le manque d’approfondissement de la régulation de la relation d'emploi entrouvre la porte à des cas de dumping social. Dès lors, plus que les nouvelles formes de régulation, ce sont les déplacements de l’objet de la régulation qui mettent à l’épreuve la portée du dialogue social européen.
Slovia Stelzig-Caron, La cour de cassation et le dialogue des juges, thèse soutenue en 2011 à Grenoble sous la direction de Pascale Deumier, membres du jury : Adeline Gouttenoire (Rapp.), Geneviève Pignarre, Olivier Gout et Jean-Yves McKee
Le dialogue des juges recouvre plusieurs réalités. L'aspect qui est étudié ici est le dialogue qui s'instaure entre la Cour de cassation et les autres juges : nationaux, européens, internationaux et étrangers. Ce dialogue se fait à travers la décision de justice, qui est désormais accessible et diffusée dans le monde entier grâce à internet et aux sites de la juridiction. Ce phénomène, appelé aussi « influence croisée des jurisprudences », prend naissance avec l'expansion de la science comparative et commence à se manifester dans la jurisprudence de la Haute juridiction judiciaire. Encore en voie de développement, le dialogue des juges n'est pas sans produire certaines conséquences quant à la place de la Cour de cassation sur la scène nationale, mais aussi sur la scène internationale. Par ailleurs, il devrait se révéler prochainement comme un nouvel instrument au service des magistrats.