Les relations entre le Conseil constitutionnel et le juge judiciaire peuvent sembler a priori distendues. Pourtant, les liens entre Constitution et tribunaux de l'ordre judiciaire sont historiquement étroits et antérieurs à la création du Conseil constitutionnel. Au cours de la période 1789-1958, ces derniers ont, en effet, à divers reprises contrôlé la constitutionnalité d'actes administratifs, de décisions des juridictions du fond ou encore de textes législatifs. Ces contrôles de conformité à la Constitution ont été opérés parfois en dépit de l'attribution de ces contentieux à d'autres institutions. Ainsi, pour illustration, les tribunaux de l'ordre judiciaire ont procédé à des contrôles de constitutionnalité malgré l'attribution de ces compétences au Sénat en 1799 et 1852. Sous la V' République, l'institution du Conseil constitutionnel, juridiction chargée de la protection de la Constitution n'empêche pas le juge judiciaire de procéder de manière indirecte à des contrôles de constitutionnalité. Si ces constats peuvent a priori sembler choquants, leur justification réside dans la proximité du juge judiciaire avec la société. En effet, la gestion de contentieux subjectifs exige dans certains cas que les tribunaux de l'ordre judiciaire examinent la constitutionnalité.Au cours de notre étude consacrée au dialogue et aux interactions existants entre le Conseil constitutionnel et le juge judiciaire, nous avons noté le caractère acceptable de la réception de la jurisprudence des Sages de la rue de Montpensier par les juridictions de l'ordre judiciaire. S'il est vrai que certains constitutionnalistes pourraient souhaiter l'amélioration de cette réception, celle-ci n'apparaît pas en l'état possible. Car, le juge judiciaire et le Conseil constitutionnel ne bénéficient pas des mêmes cultures et techniques juridiques. Seule une modification du statuquo permettrait d'améliorer cette réception. A ce sujet, en l'absence d'un revirement de la jurisprudence IVG I, l'institution d'un véritable contrôle de constitutionnalité des décisions juridictions ordinaires apparaît comme une solution. Au regard de ces éléments l'on ne peut dénier l'imprégnation constitutionnelle de la jurisprudence judiciaire bien que celle-ci soit encore perfectible. Concernant la judiciarisation du Conseil constitutionnel, deux facteurs principaux semblent être à l'origine de ce mouvement. Il s'agit en premier lieu, de la part croissante du droit international en droit interne et, en second lieu, de la faculté des justiciables de contester la constitutionnalité d'un texte législatif devant la juridiction de l'aile Montpensier du Palais royal depuis l'entrée en vigueur de la question prioritaire de constitutionnalité, le 1er mai 2010. Au cours de nos analyse, nous avons à ce titre constaté des éléments de judiciarisation s'agissant notamment de la publicité et de la dématérialisation des procédures. Ce mouvement consistant pour le Conseil constitutionnel à s'inspirer de la pratique suivie devant les juridictions de l'ordre judiciaire peut sembler, à bien des égards, lacunaire aux familiers du juge judiciaire. Car, premièrement, les Sages de l'aile Montpensier du Palais se refusent à personnaliser la rédaction de leurs décisions en matière de question prioritaire de constitutionnalité. Deuxièmement, l'opacité des procédures relatives au contrôle de constitutionnalité des lois préventif et curatif et le statut des membres du Conseil constitutionnel ne contribuent pas à générer la confiance en la juridiction de la rue Montpensier. L'intervention du pouvoir constituant dérivé, du législateur organique et la modification de la pratique suivie devant le Conseil constitutionnel apparaissent souhaitables afin de parfaire la judiciarisation du juge de la rue Montpensier.