Le véritable enseignement de la présente étude réside en ce que, comme déjà évoqué, le poids de l’appareil judiciaire finit par acquérir plus de consistance que le crime lui-même. A « l’aventure criminelle », c’est-à-dire celle, tragique, des faits à réprimer, se substitue « l’aventure judiciaire », celle de la marche de la justice en vue de parvenir au jugement des faits. Qu’il s’agisse du procès pénal français ou anglo-saxon, l’étude démontre que les règles applicables sont d’une telle complexité qu’elles génèrent une logique judiciaire spécifique et presque détachée des faits à traiter. Les praticiens sont souvent surpris du contraste entre les faits à juger, dont les mobiles et les circonstances sont toujours simples, et la solution judiciaire plus et/ou trop élaborée.L’étude démontre encore le caractère immuable et presque immobile de la justice pénale. Qu’il s’agisse de la France ou des pays anglo-saxons, les fondamentaux des deux systèmes judiciaires en concurrence –procédure inquisitoire ou procédure accusatoire- sont les mêmes depuis le Moyen Âge. Certes, des réformes interviennent, le poids du contradictoire s’accroit, les procédures de recours sont organisées, etc. Mais il s’agit toujours en France de faire faire une enquête approfondie avant procès par un organe d’état et, dans les pays anglo-saxons, de voir s’affronter deux thèses avec un avantage pratique à l’accusation.C’est que, comme le démontre aussi l’étude, la philosophie sociale de chacun des deux mondes français et anglo-saxon est différente sur le statut du suspect : objet d’une recherche de la vérité en France et presque coupable chez les Anglo-Saxons.Cette philosophie sociale en recoupe une autre : la philosophie politique. En France, l’individu est assisté car l’Etat est plus grand que lui ; dans les pays anglo-saxons, l’individu est un homme libre et seul responsable de son destin. Dès lors, en France, l’Etat veut forger sa propre opinion sur des faits délictueux ; dans les pays anglo-saxons, l’affrontement des individus (parquetiers et défenseurs) prime le reste. De plus, dans ces pays, la liberté et l’indépendance reconnues à l’individu le rendent davantage responsable de ses faits et gestes, d’où l’importance démesurée accordée à l’aveu. Pour autant, cette philosophie politique d’un citoyen libre et fort est un extraordinaire levier pour l’Histoire de la Liberté et celle aussi de l’Expansion économique. Sans elle, les pays européens du continent n’auraient sans doute pas pu se soustraire à la botte de conquérants. Sans elle, les Etats-Unis ne seraient pas une locomotive du développement.Il ne faudrait pas croire non plus que le monde anglo-saxon n’a fait que peu d’apports positifs au procès pénal. C’est à la loi britannique sur l’Habeas corpus de 1679 que l’on doit l’idée d’un délai raisonnable pour être jugé et, à défaut, le droit à être remis en liberté. C’est encore aux Britanniques que l’on doit l’idée de droits de la défense recensés en tant que tels, d’abord dans certains articles de la Magna Carta de 1212 puis dans le Bill of Rights de 1689. C’est aux Américains que l’on doit l’idée de sacraliser les droits de la défense en leur donnant un contenu constitutionnel par les amendements à la Constitution de 1787, ajoutés à partir de 1789, une idée qui sera reprise bien plus tard dans la Convention Européenne des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales.L’étude montre donc que les pays anglo-saxons réputés pragmatiques ont plutôt fait des contributions de principe, sans mesurer que les applications pratiques qu’ils en tirent dénaturent le procès pénal. L’étude montre aussi que la France, réputée pour ses approches dogmatiques et rationnelles mais d’une raison déconnectée des réalités, a une vision bien plus juste du procès pénal.L’étude a enfin montré que, dans le domaine de la justice pénale, les mondes français et anglo-saxons s’ignorent