Date limite le dimanche 06 janv. 2019
Résumé
Le divorce a connu plusieurs réformes, dont celle importante, issue de la loi française du 18 novembre 2016, instaurant un divorce par consentement mutuel « sans juge ». Ces modifications traduisent un désengagement de l'Etat dans les affaires familiales, dont les prolongements multiples, à la fois techniques et théoriques, sociaux et économiques, doivent être appréciés. Ce colloque sur « Les significations des réformes du divorce » s'inscrit dans une perspective multidisciplinaire où s'entremêleront les points de vue des juristes, en droit français et en droit comparé (européen et international), des sociologues, des historiens, des économistes, etc.
Argumentaire
Les significations des réformes du divorce sont nombreuses. Elles suscitent plus ou moins d'intérêt, mais leur étude mérite d'être faite pour saisir la portée de réformes qui, en apparence à tout le moins, paraissent avant tout techniques.
Les professionnels, entendus de manière large (professionnels du droit mais aussi les médiateurs), subissent très directement les incidences d'une réforme du divorce. L'impact s'avère technique puisque des habitudes professionnelles, des actes types et la manière de procéder sont modifiées. De nouvelles responsabilités professionnelles apparaissent ainsi que de nouveaux champs en terme de formation professionnelle. L'incidence de ces réformes est aussi et surtout symbolique en concernant la représentation qu'une profession se fait d'elle-même. De ce point de vue, les récentes interrogations relatives aux rôles de l'avocat et du notaire qui enregistre la convention de divorce par consentement mutuel « sans juge » en constituent un exemple topique, illustrant les difficultés relatives aux frontières entre groupes professionnels. L'apparition d'un divorce sans juge avec deux avocats pose également la question des effets du report partiel du coût divorce de l'Etat – qui salarie les magistrats – sur les justiciables – qui paient les honoraires des avocats, et de la place de l'aide juridictionnelle dans un contexte de déjudiciarisation. Elle pose de façon particulièrement aiguë la question des effets des capacités socioéconomiques différenciées des justiciables –à s'adjoindre et à rémunérer un travail de conseil plus ou moins personnalisé et approfondi, sur leurs capacités à faire valoir leurs droits. Elle renouvelle aussi la question du financement de la médiation et de son accessibilité pour tous.
Economiquement, ce désengagement de l'Etat peut sembler paradoxal alors même que ces dernières décennies ont été marquées par une hausse du recours au contrat de mariage et le développement des remariages. Plus généralement, on assiste à une complexification de l'histoire matrimoniale des individus (cohabitation pré-maritale, enfants hors mariage, familles recomposées…). En conséquence, le divorce s'est aussi transformé en concernant un nombre croissant de couples âgés pour lesquels la question de la prestation compensatoire est amenée à jouer un rôle central, au moment où certains économistes préconisent de l'étendre à l'ensemble des couples.
Réformer le divorce comporte aussi des significations politiques, en renseignant très directement sur le degré d'intervention de l'Etat dans les affaires familiales et en invitant de ce point de vue à des analyses historiques, pour apprécier d'éventuelles résurgences ou évolutions, ainsi qu'à des analyses au plan international. Quel impact les réformes du divorce peuvent-elles avoir sur la circulation des personnes dans un espace toujours plus globalisé ?
Déjudiciarisation et contractualisation, instruments censés servir un objectif de simplification et d'apaisement des rapports entre époux peuvent pourtant, de manière paradoxale, produire des conséquences indésirables, comme le retour d'un contentieux post-divorce devant le juge, ou un étouffant silence des époux qui ressurgit parfois de manière violente plus tard. Ainsi quelle « fonction » le divorce joue-t-il au sein de la famille ? Au-delà de ses aspects juridiques, le divorce n'a-t-il pas également pour objet d'endeuiller la rupture du couple ? Quelle place occupe ou devrait occuper la médiation familiale dans ce processus d'apaisement des conflits ? La « pacification » recherchée par les différentes réformes du divorce est-elle compatible avec les attentes personnelles des époux ?
L'aptitude du droit à protéger les personnes vulnérables, au sens large, est également mise à l'épreuve. Dans quelle mesure les réformes du divorce modifient-elles les possibilités pour les justiciables hommes et femmes, de faire valoir leurs droits ? Plus largement, au regard des exemples d'autres droits internes, l'opportunité même du maintien des causes de divorce se pose. Le divorce est-il désormais une procédure, un processus, un contrat ?
Pour les citoyens et citoyennes, sujets de droit, le divorce constitue souvent l'unique occasion de confrontation au droit, à l'institution judiciaire et aux professionnels du droit. Se joue donc le rapport des individus au droit, à la Justice et à l'Etat. Les décisions auxquelles les interactions entre professionnels et particuliers aboutissent reconduisent aussi le plus souvent des rôles parentaux genrés. Parce que cette confrontation constitue un moment fort et singulier de la vie familiale, elle a, selon ses modalités, le pouvoir de légitimer un ordre social, des représentations et des formes de dominations et de distinctions. Derrière l'égalité formelle des citoyens devant la loi, existe-t-il concrètement une prévalence de certains types de divorce dans certaines catégories sociales, qui correspondent à autant d'expériences différenciées du droit et de la Justice ?
Modalités de soumission
Les propositions ne devront pas excéder 6500 caractères et devront indiquer la problématique, les cas ou thématiques étudiés et la méthodologie. Elles seront accompagnées d'une brève présentation de leur auteur (maximum 3000 caractères).
Ces propositions pourront être rédigées en langue française, espagnole ou anglaise.
Calendrier
Les propositions devront être envoyées, au plus tard le 6 janvier 2019, à l'adresse suivante : julie.souhami@univ-amu.fr
Le comité d'organisation informera les candidats, courant février 2019, du choix du conseil scientifique. Les contributions définitives devront être transmises au plus tard le 15 avril 2019.
Le colloque se déroulera les 16 et 17 mai 2019, à la Faculté de droit et de science politique d'Aix-Marseille Université, sur le site d'Aix-en-Provence.
Organisation du colloque
Les contributions devront impérativement être faites en langue française.
Elles pourront prendre la forme de communications classiques ou la forme d'ateliers afin de faciliter la discussion et la réflexion commune.
Comité d'organisation
- Emmanuelle Bonifay (Maître de conférences, Université Aix-Marseille, LDPSC)
- Vincent Egéa (Professeur, Université Aix-Marseille, Directeur du LDPSC)
- Julie Souhami (Maître de conférences, Université Aix-Marseille, LDPSC)
Comité scientifique
- Jean-Philippe Agresti, PR, Histoire du droit et des institutions, AMU, Doyen de la Faculté de droit et de science politique
- Isabelle Barrière-Brousse, PR, Droit privé, AMU
- Nicolas Frémeaux, MCF, Sciences économiques, Université de Paris 2
- Nicole Gallus, PR, Droit privé, Université Libre de Bruxelles
- Eric Gasparini, PR, Histoire du droit et des institutions, AMU, Directeur du Centre d'Etudes et de Recherches en Histoire des Idées et des Institutions Politiques
- Sibylle Gollac, Chargée de recherche au CNRS, Université Paris Nanterre
- Carmen Lavallée, PR, Droit privé, Université de Sherbrooke, Québec
- Anne Leborgne, PR, Droit privé, AMU
- Montserrat Pereña Vicente, PR, Droit privé, Université Rey Juan Carlos, Madrid
Colloque organisé par le Laboratoire de droit privé et de sciences criminelles, et le Centre d'études et de recherches en Histoire des idées et des institutions politiques.