Colloque organisé par le centre Droit Ethique et Procédures
Sous la responsabilité scientifique de Fanny Vasseur-Lambry, Directrice du CDEP - EA 2471
Argumentaire du colloque
Les violences conjugales peuvent être définies comme un processus au cours duquel un partenaire ou ex-partenaire de vie (conjoint, concubin, pacsé ou « ex » dans les trois catégories) adopte à l'encontre de l'autre des comportements agressifs, violents, voire destructeurs. Les violences sont exercées intentionnellement au sein d'une relation de couple ou au sein de relations amoureuses. Bien plus qu'une forme d'autorité, elles témoignent d'une volonté de dominer l'autre. Il existe différentes formes de violences : humiliations, insultes, menaces, pressions psychologiques, coups, agressions sexuelles, viols, voire homicides. Comme toute forme de violence à l'encontre des personnes, elles représentent une atteinte au droit fondamental des personnes à vivre en sécurité et une atteinte à leur dignité. Elles entraînent aussi une atteinte à leur intégrité physique et psychique et sont à l'origine d'importantes conséquences traumatiques. Ainsi, elles peuvent mettre en péril la vie, la santé, l'intégration scolaire, professionnelle ou sociale des victimes et de leurs enfants, victimes directes ou indirectes de ces violences. Enfin, elles aggravent ou altèrent des situations de précarité, de pauvreté, voire de marginalisation.
Les violences faites aux femmes constituent un phénomène commun à tous les Etats, développés ou en voie de développement, qui pose inévitablement la question du genre. Pour autant, la société a-t-elle envie de s'emparer des questions que soulèvent ce phénomène qui, de prime abord intéresse une relation de couple, une relation privée ? Or la gravité des conséquences des violences commises sur les victimes nous invite à penser les violences conjugales non pas comme un problème propre au couple, mais comme un problème de « sociétés ».
Face aux enjeux sociétaux d'un tel phénomène, la lutte contre les violences conjugales ou plus largement violences intrafamiliales s'inscrit donc dans un contexte national et européen d'engagement législatif progressif, tant en ce qui concerne la répression et la prévention des violences que l'apport d'aides spécifiques aux victimes.
Toutefois à l'occasion des travaux menés dans le cadre du projet de recherche consacré à la lutte contre les violences conjugales dans le ressort de la Cour d'Appel de Douai (2013/2015) avec les enseignants chercheurs du centre de recherche « Droit, Ethique et Procédures » (CDEP) de la Faculté de droit de Douai, Université d'Artois, les doctorants, les étudiants du Master 2 « Carrières juridiques et judiciaires » les étudiants de L3 et Master de la Faculté de psychologie de Lille 3, un constat s'est rapidement imposé : aussi ambitieux que puissent être ces dispositifs, leur effectivité sur le terrain pose question. Les raisons sont nombreuses. Pour l'essentiel, elles semblent tenir au manque de maillage entre les différents acteurs de la prévention et de la lutte contre les violences conjugales. Mais elles tiennent aussi à la manière dont les violences sont perçues en France par le droit et la société. Il nous est donc apparu important d'interroger les pratiques d'autres Etats, européens ou non, afin de comparer les dispositifs et peut-être aussi de mettre en évidence les difficultés qu'il y a à appréhender dans sa globalité le phénomène des violences conjugales.
Programme
Jeudi 3 mars 2016 après-midi
« La Justice garante de la police des corps »
L'objet de cette première demi-journée est de présenter à l'ensemble de la communauté scientifique ainsi qu'à l'ensemble des professionnels impliqués dans la lutte contre le phénomène des violences conjugales les résultats d'une étude (quantitative et qualitative) qui s'appuie sur l'analyse du traitement des plaintes déposées au Parquet sur l'année 2012 (classement ou alternative aux poursuites). Grâce aux 300 dossiers qui ont été ainsi dépouillés, aux rencontres avec les professionnels du terrain (M. Vaillant, ancien procureur de la République de Douai, M. Louvrier et les psychologues de l'Association du Cheval Bleu, M. Liversain, commissaire de Douai et certains des membres du groupe d'aide judiciaire, des membres du CIDFF etc.) et aux recherches doctrinales, jurisprudentielles, sans omettre la consultation des sites officiels et les initiatives institutionnelles, nous avons réfléchi aux moyens qui permettraient d'optimiser la lutte contre les violences conjugales. Deux propositions seront ainsi présentées : l'élaboration d'un procès-verbal unique aux violences conjugales et l'adoption d'une nouvelle infraction « le délit de domination conjugale ». Conscients de la complexité du phénomène des violences conjugales et des réalités du terrain, cette première demi-journée nous permettra également de réfléchir et de présenter d'autres solutions qui ont toutes en commun d'assurer un meilleur maillage entre les professionnels et qui devraient permettre à la Justice d'être la garante de la police des corps.
