Présentation
Dans son ouvrage Economie et société, Max Weber distingue trois formes idéales de la domination : traditionnelle, charismatique, légale-rationnelle. Trois types qui n'ont pas vocation à se succéder historiquement mais peuvent, au contraire, coexister et se faire concurrence sans que la domination légale-rationnelle, comme le songeraient indûment les tenants de la fin de l'histoire, ne puisse définitivement s'imposer. L'Empire romain, qui fut l'illustration d'une certaine domination légale-rationnelle, sombra dans le chaos pour laisser place, durant des siècles, à un mode de domination féodale et monarchique ressortissant de la tradition et du charisme. La domination légale-rationnelle, qui retrouvera sa vigueur sous les traits du libéralisme politique et de l'Etat de droit, suscite aujourd'hui la réaction des démocraties illibérales. Quelles que soient les contingences de l'histoire et quand bien même celle-ci avance, selon une lecture hégélienne, sous la dictée d'une raison émancipatrice qui aurait vocation à libérer l'homme de la domination, il est bien connu que la liberté, pour s'effectuer, se heurte à des résistances que lui oppose le pouvoir. C'est de cette dialectique entre domination et liberté que se nourrit l'histoire. Une histoire qu'il est impossible de lire et concevoir sans tenir compte, de façon définitive, de cet invariant anthropologique qu'est l'inféodation des gouvernés aux gouvernants.
Adoptant une démarche continuiste, Léon Duguit ne voyait aucune différence de nature entre les sociétés patriarcales, la cité antique, l'ordre féodal et la domination du modèle étatique. Aux yeux du doyen de Bordeaux, la distinction entre ces diverses formes de la domination de l'homme sur ses semblables ne s'apprécierait qu'en termes de degré, l'Etat n'étant que le stade le plus perfectionné de cette constante qu'est la domination de l'homme sur l'homme. Particulièrement sophistiquée, affranchie de toute tutelle impériale ou religieuse, la domination étatique serait devenue le monopole légitime d'organes dont la volonté s'impose unilatéralement à une population sédentarisée dans les limites d'un territoire déterminé. Mais cette centralisation politico-juridique découlerait d'une lente sédimentation historique et ne serait qu'une étape de développement de la domination vouée, comme toute étape, à la finitude.
Comme l'a écrit Bertrand de Jouvenel, la domination étatique avança d'abord à visage découvert au temps où le monarque de droit divin, qui s'avouait un maître dont on connaissait les passions, l'incarna personnellement. On détrôna ce maître pour lui substituer la volonté générale, masque anonyme et sans passion derrière lequel continuèrent d'avancer les gouvernants. Aujourd'hui, à l'heure où l'Etat subit la concurrence des GAFA et autres géants de l'économie mondialisée, voilà que la domination se fragmente sans perdre pour autant sa substance. Notre rencontre aura pour objectif, à partir d'illustrations tirées de notre culture euro-méditerranéenne, de scruter les aléas et les logiques de la domination depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours afin de savoir si son évolution n'entrave toujours pas, conformément à la « prophétie » hégélienne, l'avancée de la liberté.
Programme
30 octobre 2019
Matinée
8h30 : Accueil des participants
9h00 : Ouverture
Thierry Cadenet, Maire de Sainte-Eulalie-de-Cernon
Philippe Augé, Président de l'Université de Montpellier
Jean-Marc Ogier (en visio), Président de l'Université de La Rochelle
Alexandre Viala, Directeur du CERCOP, Montpellier
Jacques Bouineau, Directeur du CEIR, La Rochelle
Approche théorique
Président de séance : Alexandre Viala, Professeur de droit public – Université de Montpellier
9h30 : Le droit, instrument de domination ou de libération ?
Dominique Rousseau, Professeur de droit public – Université Panthéon-Sorbonne
9h50 : Discussion
10h00 : Existe-t-il une "sociologie de la domination" ?
Erik Neveu, Professeur de sciences politiques - IEP de Rennes
10h20 : Discussion
10h30 : Der von den Wählern gekorene Herr derselben, nicht : ihr 'Diener', ist » [Celui qui est choisi par les électeurs est leur maître et non leur serviteur] (Weber, Wirtschaft und Gesellschaft)
Giovanni Lobrano, Professeur de droit romain – Université de Sassari
10h40 : Discussion
10h50 : Pause
Président de séance : Giovanni Lobrano, Professeur de droit romain – Université de Sassari
11h00 : La muraille comme signe de domination politique. Quelques illustrations de fortifications bastionnées
Olivier Debat, Professeur de droit fiscal – Université de Toulouse Capitole
et Eric Debat, Architecte DPLG et chercheur associé à l'IDETCOM - EA 785
11h20 : Discussion
11h30 : Les pièces romaines et républicaines de Shakespeare : quelles leçons pour aujourd'hui ?
