Les formes de la criminalité varient selon la personnalité des auteurs d’infractions mais aussi en fonction de l’évolution des technologies. A ce titre, le développement très rapide de l’internet constitue un facteur susceptible de bouleverser les règles ordinaires du droit et de la procédure pénale en raison des problèmes particuliers que crée cet outil qui peut aisément devenir un moyen de commettre de multiples infractions pénales. En outre, l’internet présente des formes plus variées qu’il n’y paraît au premier abord car, au-delà de sa partie visible aisément accessible, les spécialistes ont mis en lumière l’existence de ce qu’ils appellent le « Deep web » ou « Web profond ».Ce « Deep web » est une partie du web en ligne non référencée par les moteurs de recherche habituels tels que Google ou Yahoo par exemple. Et selon Chris Sherman et Gary Price, dans leur livre The Invisible Web, seuls 3 à 10 % des pages seraient indexés sur internet. Le reste, non accessible pour les internautes ordinaires, constitue le web invisible et il existerait ainsi plus d’un milliard de données « cachées ». Les raisons pour lesquelles certains sites ne sont pas référencés sont diverses. Dans certains cas, les documents sont trop volumineux ou les bases de données sont trop complexes pour que leur contenu soit indexé, mais dans d’autres cas, des individus décident de ne pas référencer leur site afin de « privatiser » l’information puisque seuls ceux connaissant la dénomination du site pourront y accéder. Il s’agit donc de ce qui pourrait être appelé « partie immergée » d’Internet. Mais au delà du web profond, des outils de reconnaissance indétectables par les moteurs de recherches habituels sont apparus, ce sont les darknets. Ils permettent de décrypter les pages invisibles et garantissent un anonymat quasi absolu et surtout un accès au Darkweb, aussi appelé Web sombre. C’est ainsi que ce dernier a hébergé divers types de marchés noirs, de la drogue aux armes en passant par le trafic d’êtres humains. Le Hidden Wiki, sorte de Wikipédia illégal, se charge de référencer ces portes d’entrées sur cette partie d’Internet. De nombreux sites, commerciaux ou non, sont alors créés. A titre d’exemple, le site « Shroomtastic » permet d’apprendre à faire pousser des champignons hallucinogènes, activité illicite. Le site Silkroad, quant à lui, constitue un marché clandestin permettant d’acheter toutes sortes de drogues et il existe d’autres sites permettant de blanchir de l’argent, offrant les services de tueurs à gage, ou permettant d’obtenir de fausses cartes d’identité… En pratique, il est possible d’obtenir nombre de produits ou marchandises illégaux et, pour la livraison, cette couche d’internet possède même sa propre monnaie, le bitcoin. Il suffit alors au client de se mettre en relation avec le vendeur pour lui envoyer l’adresse de livraison de manière cryptée et anonyme grâce à une méthode de communication décentralisée.Sur le plan juridique, le thème présente de multiples intérêts et pose de nombreuses questions, la principale étant de savoir dans quelle mesure la répression peut-elle avoir lieu et comment peut s’organiser la lutte contre cette forme de cybercriminalité. Le sujet conduit notamment à se demander comment la loi pénale doit s’appliquer dans l’espace, de quelle manière le droit international peut appréhender efficacement le phénomène, comment coordonner la répression entre les différents États et quelles règles de procédure appliquer, la question se posant encore de savoir si des infractions spéciales devraient être créées ou si, au contraire, les incriminations de droit commun sont suffisantes pour permettre une répression efficace. Le sujet touche donc de nombreux thèmes essentiels du droit pénal général, du droit pénal spécial, de la procédure pénale, du droit pénal international ou même de la criminologie.