Présentation
Parmi les phénomènes majeurs engendrés par le développement d’internet, figure l’essor des plateformes de rencontre, c’est-à-dire des sites de rencontre en ligne.
Ils ont révolutionné et continuent de métamorphoser la façon dont bien des couples ou des relations se nouent, rendant quelque peu obsolètes – mais sans les supprimer – d’autres procédés de médiation, telles que petites annonces et agences de rencontre… Plus ou moins culturel selon les sociétés d’un point de vue historico-géographique, le recours à une médiation organisée dans la formation des couples est devenu un phénomène social global qui prend appui sur la volonté des personnes intéressées. De fait, ces plateformes opérant une médiation simple d’accès et rapide par voie dématérialisée, elles conduisent à une déterritorialisation de l’offre en matière matrimoniale ou même simplement amicale. Ainsi, ce que certains appellent la révolution numérique a conduit à rendre possibles des choix relationnels - amoureux ou simplement amicaux – planétaires.
Dans le prolongement direct, cet essor des plateformes de rencontre se déploie en direction d’autres horizons. Ainsi, il est un phénomène économique tant d’un point de vue macro-économique que micro-économique, étant appréhendé par les acteurs économiques comme une source possible de profit, sur la base d’une dynamique de communication adaptée à la cible, qu’il s’agisse de chercheurs d’âme sœur, d’adeptes de rencontres éphémères…
De là aussi, des dérives en résultent (telle la prostitution via les sites internet de rencontres) qui sont appréhendées par le droit. Plus généralement, le juriste est confronté aux multiples facettes liées au régime juridique des plateformes de rencontre, telles que les aspects contractuels du système des plateformes, la protection du consommateur, la gestion des données, et derrière lesquelles il est permis de poser des noms évocateurs : consentement, liberté… A travers eux, il se distingue qu’il n’est pas permis véritablement de s’intéresser au thème des plateformes de rencontre sans mettre en évidence cette idée que l’enjeu essentiel lié à cette dématérialisation croissante de la mise en relation avec autrui est le respect de l’humain.
Ceci conduit mettre en évidence la tendance constatée à la « gamification » de la relation qui s’opère via les sites de rencontre en ligne (c’est-à-dire son inscription possible dans un environnement inspiré des mécanismes des jeux vidéo, tels que la compétition, les récompenses…), de façon à rendre stimulant et addictif cet environnement virtuel de rencontre. Spécialement, le jeu de séduction qui en découle n’est pas toujours sans dangers du point de vue cognitif (phénomènes de manipulation, de « ghosting » c’est-à-dire d’interruption brutale de la relation…). Parallèlement, cet environnement peut être le relais de discours racistes qui fleurissent sur les réseaux sociaux. Or par ailleurs, ce jeu, notamment de séduction, jusque-là humain, s’artificialise avec notamment le recours à l’intelligence artificielle. La rencontre peut-être aussi faite avec un être virtuel - synthétique, artificiel – peu important en définitive le nom qu’on lui donne. Une telle relation qui n’a donc certes rien de réel, ni même d’intelligent au sens humain d’une faculté de comprendre, de concevoir, de connaître, de ressentir…, mais tout en pouvant avoir des répercussions cognitives majeures.
D’un point de vue actuel et prospectif, comment alors ne pas discerner qu’il s’agit d’un élément clé du sujet, dont les aspects juridiques ne sont encore qu’effleurés ? Le juriste est ainsi conduit à devoir appréhender les champs possibles de la Vie Artificielle, ce domaine de recherche qui tente de concevoir et produire des systèmes qui exhibent des propriétés du vivant, dont l’évolution, le développement, l’adaptation, l’auto-organisation, l’apprentissage (qui fait l’objet de l’IA d’aujourd’hui), et la reproduction ou réplication. Ces systèmes font et feront de plus en plus partie de notre environnement intime en tant que compagnons cognitifs façonnant nos représentations du monde ou compagnons robotiques, amplifiant nos capacités physiques. L’introduction des grands mécanismes biologiques qui sous-tendent ces systèmes bio-inspirés et illustrés par des travaux de recherche internationaux, permet de mieux appréhender cette question des rencontres synthétiques…
Programme
9h00 : Les plateformes de rencontre : propos introductif
Olivier Debat, Professeur de droit privé
Les plateformes de rencontre envisagées à travers leurs aspects économiques, de communication et juridiques
Emma Cottone, Manon Hinsinger, Chloé Beulez, Coralie Lemaire, Julien Germain et Mathilde Cantele, étudiants M2 Droit privé fondamental
Pause déjeuner
Les plateformes de rencontre mises en lien avec les aspects cognitifs et sociologiques de l’être humain : les ressorts de la "gamification"
Sylvie Laval, maître de conférences en Sciences de l'information et de la communication
Les discours racistes
Mario Laurent, Docteur en sciences du langage
L’apport des recherches en Vie Artificielle
Yves Duthen, Professeur émérite d’informatique
Les débats avec le public seront animés par le professeur Jacques Mestre, Professeur émérite de droit privé
Avec la participation de :
Catherine Ginestet, Professeur de droit privé, Directrice de l’IDP
Jérôme Julien, Professeur de droit privé, Directeur du M2 Droit privé fondamental
Cécile le Gallou, Professeur de droit privé
Christophe Paulin, Professeur de droit privé
Sarah Torricelli Chrifi, Maître de conférences en droit privé
Catherine Grynfogel, Maître de conférences en droit privé
et Jean Devèze, Professeur émérite
16h00 : Clôture
Entrée libre
Journée d'étude co-organisée par l'IDETCOM et l'IDP, Ecole de droit, Université Toulouse Capitole sous la direction scientifique du professeur Olivier Debat