Sous la présidence de Madame La Procureure Générale Marie-Suzanne Le Queau
13 h 15 Accueil des participants
13h 30 : Mots d'accueil
M. Francis Marcoin, Président de l'Université d'Artois
Présentation des modalités de la recherche initiée à l'occasion de la convention de recherche signée le 4 mars 2014
Mme Vasseur-Lambry (directrice du CDEP) et Mme Przygodzki-Lionet (directrice du Master parcours « Psychologie et Justice »).
14h : Présentation des résultats du projet de recherche initié avec le Parquet, le TGI et la Cour d'appel de Douai
« Le procès-verbal unique aux violences conjugales »
Mlle Juliette Jombart - Doctorante au CDEP
Faudel Chanane, Doctorant au CDEP, « Le délit de domination conjugale »
15h : Regards des chercheurs en psychologie sociale :
« Violences au sein du couple : étude d'archives judiciaires du TGI de Douai »
Mme Nathalie Przygodzki-Lionet, Professeure de psychologie sociale appliquée à la justice et Mme Guisela Patard, Doctorante en psychologie sociale, membres du laboratoire PSITEC, Université de Lille 3
« Contamination des souvenirs et audition des victimes de violences conjugales »
Mme Maïté Brunel : Maître de conférences en psychologie sociale et justice, Université de Lille 3, Laboratoire PSITEC.
Questions / Pause
16h 20 : Le regard des professionnels de la santé :
« Protocole de prise en charge des femmes victimes de violences conclu entre le CCUA et l'ISG (Institut en Santé Génésique) »
Mme Ouzna Kerrad-Malek, Médecin urgentiste, Responsable médical du Centre de consultations urgentes adultes (CCUA) du Centre hospitalier intercommunal de Poissy- Saint-Germain en Laye)
« La prise en charge immédiate des mineurs victimes, de l'acte au recueil de la parole, et après ? Le cas particulier de l'enfant victime de violences conjugales »
M. Jean-Marc Ben-Kemoun, Psychiatre, Pédopsychiatre, Médecin légiste UMJ 78, Expert près la cour d'appel de Versailles
Table ronde réunissant les professionnels du secteur
Modérateur : Mme Vasseur-Lambry, avec pour invités :
M. Frédéric Teillet, Procureur de la République de Douai ;
M. Thierry Courtecuisse, Commissaire divisionnaire de Douai ;
Me Frank Dubois, Avocat au Barreau de Douai (ancien bâtonnier) ;
M. Jacques Louvrier, Directeur du Cheval Bleu ;
M. Bruno Willeron, Directeur du Sijadis Douai ;
Mme Nathalie Pottiez-Hamadi, Directrice du CIDFF Nord/ Valenciennes
18 h : Synthèse de l'après-midi
Mme La Procureure Générale Marie-Suzanne Le Queau.
Vendredi 4 mars 2016
Aspect international de la lutte contre les violences conjugales
Penser les violences conjugales comme un problème de sociétés suppose une approche internationale dès lors que les violences faites aux femmes et, en particulier au sein du couple, constituent un phénomène commun à tous les Etats, développés ou en voie de l'être. Pour lutter efficacement contre ce phénomène, les Etats doivent s'emparer de cette question et cesser de la considérer comme une affaire de famille, d'honneur ou de traditions. A cette fin, la philosophie des droits fondamentaux, ainsi que le droit comparé peuvent les y aider.
Matinée :
L'atteinte aux droits fondamentaux des victimes de violences conjugales
Il existe une réelle volonté internationale d'appréhender ce phénomène, une violence parmi d'autres (exploitation sexuelle, domestique, gestation pour le compte d'autrui) qui nie le statut de la femme en tant qu'être humain à part entière. Dans le couple, l'égalité et la liberté devraient profiter à chacun des membres. Mais par l'existence même des violences, cet équilibre est rompu. La victime devient vulnérable et perd son libre arbitre, sa liberté et sa dignité. Trop souvent, elle se résigne et subit.
