Présentation
L'analyse de proportionnalité met en œuvre un raisonnement assez particulier parce que c'est un raisonnement prima facie sans règle. Soit que la proportionnalité conduise à chercher une solution dans un cas dans lequel des principes concurrents s'opposent, soit qu'elle conduise à écarter une règle (un « interdit législatif ») parce que l'application de cette règle serait considérée dans tel ou tel cas comme disproportionnée, injuste, absurde, inéquitable. En particulier, dans des jurisprudences très récentes, la Cour de cassation et le Conseil d'Etat ont fait application d'un raisonnement de proportionnalité pour écarter des interdits législatifs dans des cas, parce que l'application de la loi dans ces cas aurait été disproportionnée et, de ce fait, aurait porté aux droits protégés par la Convention européenne des droits de l'homme, mais sans que leurs décisions aient conduit ni à déclarer les dispositions législatives en cause contraires aux normes supérieures ni à en donner une nouvelle interprétation. La question se pose de savoir si les cas concernés par le raisonnement de proportionnalité peuvent être représentés comme des cas atypiques. Car il se pourrait que dans un certain nombre de jurisprudences, l'analyse de proportionnalité conduise à déterminer des cas typiques autour desquels une règle soit finalement déterminée.
L'analyse de proportionnalité est une forme particulière de raisonnement par cas. L'objet de ce colloque est d'inviter, en élargissant l'univers de référence, à une réflexion d'ordre épistémologique sur ce que c'est que le raisonnement par cas et sur sa place dans le raisonnement selon le droit.
Est-il possible de distinguer les hypothèses où le raisonnement par cas est bien un raisonnement avec les règles (dans la théorie des précédents en common law) et celles où il est un raisonnement intuitif, sans règle (dans le raisonnement par analogie ?). Le cas difficile est-il une sorte de dérogation au raisonnement juridique ou, au contraire, une expression illustrative du raisonnement en droit ? Qu'est-ce qu'un « cas inédit » ou encore un « cas exemplaire » et que révèle leur traitement en droit ? Nous devons aussi nous intéresser aux hypothèses où la règle est défaite parce que son application dans un cas paraît injuste, inéquitable, disproportionnée, mais nous demander aussi si cette défaite de la règle dans un cas peut aussi s'inscrire dans la révision des concepts.
Le raisonnement par cas pose la question de savoir quels sont les faits pertinents, les faits opérationnels, pour la décision. C'est dans la reconnaissance, la description, ou encore la narration des faits que le juge reconnaît comme pertinents que se réalise et se construit le dialogue avec les normes. C'est son rapport distant avec la règle qui conduit l'analyse de proportionnalité à élargir la reconnaissance des faits pertinents. Les défenseurs du « réalisme juridique » dans le raisonnement juridique ont été et sont intéressés aussi par les marges que l'on peut trouver dans le recours par le juge à des faits pertinents à l'occasion de la concrétisation des normes ou dans un processus judiciaire décisionniste et jusqu'à l'utilisation des travaux de sciences sociales pour interpréter et construire les normes.
Programme
Jeudi 29 Novembre 2018
Le raisonnement par cas dans l'analyse de proportionnalité
13h45 : Accueil des participants
14h15 : Accueil
Jean-Philippe Agresti, Doyen de la Faculté de droit et de science politique d'Aix-Marseille
14h30 : L'insertion du contrôle de proportionnalité dans les méthodes du raisonnement juridique
Charles-Maxime Pannacio, Université d'Ottawa
Qu'est-ce que le contrôle in concreto
Jean-Yves Chérot, Université d'Aix-Marseille, Laboratoire de théorie du droit
Examen de proportionnalité et raisonnement par cas à la Cour européenne des droits de l'homme
Vincent Réveillère, Université d'Aix-Marseille, Laboratoire de théorie du droit
16h00 : Débats / Pause
16h30 : Un nouvel examen de l'analyse de proportionnalité à la Cour de justice de l'Union européenne
Antonio Marzal Yetano, Université Panthéon-Sorbonne, SERPI
La doctrine face au contrôle de proportionnalité in concreto comme illustration d'une controverse sur les méthodes du droit
Victoria Fourment, doctorante, Université d'Aix-Marseille, Laboratoire de théorie du droit
L'utilisation des travaux de sciences sociales dans la prise de décision judiciaire. Une étude de cas
Hélène Thomas, Professeure, Université d'Aix-Marseille, Laboratoire de théorie du droit
18h00 : Débats
Vendredi 30 Novembre 2018
Raisonner par cas. Questions épistémologiques
08h45 : Accueil des participants
09h30 : Une typologie des raisonnements par cas
Pierre Livet, Université d'Aix-Marseille, Centre Gilles Gaston Granger
De quelques raisonnements casuistiques
Serge Boarini, Professeur agrégé de philosophie, Membre du Haut Conseil des biotechnologies
10h30 : Débats / Pause
11h00 : Cas difficiles et défaisabilités des règles
Mathieu Carpentier, Université Toulouse Capitole, Institut Maurice Hauriou
Le traitement du cas du point de vue du légal realism américain
François-Xavier Licari, Université de Lorraine, Institut François Gény
12h00 : Débats
12h30 : Pause déjeuner
La théorie des cas dans le raisonnement en droit
14h30 : Les cas : entité hybride
Stefan Goltzberg, Université Libre de Bruxelles, PHI. Philosophie et Centre Perelman de Philosophie du droit
La méthodologie des cas critiques
Frédéric Rouvière, Université d'Aix-Marseille, Laboratoire de théorie du droit
Le raisonnement par cas à la Cour suprême du Canada : la description des faits et l'exposé du droit
Mathieu Devinat, Université de Sherbrooke
16h00 : Débats / Pause
16h30 : Raisonnement casuistique et faisceau d'indices : l'exemple de la subordination juridique
Olivier Tholozan, Université d'Aix-Marseille, Laboratoire de théorie du droit
Les cas exemplaires
Franck Haid, Université d'Aix-Marseille, Laboratoire de théorie du droit
17h30 : Débats
18h00 : Clôture du Colloque
Renseignements et inscription (sans frais) : Emmanuelle Pachter : e.pachter@univ-amu.fr
Organisé par le Laboratoire de théorie du droit, Aix Marseille Université