Date limite le jeudi 10 juil. 2025
L’atténuation des changements climatiques représente un enjeu central des politiques publiques à l’échelle internationale, européenne, nationale et locale. Fondée sur des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’accélération de la transition énergétique, cette politique est articulée autour d’objectifs chiffrés assignés aux États, mais aussi, pour certains objectifs, à l’Union européenne ou encore aux régions. Or, la force contraignante de ces objectifs, en particulier celle des objectifs assignés à l’État, est de plus en plus souvent questionnée.
L’essor des procès climatiques a pu permettre de donner à croire que ces objectifs emportaient de véritables engagements contraignants. L’affaire « Commune de Grande- Synthe » a été emblématique de cette évolution. Lorsque, dans l’arrêt « Grande-Synthe I », le Conseil d’État a interprété l’article L. 100-4, 1°, du Code de l’énergie à la lumière de l’Accord de Paris pour en déduire l’existence d’une obligation contraignante s’imposant à l’État, il a semblé satisfaire aux demandes de la requérante de « rendre obligatoire la priorité climatique » (Conseil d’État, 19 novembre 2021, n° 427301, « Grande-Synthe I »), ce qui lui a ensuite permis d’opérer un contrôle du respect de la trajectoire suivie par l’État pour atteindre ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de le condamner à prendre des mesures supplémentaires à cette fin (Conseil d’État, 1er juillet 2021, n° 427301, « Grande- Synthe II »). On pouvait alors penser que les engagements climatiques des États revêtaient la même force contraignante que les objectifs de réduction de la pollution de l’air, autrement dit bénéficiaient du statut d’obligation de résultat (CJUE, 19 novembre 2014, Aff. C-404/13, Client Earth ; Conseil d’État 12 juillet 2017, n° 411578, Amis de la Terre).
Toutefois, des arrêts plus récents donnent à penser le contraire. Ainsi, l’arrêt « Éolise » (Conseil d’État, 6 novembre 2024, n° 471039, Société Éolise) relatif aux objectifs de développement des énergies renouvelables a pu susciter la déception, le Conseil d’État ayant assez largement dénié la valeur contraignante de ces derniers, alors même que la France a connu un retard important dans l’atteinte des objectifs qui lui étaient assignés pour 2020. Il en résulte une distinction entre des objectifs chiffrés qui revêtent un caractère contraignant, et d’autres qui en sont dépourvus, limitant ainsi leur effectivité juridique, et ce, sans que les critères de distinction apparaissent très clairement.
La jurisprudence relative à des projets potentiellement climaticides au cours desquels les impacts environnementaux ne sont pris en compte que de manière contingente, avec des résultats ambivalents, semble également s’inscrire dans cette indétermination des engagements climatiques nationaux (comparer, par exemple, d’un côté, Conseil d’État, 12 juillet 2024, n° 466271, confirmant l’utilité publique du contournement routier Est de Rouen malgré l’augmentation nette des émissions de CO2 et de divers polluants en résultant ou Conseil d'État, 10 février 2022, n° 455465, autorisant la construction de la centrale au fioul du Larivot en Guyane sur le fondement de l’indépendance des législations, et, d’un autre côté, Conseil d’État, 24 juillet 2024, n° 471780 justifiant le refus de délivrance d'un permis de recherche d'hydrocarbure par « l'objectif d'intérêt général de limitation du réchauffement climatique par la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de la consommation des énergies fossiles »).
Le colloque qui se tiendra le 30 janvier 2026 à Marseille a dès lors pour ambition d’étudier la valeur des objectifs en matière climatique et énergétique à la lumière des textes adoptés et de leur interprétation jurisprudentielle. Si la jurisprudence récente invite tout particulièrement à s’interroger sur le caractère contraignant des objectifs climatiques et énergétiques, c’est aussi, plus généralement, la question de leur normativité et de leur effectivité qui mérite d’être abordée. Le colloque sera ainsi l’occasion, au-delà de la question du caractère juridiquement contraignant, de réinterroger les différentes échelles de normativité à l’œuvre en matière environnementale, ainsi que les différents effets de droit susceptibles de découler des objectifs climatiques et énergétiques (qu’il s’agisse d’objectifs chiffrés ou non). Le sujet sera abordé sous l’angle du droit français, international, européen et comparé.