Comment le droit et la société peuvent-ils réagir ? Comment pénétrer l'intimité du couple pour aider la victime rendue vulnérable ? Peut-on fermer les yeux alors que des enfants subissent indirectement ces violences ? Est-il réaliste de penser que l'ordre public individuel de protection puisse venir au secours des victimes et les délivrer de leur « cellule » dont les murs sont constitués de violences et de peur ?
Sous la présidence de Monsieur Tanguy Le Marc'Hadour, Doyen de la Faculté de droit, Maître de conférences en Histoire du Droit
9 h : Accueil des participants
9 h 15 : Mot d'accueil de Monsieur Tanguy Le Marc'Hadour ;
9h 30 : « Lutte contre les violences de genre et droit international : la naissance d'une question de droits humains »
Mme Diane Roman, Professeure de droit public, Université Rabelais, Tours, Membre de l'Institut universitaire de France
10h : « L'enquête européenne de la FRA sur la violence à l'égard des femmes - une approche à la collecte de données fondée sur les droits »
Mme Sabine Springer, Programme Manager - Statistics and Surveys Freedoms and Justice Department European Union Agency for Fundamental Rights (FRA)
Questions / Pause
11h : « L'engagement de la Cour européenne des droits de l'homme dans la lutte contre les violences domestiques : quand protection rime avec effectivité »
Mme Fanny Vasseur-Lambry, Maître de conférences en droit privé-HDR, Université d'Artois
11h 30 : « Le droit au séjour des femmes étrangères victimes de violences conjugales : vulnérabilité sur précarité ne vaut ? »
Mme Valérie Mutelet, Maître de conférences en droit public, Université d'Artois
Déjeuner
Après-midi : Approche comparatiste de la lutte contre les violences conjugales
Nous avons toujours beaucoup à apprendre de l'expérience d'autres Etats qui luttent contre les violences conjugales. Comment les Etats appréhendent-ils les violences conjugales ? Peut-on parler de phénomène culturel ? Quelle est la perception des droits des femmes ? Quels moyens (traitement judicaire, social) sont mis en œuvre par les autorités publiques ? Comment concilier le répressif, la prévention, la protection et les droits et libertés fondamentaux ? Comment est abordée la problématique des enfants - victimes indirectes des violences conjugales - et de leur protection ? Les violences sont-elles une fatalité ?
Sous la présidence de Mme Nathalie Thibaut, Chargée de mission départementale aux droits des femmes au sein de la Direction Départementale de la Cohésion Sociale (DDCS) Nord
14h : « La communication gouvernementale française en matière de violences conjugales : du contrôle social à l'empowerment »
Mme Laetitia Franquet, Docteure en sociologie, Présidente de l'Association de Recherches et d'Etudes sur la Santé, la Ville et les Inégalités
14h 30 : « Système de prise en charge des violences domestiques et réalité du terrain en Haïti »
M. Jean Ralph Prévost, Secrétaire Général à la Faculté de Droit, des Sciences Economique et de Gestion du Cap-Haïtien FDSEG/Cap, Secrétaire de l'Antenne Nord de l'Unité de Recherche et d'Action Médico Légale (URAMEL)
15h : « Une culture de la violence domestique ? Réformes italiennes du XXIe siècle, entre patriarcat traditionnel et multiculturalisme »
M. Marco Cavina, Professeur à l'Université de Bologne
Questions / Pause
16h : « Les trajectoires de femmes victimes de violences conjugales : l'accès au terrain, les différents profils des participantes et les différentes formes de violence »
M. Frédéric Ouellet, Professeur à l'école de criminologie, Université de Montréal
16h 30 : « Quand la contrainte judiciaire soutient l'aide au changement »
M. Bernard Royen, Intervenant Praxis, Psychologue (Belgique)
Questions
17h 15 : Rapport de Synthèse
M. Marc Pichard, Professeur de droit privé, Université de Nanterre Paris Ouest Nanterre La Défense.
Colloque organisé par le centre Droit Ethique et Procédures
Sous la responsabilité scientifique de Fanny Vasseur-Lambry, Directrice du CDEP - EA 2471