Présentation
La libre expression d'une opinion est consacrée à la fois comme un droit individuel fondamental et comme un moyen indispensable à l'authenticité de la démocratie. L'accord sur un socle de convictions communes relatives aux données sociales et scientifiques est par ailleurs indispensable à la prise de décision collective. La « vie ensemble » dans une société démocratique suppose ainsi à la fois la reconnaissance de vérités non contestées (car jugées non contestables) et d'opinions divergentes (car tout est discutable ou susceptible d'être réfuté). Dès lors, le droit et son application peuvent-ils soutenir l'opinion utile à la vie et à l'action démocratiques sans nuire à la vérité utile à la cohésion de la collectivité et à la prise de décision politique ? Selon Hannah Arendt, en effet, non seulement « les faits informent les opinions » mais les opinions, devraient, en démocratie, « respecter la vérité factuelle ».
« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi » énonce le révolutionnaire dans la Déclaration de 1789. Cependant, cette opinion est personnelle, bien qu'elle puisse être partagée ; elle est un avis, une conviction, une croyance, elle n'est pas vraie en tant que telle même si elle peut traduire une vérité qui, elle, est a priori scientifiquement établie à partir d'une entreprise de connaissance rationnelle. La science dispose d'un système de véridiction, les opinions non.
Si les opinions ne peuvent être validées et, parce qu'inaccessibles, ne peuvent être réglementées, en revanche, l'expression d'une opinion peut être limitée notamment lorsqu'elle a une conséquence négative sur la cohésion sociale (telle la stigmatisation) voire sur la paix sociale (tel l'appel à la haine). L'expression d'opinions qui tenteraient de déconstruire les faits jusque-là avérés sur lesquels est fondée une décision politique voire un ensemble de décisions nationales – que ses assertions soient considérées comme vraies par leurs auteurs ou non dès lors qu'elles se présentent comme l'expression de leur conviction – peut-elle être, dans le même sens, limitée et comment ?
Face à des défis ou à des choix collectifs tels ceux relatifs au changement climatique, à l'immigration, à une pandémie, à l'avenir des retraites, quelle articulation, juridiquement traduite, trouver entre la libre expression des opinions, qui est donc essentielle dans une démocratie libérale, et une « vérité factuelle », base de la décision commune, qui la rend légitime ?
Nous envisagerons comment les vérités factuelles utiles à la décision politique et à la cohésion sociale, notamment nationale, sont articulées, dans notre système politique et notre ordre juridique, avec la nécessaire liberté d'expression d'opinions qui les contestent, la liberté d'opinion et la liberté d'expression constituant des libertés fondamentales. Le législateur, le juge, les organes de contrôle, les médias sont conduits à arbitrer ces oppositions potentielles entre les vérités factuelles et les opinions susceptibles de les contredire ; nous étudierons leurs pratiques et leurs sentences (afin de tenter de nous faire une opinion à défaut d'accéder à une vérité).
Programme
9h00 : Accueil des participants
9h15 : Allocutions d'ouverture
Fabrice Gartner, Doyen de la Faculté de Droit, Sciences Economiques et Gestion de Nancy, Professeur de droit public, Université de Lorraine / IRENEE
Laurent Seurot, Directeur de l'IRENEE, Professeur de droit public, Université de Lorraine / IRENEE
9h30 : Vérité et liberté d'expression : au-delà du "marché des idées
Charles Girard, Professeur de philosophie, Université Jean Moulin Lyon 3 / IRPhiL
I. Faits établis et diversité des opinions dans la production du droit
Présidence : David Melloni, Professeur de droit public, Université de Lorraine / IRENEE
10h00 : Les bases factuelles de la délibération parlementaire
Emilie Cariou, Députée de la Meuse de 2017 à 2022, ex Membre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques
10h20 : L'acceptabilité politique des "vérités alternatives"
Gildas Renou, Maître de conférences en Science politique, Université de Lorraine / IRENEE
10h40 : Débats
11h00 : Pause
11h15 : Le contrôle du juge constitutionnel sur les faits justifiant les lois
Samy Benzina, Professeur de droit public, Université de Poitiers / IDP
11h35 : Le fondement rationnel du droit et les croyances religieuses
André Moine, Maître de conférences en droit public, Université de Lorraine / IRENEE
11h55 : Débats
12h15 : Pause déjeuner
14h30 : Quelles frontières entre la persuasion politique et la propagande ?
Gloria Origgi, Directrice de Recherche au CNRS, Philosophe en épistémologie sociale
II. Le départage médiatique entre fausses et vraisemblables assertions politiques
Présidence : Christophe Fardet, Professeur de droit public, Université de Lorraine / IRENEE
15h00 : La lutte contre des contrevérités présentées comme des opinions
Nicolas Hubé, Professeur en sciences de l'information et de la communication, Université de Lorraine / CREM
15h20 : Entre manipulation de la vérité et manipulation des opinions, quelle régulation des réseaux sociaux ?
Aysegul Fistikci, Docteure en droit public, Université de Caen Normandie / ICREJ
15h40 : Débats
16h00 : Pause
16h20 : Le contrôle des médias d'opinion et de leurs errements factuels ?
Cécile Montanini, ATER en droit public, Université de Lorraine / IRENEE
16h40 : L'excuse de la contribution à un débat d'intérêt général
Nathalie Droin, Maîtresse de conférences en droit public, Université de Bourgogne / CREDESPO
17h00 : Débats
17h30 : Clôture de la journée
Réseau WIFI : eduroam / Identifiant : e.irenee@invites / Mot de passe : Hgipts85
Inscription en présentiel obligatoire (gratuite) : https://docs.google.com/forms/d/e/1FAIpQLSfiIpzxoHwLaO0u6qojw-KagXoxBNbJGkGmSUtbLZdRxkUiyw/viewform
Journée d'études organisée par l'IRENEE, Université de lorraine sous la direction scientifique d'André Moine, Maître de conférences, Université de Lorraine/IRENEE