François Ost, Professeur de philosophie du droit – Facultés universitaires Saint-Louis de Bruxelles)
11h50 : Discussion
12h00 : Lecture politique du tombeau de François Ier et de Claude de France
Jacques Bouineau, Professeur d'histoire du droit – Université de La Rochelle
12h20 : Discussion
12h30 : Pause déjeuner
Après-midi
Approche historique
Président de séance : Dominique Rousseau, Professeur de droit public – Université Panthéon-Sorbonne
14h30 : Architecture monumentale et société au Proche-Orient ancien : le temple a-t-il précédé la ville ?
Catherine Breniquet, Professeur d'histoire de l'art et archéologie antiques – Université Clermont Auvergne
14h50 : Discussion
15h00 : La domination dans la mythologie hittite
Michel Mazoyer, Professeur de langues anciennes – Université de Paris I Sorbonne
15h20 : Discussion
15h30 : Les dieux souverains et l'Etat : le cas hittite et romain
Raphaël Nicolle, Chargé d'enseignement de hittite – Université de Paris I Sorbonne
15h50 : Discussion
16h00 : Pause
Président de séance : Jacques Bouineau, Professeur d'histoire du droit – Université de La Rochelle
16h30 : Imperium, potestas, auctoritas, dignitas
Charles Guittard, Professeur de langue et de civilisation latines – Université de Paris Nanterre La Défense
16h50 : Discussion
17h00 : Cicéron et le droit public romain : remplacer la brutalité de la domination humaine par la domination modérée de la raison
Laurent Reverso, Professeur d'histoire du droit – Université de Toulon
17h20 : Discussion
17h30 : Pause
17h45 : AG de "Méditerranées"
31 octobre 2019
Matinée
Approche historique
Président de séance : Olivier Debat, Professeur de droit fiscal – Université de Toulouse Capitole
9h00 : Ismaël Kadaré : détours de la littérature face à la dictature
Dominique Hocquellet, Agrégée de lettres classiques
9h20 : Discussion
9h30 : Etancher la soif de Tantale : la domination de Caligula d'après Sénèque (De ira, II, 33)
Nathalie Cros, Professeur de lettres classiques en classes préparatoires – Lycée Descartes de Tours
9h50 : Discussion
10h00 : Le critère du "public" au fondement de l'idée de souveraineté : l'exemple du recours à la violence (XII-XIIIe)
Benoît Alix, Doctorant en histoire du droit – Université de Panthéon-Assas
10h20 : Discussion
10h30 : Pause
Président de séance : Jean-Marie Demaldent, Professeur émérite de sciences politiques – Université de Paris Nanterre La Défense
10h45 : Domination "extérieure" en Afrique du Nord antique
Lahcen Oulhaj, Professeur d'économie – Université Mohamed V de Rabat
11h05 : Discussion
11h15 : La domination à l'époque du califat omeyyade (de la domination charismatique à la domination juridico-politique)
Hassan Abd El-Hamid, Professeur d'histoire et de philosophie du droit – Université Aïn-Shams du Caire
11h35 : Discussion
11h45 : La transmission de la perle, la transmission de la loi et la raison de la domination universelle : quelques observations sur le livre de Kebra Negast
Ivan Biliarsky, Professeur d'histoire du droit – Université de Varna
12h05 : Discussion
12h15 : Pause déjeuner
Après-midi
Approche historique
Président de séance : Paolo Alvazzi Del Frate, Professeur d'histoire du droit – Université Roma III
14h15 : L'empire ottoman et la domination
Jean-Marie Demaldent, Professeur émérite de sciences politiques – Université de Paris Nanterre La Défense
14h35 : Discussion
14h45 : Arguments antiques pour une domination moderne : la Seconde Scolastique face à la nouvelle économie du XVIe siècle
Luisa Brunori, Directrice de recherches au CNRS Lille
15h05 : Discussion
15h15 : Domination et développements de projets politiques européens à l'époque moderne
Benjamin Galeran, Doctorant en histoire du droit – Université de La Rochelle
15h35 : Discussion
15h55 : Pause
Président de séance : Erik Neveu
16h10 : La domination française en Italie à la fin du XVIIIe siècle
Paolo Alvazzi Del Frate, Professeur d'histoire du droit – Université Roma III
16h30 : Discussion
16h40 : Qui domine qui dans le Frankenstein de Shelley : Héphaïstos ou Pandore ?
Philippe Sturmel, Maître de conférences d'histoire du droit – Université de La Rochelle
17h00 : Discussion
17h20 : La domination nazie ou l'éclipse totale du droit romain
Alexandre Viala, Professeur de droit public – Université de Montpellier
17h30 : Discussion
17h40 : Pause
18h00 : Rapport de synthèse
Ahmed Djelida, Enseignant contractuel en histoire du droit – Université de Rouen
Reportage photo
Didier Colus, de l'Académie de Saintonge
Inscription aux 2 journées : 50 euros -Date limite : Mardi 29 Octobre 2019 - Contact – Inscription : Michel ROBERT : colloquesDSPG@univ-lr.fr – Téléphone : 05 46 45 85 47
Organisé par le Centre d'Etudes Internationales sur la Romanité de La Rochelle Université