Présentation
Les lois de bioéthique ont un objet bien plus large que le seul champ des sciences biomédicales et elles ont eu, dès 1994, une influence indéniable en droit de la famille. D'un côté, la loi n° 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l'utilisation des éléments et produits du corps humain, à l'assistance médicale à la procréation (AMP) et au diagnostic prénatal a encadré au niveau législatif, pour la première fois, l'activité des services de médecine de la reproduction : les pratiques cliniques et biologiques relevant de l'AMP y sont définies ainsi que les conditions d'accès à ces dernières et les modalités spécifiques d'organisation du don de gamètes. De l'autre, la loi n°94-653 du 29 juillet 1994 relative au respect du corps humain a modifié le code civil en y inscrivant, d'une part, les principes structurels en matière de respect du corps humain –parmi lesquels se trouvent la nullité des contrats de gestation pour autrui (GPA)– et en organisant, d'autre part, « la filiation en cas de procréation médicalement assistée » –avec tiers donneur. Ces dispositions particulières se retrouvent dès lors dans les manuels de droit de la famille sous la forme d'une distinction –presque statutaire– entre trois types de filiation : par procréation naturelle, par procréation artificielle ou adoptive. A l'occasion des révisions successives des lois de bioéthique, seul un texte de loi a été adopté mettant fin à cette séparation entre les dispositions relevant du code de la santé publique d'un côté et celles modifiant le code civil de l'autre.
La loi n°2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique a ainsi pêle-mêle ouvert l'AMP avec tiers donneur aux couples de femmes et aux femmes seules non mariées, créé une nouvelle modalité d'établissement de la filiation et organisé la levée de l'anonymat du donneur de gamètes. En parallèle de ces évolutions législatives récentes, les juridictions nationales et européennes ont eu l'occasion de se prononcer sur des situations individuelles : quid des conséquences en termes de filiation –mais aussi de droits sociaux– de l'interdiction d'ordre public de la gestation pour autrui ? quid de la filiation des couples de femmes qui n'ont pas attendu la loi du 2 août 2021 pour avoir des enfants parfois par AMP à l'étranger mais également, pour certaines, par insémination artisanale ? A ces questions pratiques s'ajoutent des interrogations plus générales : avec la « PMA pour toutes », la dernière révision de la loi de bioéthique a-t-elle consacré un véritable pluralisme familial ou simplement, étendu le modèle de la famille à de nouvelles configurations sans pour autant épuiser le champ des possibles ?
Dans une perspective ouverte sur la pratique du droit, il s'agit de dresser un bilan des transformations du droit de la famille depuis l'adoption des lois de bioéthique il y a 30 ans et d'analyser le rôle qu'elles ont joué et jouent dans l'émergence d'une démultiplication des manières de « faire famille ».
Programme
9h00 : Café d'accueil
9h30 : Ouverture du colloque
La bioéthique et le droit de la famille : un droit des familles ?
Table ronde 1 - Des techniques reproductives en devenir ?
Sous la présidence de Laurence Brunet, Chercheuse associée à l'Université Paris 1
9h40 : La gestation pour autrui
Ana Zelcevic-Duhamel, Maîtresse de conférences HDR en droit privé à l'Université Paris Cité
10h00 : La procréation post mortem
Catherine Clavin, Avocate au Barreau de Marseille
10h20 : La réception des ovocytes de la ou du partenaire (ROPA) comme illustration de l'absence de droit à utiliser ses propres gamètes
Amélie Dionisi-Peyrusse, Professeure en droit privé à l'Université de Rouen
10h40 : Discussion
11h00 : Pause
Table ronde 2 - La filiation après AMP et GPA : une filiation à part ?
Sous la présidence de Marc Pichard, Professeur en droit privé à l'Université Paris Ouest-Nanterre
11h20 : Pour les couples de femmes avant la loi du 2 août 2021 : des dispositifs de rattrapage ratés ?
Laurence Brunet, Chercheuse associée à l'Université Paris 1
11h40 : La reconnaissance conjointe anticipée : mal fait, à défaire
Maïté Saulier, Maîtresse de conférences en droit privé à CY Cergy Paris Université
12h00 : Après une GPA à l'étranger : transcription, exequatur et incertitudes
Clélia Richard, Avocate au Barreau de Paris
12h20 : Discussion
12h40 : Pause déjeuner
Table ronde 3 - Une remise en cause du modèle procréatif ?
Sous la présidence de Amélie Dionisi-Peyrusse, Professeure en droit privé à l'Université de Rouen
14h30 : L'exigence d'un lien conjugal entre les parents : faire famille en dehors du couple ?
Marie Mesnil, Maîtresse de conférences en droit privé à l'Université Paris-Saclay
14h50 : Faire un enfant toute seule ? Révolution à bas bruit, révolutions à venir
Lisa Carayon, Maîtresse de conférences à l'Université Sorbonne-Paris Nord
15h10 : Sexe et projet parental : le corps ou l'état ?
Marc Pichard, Professeur en droit privé à l'Université Paris Ouest-Nanterre
15h30 : Discussion
15h50 : Pause
Des perspectives d'avenir en débats
16h00 : La dignité, comme boussole éthique ?
Astrid Marais, Professeure en droit privé à l'Université Paris 8
16h20 : Des techniques reproductives aux droits reproductifs ?
Laurie Marguet, Maîtresse de conférences en droit public à l'Université Paris Est-Créteil
16h40 : Propos conclusifs : et dans 30 ans ?
Marie Mesnil, Maîtresse de conférences en droit privé à l'Université Paris-Saclay
17h10 : Cocktail de clôture
Sur inscription : yasmina.belahcen@universite-paris-saclay.fr
Accessible en visio sur TEAMS
Pour information, ce colloque peut être validé au titre de la formation continue des avocats
Colloque organisé par l'IDEP, Faculté de droit Jean Monnet, Université Paris-Saclay sous la direction scientifique de Marie Mesnil, Maîtresse de conférences en droit privé à l'Université Paris-Saclay