L’agriculture et l’alimentation dépendent, en grande partie, des rapports entre le droit et le végétal. Cette interdépendance, source d’enjeux vitaux actuels et futurs, est, notamment, cristallisée par la réservation des innovations variétales. Les semences, contenant les variétés végétales, sont les premiers maillons de la chaîne alimentaire, nécessaires à la production d’aliments. Or, l’immixtion de la propriété industrielle a conditionné l’amélioration variétale et l’utilisation des semences justifiant une étude en droit privé en associant plusieurs matières telles que le droit des biens, le droit des contrats spéciaux, le droit des obligations, le droit rural et les propriétés intellectuelles. Présenter l’existant, déterminer les interactions juridiques et envisager des évolutions afin de sauvegarder les intérêts des innovateurs et de la société participent à la protection de l’innovation et à la sécurité alimentaire. Ainsi, l’étude, décomposée en deux temps, se focalise, tout d’abord, sur la réservation exclusive des innovations variétales et ses conséquences puis sur des alternatives possibles. Un régime original de réservation, dédié à la protection de nouvelles variétés végétales, indépendant du droit des brevets d’invention, est apparu au début des années 1960 au plan international, puis a également été intégré aux niveaux européens et français. L’adoption de la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales le 2 décembre 1961, ratifiée en 1968, puis révisée en 1972, en 1978 et 1991, a consacré, via l’octroi d’un titre de propriété industrielle (certificat d’obtention végétale), de nouveaux droits exclusifstemporaires sur un type d’innovation variétale. Toutefois, seules les nouvelles variétés végétales distinctes, homogènes et stables peuvent faire l’objet d’un certificat d’obtention végétale. Le standard, imposé dans ce régime par l’ensemble des critèrescumulatifs, exclut, de facto, d’autres innovations variétales, prouvant une non-automaticité de la protection. Les droits exclusifs du réservataire sur l’obtention végétale ne sont pas absolus, ni illimités. De nombreuses exceptions attestent d’un exclusivisme relatif, témoignant d’un régime de réservation nuancé. L’autonomie de la réservation exclusive des innovations variétales standardisées, par rapport au droit des brevets d’invention protégeant les inventions biotechnologiques végétales, en fort développement, renforce la singularité du régime et conforte la nécessité de le sécuriser. Néanmoins, malgré les dérogations aux droits exclusifs de l’obtenteur, l’utilisation des innovations variétales, faisant l’objet d’un certificat d’obtention végétale, conditionne les pratiques agricoles ancrées dans le droit rural. Les semences, contenant les variétés végétales, sont nécessaires à la production agricole. Une mauvaise utilisation ou une utilisation sans autorisation du titulaire du certificat d’obtention végétale, hormis dans le cas des semences de ferme, peut justifier la qualification de ces agissements en actes de contrefaçon. Ainsi, le champ d’application spécifique et les réalités pratiques n’altèrent pas la dichotomie entre le bienintellectuel et son enveloppe corporelle. Des alternatives, proposées à partir de ce régime original de réservation et en parallèle de celui-ci, doivent émerger pour assurer une meilleure sécurité alimentaire. La réservation de l’innovation variétale par lapromotion d’un modèle inclusif, reposant à la fois sur le droit des contrats et sur la protection de biens communs privés, est une voie pour faire évoluer l’existant au niveau interne. De plus, la reconnaissance des innovations variétales alternatives, jusqu’alors exclues, en leur dédiant un régime autonome inséré dans le Code rural, permettrait un nouvel équilibre.