Tirant les conséquences du constat, devenu banal, de la libéralisation du droit international privé contemporain, une tentative de systématisation de la matière peut être entreprise à partir du contexte néolibéral qui est désormais le sien. La doctrine néolibérale à l’œuvre en Europe, et trouvant sa source dans l’ordolibéralisme allemand, préconise un interventionnisme juridique constant afin de construire un marché et d’en généraliser la logique à l’ensemble des rapports sociaux. En conséquence, les moyens offerts aux individus pour satisfaire les intérêts privés sont accrus alors que, dans le même temps, l’État développe et défend un intérêt public pour la bonne tenue des relations privées. Un phénomène de prévalence des intérêts parcourt ainsi le droit international privé. Il consiste en une multiplication des habilitations, tant à destination des parties que du juge, leur conférant le pouvoir de satisfaire, respectivement, l’intérêt privé et l’intérêt public. À la généralisation du principe d’autonomie bien au-delà de la matière contractuelle et au-delà de la détermination de la loi applicable, dans la détermination de la compétence juridictionnelle, répond ainsi une généralisation du recours aux lois de police, à l’ordre public international, au for de nécessité ou à différentes formes de forum non conveniens. Mais, le phénomène de prévalence des intérêts multipliant les risques de conflits d’intérêts, il rend nécessaire une discipline de coordination des intérêts. Cette discipline repose sur deux fondements complémentaires : la supériorité ontologique de l’intérêt public, d’une part, et conception privatiste du droit international privé, d’autre part. Alors que la supériorité ontologique de l’intérêt public implique sa supériorité sur l’intérêt privé, la conception privatiste du droit international privé impose, en retour, l’interprétation stricte des méthodes de satisfaction de l’intérêt public. Là se trouve l’équilibre. Cependant, l’étude du droit positif laisse apparaître des hypothèses de dé-coordination des intérêts résultant, notamment, du déclenchement de l’exception d’ordre public international lorsqu’il inclut des droits garantis par la Convention européenne des droits de l’homme et de la paralysie des lois de police par le choix de la juridiction compétente. Un intérêt prévaut alors indûment sur l’autre. Pour y remédier et re-coordonner les intérêts, il est proposé de recourir à un raisonnement en proportionnalité de manière à rétablir la place normalement échue à chacun d’eux.