Présentation
Au printemps 2022, les journaux économiques ont dévoilé l'existence d'un projet d'installation d'un terminal méthanier flottant, ou FSRU (Floating Storage and Rregasification Unit), dans le port du Havre, dont la mise en service est prévue pour l'hiver 2023-2024.
Discuté entre le ministère de la Transition écologique, HAROPA, TotalEnergies et GRTgaz, le projet a donné lieu à une première décision concernant le choix de la localisation des infrastructures, quai de Bougainville, à proximité de l'écluse François Ier, de plusieurs sites classés Seveso et de l'entrée de Port 2000. Le 3 août, par décision préfectorale, ces travaux ont été dispensés d'évaluation environnementale. La loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat l'a ensuite soumis à un régime particulier (articles 29 et 30). Depuis, plusieurs décisions administratives ont été prises permettant le lancement des travaux.
Ce projet industriel d'installation d'un terminal méthanier flottant dans un port français est inédit. Il intervient dans le contexte de l'agression militaire de l'Ukraine par la Russie mais aussi du réchauffement climatique nécessitant un abandon des énergies fossiles, et alors même qu'existent en France déjà plusieurs terminaux méthaniers terrestres (Dunkerque, Fos-sur-Mer, Montoir-de-Bretagne) et que d'autres ont été abandonnés dans les dernières années (Le Verdon-sur-Mer, Antifer). Aussi soulève-t-il plusieurs séries de questions juridiques nouvelles que le colloque entend analyser (voir programme).
D'abord, un FSRU est un objet nouveau en droit français, en particulier pour le droit de l'environnement. Il conviendra d'éclaircir les qualifications juridiques applicables au projet, entre installation classée pour la protection de l'environnement (pour la partie terrestre des installations) et navire soumis à la réglementation internationale et nationale (pour leur partie maritime). Les régimes juridiques qui en découlent ne présentent pas nécessairement de similitudes en matière de sécurité et de protection de l'environnement.
Ensuite, le projet interroge également du point de vue de sa constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel relève, d'une part, qu'il permet d'assurer l'approvisionnement en gaz de la France suite à l'agression militaire de l'Ukraine par la Russie, ce qui relève d'un intérêt fondamental de la Nation ; d'autre part, en soutenant la production et la consommation d'énergie fossile, il met aussi en cause la préservation de l'environnement inscrite dans la Charte de l'environnement de 2004 ; il a par conséquent assorti la constitutionnalité des dispositions contestées à l'existence d'une « menace grave sur la sécurité d'approvisionnement en gaz » (CC, déc. n° 2022-843 DC, 12 août 2022, §12).
Enfin, des règles juridiques particulières encadrent le projet. C'est le cas en matière de recours contentieux des décisions administratives liées au projet (D. n° 2022-1275 du 29 septembre 2022). Sont modifiées des règles importantes en matière de respect du droit au procès équitable (notamment le double degré de juridiction). Par ailleurs, l'exploitation du terminal méthanier flottant présente des caractéristiques singulières : pour TotalEnergies, la rentabilité financière du projet implique que soit réservée à sa filiale TotalEnergies LNG Services France (TELSF) l'exploitation de 50% des capacités du terminal méthanier, excluant ainsi partiellement les tiers d'un libre accès à l'infrastructure (v. la délibération n° 2022-302 du 24 novembre 2022 de la Commission de régulation de l'énergie).
Le projet soulève encore d'autres questions, qu'il s'agisse d'examiner les réglementations juridiques maritimes applicables en matière de protection de l'environnement, celle applicable en matière de sécurité portuaire (études de danger, zone d'accès restreint, règlementation pour le transport et la manutention des marchandises dangereuses dans les ports maritimes), mais aussi le droit du travail applicable (des marins sont affectés sur un FSRU), le droit de la domanialité publique (empiètement de l'emprise terrestre du projet sur l'activité du terminal roulier), la compatibilité du projet avec les engagements juridiques de la France en matière climatique, ou même les enjeux du développement du gaz naturel liquéfié dans le secteur maritime au prisme du réchauffement climatique.
