Présentation
Introduite par le traité de Lisbonne (article 11, paragraphe 4, TUE) dans le but de rapprocher l'Union européenne de ses citoyens et de renforcer la démocratie dans l'Union, la procédure d'initiative citoyenne européenne a connu des débuts mitigés. A ce jour, aucune initiative citoyenne n'a abouti à l'adoption d'un acte législatif européen et, sur la soixantaine d'initiatives recensées, seules quatre ont franchi les conditions requises pour être examinées. Pour trois de ces initiatives, la Commission a adopté une communication précisant les mesures qu'elle envisageait d'entreprendre (Interdire le glyphosate et protéger la population et l'environnement contre les pesticides toxiques ; Stop Vivisection ; L'eau et l'assainissement sont un droit humain ! L'eau est un bien public, pas une marchandise !).
S'il est encore trop tôt pour dresser un bilan de l'initiative citoyenne européenne en raison d'une mise en œuvre progressive conformément au règlement (UE) n° 211/2011 (entré en vigueur le 1er avril 2012) et d'une appropriation nécessairement lente par la société civile, les premiers enseignements de ce dispositif innovant peuvent être tirés en tenant notamment compte d'une proposition de révision de son fonctionnement adoptée par la Commission le 13 septembre 2017 (COM 2017 - 482 final). La ténacité des porteurs d'initiatives rejetées par la Commission explique l'émergence d'un contentieux devant la Cour de justice de l'Union européenne. A cette occasion, le décalage entre la signification politique de ces initiatives et le cadre juridique dans lequel elles sont exercées s'est révélé patent. Un tel décalage est révélateur des limites de la démocratie dans l'Union européenne.
L'objet de la journée d'étude est de tenter de saisir la signification de ce mécanisme. L'initiative n'est-elle qu'un instrument permettant d'associer, ne serait-ce qu'en apparence, la société civile au processus décisionnel ou incarne-t-elle une mutation de la citoyenneté européenne et une accession à une véritable dimension politique ?
Dans un premier temps, il s'agira de revenir sur l'origine même de l'introduction dans le système institutionnel de l'Union d'un mécanisme démocratique, généralement dénommé « initiative populaire », emprunté aux traditions constitutionnelles de certains Etats (fédéraux ou régionaux le plus souvent, notamment l'Italie, la Suisse, l'Allemagne au niveau fédéré, ou encore la Californie) et qui mêle démocratie participative et représentative selon des modalités très variables. Après avoir brossé un panorama du droit constitutionnel comparé en matière d'initiative directe, il conviendra notamment de saisir les enjeux théoriques de ce mode de participation par rapport au concept de démocratie dans le contexte spécifique de l'intégration européenne.
Dans un deuxième temps, le processus d'initiative citoyenne européenne sera observé plus en détail. Tout d'abord, le phénomène d'appropriation du mécanisme d'initiative par les acteurs de la société civile est instructif sous un angle politique et sociologique. Une radioscopie des domaines dans lesquels les initiatives ont été déposées et des regroupements qui en sont l'origine offrira une manière de comprendre comment se structure l'espace public européen avec l'introduction de cette procédure. Des exemples plus particuliers d'initiative citoyenne, en matière de commerce international, de dette publique, de protection environnementale, ou encore d'accès à des droits sociaux pourront être analysés afin de comprendre comment une attente sociale se formule à l'échelle transnationale malgré la diversité des modèles et clivages politiques internes aux Etats. Ensuite, les différentes étapes du processus de participation et d'examen par la Commission des initiatives déposées seront examinées dans la perspective de leur possible réforme à venir.
Dans un troisième temps, les contraintes juridiques qui pèsent sur la procédure d'initiative citoyenne feront l'objet d'une mise en perspective, notamment à l'aune du contentieux naissant qu'elles engendrent. Le principe constitutionnel de répartition des compétences est le plus fréquemment avancé pour s'opposer à des initiatives considérées comme débordant le champ d'action de l'Union, montrant que le reproche qui lui est fréquemment adressé d'étendre son emprise au-delà des compétences attribuées par les traités mérite d'être reconsidéré sous l'angle des attentes démocratiques des citoyens. Après celle des compétences, la question de l'équilibre institutionnel et du rôle du Commission ou du Parlement pourrait ouvrir des pistes de réflexion plus prospectives sur la manière de surmonter les contraintes juridiques.
Programme
Matinée
Sous la présidence de Jean Paul Jacqué, Université de Strasbourg
9h15 : Accueil
9h30 : Propos introductifs
Edouard Dubout, Francesco Martucci, et Fabrice Picod, Université Panthéon-Assas
I.- Fondements et enjeux de l'initiative citoyenne européenne
10h00 : L'initiative citoyenne européenne à la lumière du droit constitutionnel comparé
Hugues Dumont et Marthe Fatin-Rouge Stefanini, Université Saint Louis et Université d'Aix-Marseille
10h20 : L'initiative citoyenne européenne, entre démocratie représentative et démocratie participative
Dominique Ritleng, Université de Strasbourg
10h40 : Discussion
11h00 : Pause
11h20 : Initiative citoyenne et statut de citoyen européen
Anastasia Iliopoulou-Penot, Université Paris-Est Créteil
11h40 : ECI and european political citizenship / Initiative citoyenne et citoyenneté politique européenne
Maximilan Conrad, University of Iceland
12h00 : Discussion
12h20 : Déjeuner
Après-midi
Sous la présidence de Sylvie Strudel, Université Panthéon-Assas
II.- L'initiative citoyenne européenne dans le processus décisionnel de l'Union
14h00 : Initiative citoyenne et équilibre institutionnel
Laetitia Guilloud, Université de Grenoble
14h20 : The role of lobbies in ECI / Le rôle des lobbys dans l'initiative citoyenne européenne
Luis Bouza Garcia, Universidad Autónoma de Madrid
14h40 : Le Parlement européen et l'ICE
Joëlle Pamart, Parlement européen
15h00 : Discussion
15h20 : Pause
III.- Conditions de mise en œuvre de l'initiative citoyenne européenne
15h40 : Initiative citoyenne et limites des compétences de l'Union européenne
Valérie Michel, Université d'Aix-Marseille
16h00 : Améliorer l'efficacité de l'ICE
Marie Dufrasne, Université de Saint-Louis
16h20 : Le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne sur les conditions de mise en œuvre de l'initiative citoyenne
Freya Clausen, Cour de justice de l'Union européenne
16h40 : Discussion
17h00 : Clôture
Renseignements et inscriptions : Bernadette Lafon - Tél. : 01 44 39 86 32 – Courriel : bernadette.lafon@u-paris2.fr
Organisé pour le Centre de droit européen, Université Paris II Panthéon-Assas par messieurs Edouard Dubout, Francesco Martucci et Fabrice Picod