Pourront notamment être proposées des communications portant sur :
- les objectifs chiffrés, les outils de mesure et la valeur des trajectoires climatiques ou énergétiques comme outils des politiques publiques, étant précisé que les propositions pourront porter sur un ou plusieurs des objectifs climatiques et énergétiques, qu’il s’agisse de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de développement des énergies renouvelables, d’amélioration de l’efficacité énergétique, de réduction de la consommation d’énergie et notamment d’énergies fossiles, etc., qu’il s’agisse d’objectifs posés à l’échelle nationale, locale, européenne ou internationale ;
- la valeur et la portée des objectifs climatiques en droit international ;
- la valeur et la portée des objectifs climatiques et énergétiques en droit de l’Union européenne, qu’il s’agisse des objectifs assignés aux États membres ou à l’Union elle-même, et, dans les deux cas, les sanctions potentielles en cas de non-atteinte des objectifs ;
- la pertinence, pour atteindre les objectifs prévus, de la répartition des rôles et du processus itératif mis en place par le règlement (UE) n° 2018/1999 sur la gouvernance de l'union de l'énergie et de l'action pour le climat ;
- la clarification des critères permettant au juge de déterminer si les objectifs chiffrés sont contraignants ou non ;
- des éléments de droit comparé sur la valeur juridique reconnue par les juges aux objectifs climatiques et énergétiques et aux trajectoires de réduction des émissions, voire d’adaptation ;
- le potentiel d’évolution des normes permettant d’assurer une effectivité réelle des objectifs climatiques et énergétiques ;
- le niveau de contrainte des objectifs européens sur les politiques énergétiques et climatiques des États, dans un contexte grandissant de refus des « surtranspositions » et de « pause réglementaire en matière environnementale » ;
- l’articulation entre, d’une part, les objectifs internationaux, européens et nationaux et, d’autre part, les documents de planification régionaux et locaux ;
- plus généralement, le rôle que peut ou doit encore avoir la planification écologique, que ce soit à l’échelle nationale ou locale ;
- le point de vue des parties prenantes (opérateurs, collectivités, associations et ONG, ) sur la portée des objectifs climatiques et énergétiques ;
- la force contraignante des objectifs que se fixent ces parties prenantes, le cas échéant (notamment ceux que s’assignent certaines entreprises) ;
- à titre comparatif, la valeur des objectifs et trajectoires qui sont portés dans d’autres domaines du droit de l’environnement, notamment en matière de biodiversité ou d’artificialisation des sols ;
- les éventuels conflits d’objectifs (par exemple, l’objectif de développement des énergies renouvelables face aux objectifs en matière de conservation de la biodiversité ou d’artificialisation des sols) ;
- la portée non juridique (politique notamment) d’un affaiblissement des engagements, en ce qu’il peut entraîner une défiance grandissante quant à la cohérence entre parole publique et action.
Informations pratiques
Les propositions de communications seront sélectionnées par le comité d’organisation. Les actes du colloque donneront lieu à publication.
Le colloque donnera lieu à un nombre de communications orales limité, mais des propositions écrites supplémentaires pourront être acceptées pour la publication finale.
Les propositions de communication (d’une page maximum) sont à adresser aux membres du comité d’organisation au plus tard le 10 juillet 2025 :
Comité d’organisation
- Patricia Benezech-Sarron, Maître de conférences à Aix-Marseille Université, LIEU
- Marie-Laure Lambert, Maître de conférences à Aix-Marseille Université, LIEU
- Marie Lamoureux, Professeur à Aix-Marseille Université, UMR DICE, CERIC
- Ève Truilhé, Directrice de recherche CNRS, directrice de l’UMR DICE, CERIC
Colloque organisé par le Laboratoire interdisciplinaire environnement urbanisme – LIEU UR 889 et le Centre d'Études et de Recherches Internationales et Communautaires – CERIC, UMR DICE), Aix-Marseille Université.