Le colloque est en accès libre aux étudiants et universitaires ; il est ouvert sur inscription pour les autres publics.
Comité scientifique : Baptiste Allard, MCF Droit privé, Université Le Havre Normandie ; Patrick Barban, PU Droit privé, Université Le Havre Normandie ; Marine Chouquet, MCF Droit public, Université Paris V et Arnaud Le Marchand, MCF HDR Sociologie, Université Le Havre Normandie.
Programme
Jeudi 6 Avril 2023
13h30 : Accueil
14h00 : Discours d'ouverture
14h10 : Introduction
Nicolas Guillet, MCF HDR Droit public, Université Le Havre Normandie
Session 1 - Contextes
Présidence : Jean-Michel Jude, MCF Droit privé, Université Le Havre Normandie
14h30 : La production d'énergie dans les ports de commerce, préfiguration d'un zone économique spéciale ?
Arnaud Lemarchand, MCF HDR Sociologie, Université Le Havre Normandie
14h50 : Le projet de terminal méthanier flottant au Havre : la démocratie environnementale en question
Marine Fleury, MCF Droit public, Université de Picardie Jules Verne
15h10 : Floating Storage Regasification Unit : approche de droit comparé
Baptiste Allard, MCF Droit privé, Université Le Havre Normandie
15h30 : Questions et débat
17h00 : Visite du port en bateau (sur inscription auprès des organisateurs)
20h00 : Dîner des intervenants
Vendredi 7 Avril 2023
9h00 : Accueil
Session 2 - Le droit applicable
Présidence : Baptiste Allard, MCF Droit privé, Université Le Havre Normandie
9h30 : La qualification juridique d'un terminal méthanier flottant : navire ou installation classée pour la protection de l'environnement ?
Agathe Van Lang, PU Droit public, Université de Nantes
9h50 : Le projet de terminal méthanier flottant et les conditions d'occupation du domaine public
Marine Chouquet, MCF Droit public, Université Paris Cité
10h10 : Questions et débat
Pause
10h40 : Les règles de sécurité et de sûreté applicables à un TMF en France
Nicolas Boillet, MCF HDR Droit public, Université de Brest
11h00 : Le droit applicable aux personnels affectés au terminal méthanier flottant
Caroline Devaux, MCF Droit privé, Université de Nantes
11h20 : Discussion
12h00 : Déjeuner
Session 3 - Le contentieux
Présidence : Maxime Charité, MCF Droit public, Université Le Havre Normandie
14h00 : Contester le projet de terminal méthanier flottant : les recours contentieux de droit commun
Alice Béral, juriste France Nature Environnement
Antoine Cellio, doctorant en droit public à Université Le Havre Normandie
14h20 : Le décret du 29 septembre 2022 et sa portée juridique en contentieux administratif de l'environnement et de l'urbanisme
Marie Crespy de Coninck, MCF Droit public, Université de Nantes
14h40 : La portée de la réserve d'interprétation du Conseil constitutionnel dans sa décision du 12 août 2022
Patricia Rrapi, MCF Droit public, Université Paris Ouest Nanterre La Défense
15h00 : Questions et débat
Pause
15h30 : Conclusion générale
Catherine Ribot, PU Droit public, Université de Montpellier
16h00 : Pot de départ
Pour tout contact : nicolas.guillet@univ-lehavre.fr et/ou alexandra.seha@univ-lehavre.fr
Liens visio :
6 avril 2023 : https://zoom.us/j/98632813376
ID de réunion : 986 3281 3376
7 avril 2023 : https://zoom.us/j/96229136959
ID de réunion : 962 2913 6959
Organisé par Nicolas Guillet, MCF HDR Droit public, Directeur du CERMUD, et Alexandra Seha, Ingénieure d'études pour le Centre de recherche sur les mutations du droit et les mutations sociales (CERMUD), Université Le Havre-Normandie