Cette thèse se propose d’étudier l’institutionnalisation du nationalisme corse à travers le prisme duconcept de « milieu partisan » (Sawicki, 1997). En considérant le nationalisme corse comme uneinstitution à part entière, ancrée dans des réseaux associatifs et institutionnels, elle analyse son évolution vers une normalisation politique. Ce processus d'institutionnalisation, qui prendvéritablement forme à partir des victoires électorales de 2014 et 2015, soulève des questions sur latrajectoire des militants nationalistes au sein du champ politique corse, tout en mettant en lumière lacomplexité des dynamiques internes au mouvement.La recherche s’appuie sur une méthodologie pluridisciplinaire, combinant ethnographies, entretienssemi-directifs, prosopographie et analyse d’archives partisanes et médiatiques. Cette diversitéméthodologique permet d'examiner en profondeur deux dimensions de l'institutionnalisation : d'unepart, l’entrée des militants et organisations nationalistes dans les institutions locales ; d'autre part, lastructuration et la consolidation des organisations encadrant les militants. Ces deux formes denormalisation sont mises en perspective avec l’accession au pouvoir du mouvement nationaliste, etles tensions qu’elle suscite autour de la professionnalisation des partis, des rétributions militantes etdes hiérarchies sociales reproduites au sein des groupes dirigeants.L’étude mobilise le concept de « milieu partisan » dans une conception quasi-écologique, qui englobenon seulement les réseaux militants et institutionnels, mais également les interactions sociales quifaçonnent l’engagement politique. Contrairement à des cadres théoriques plus rigides comme celuidu « champ » (Bourdieu, 1986), le milieu partisan est ici appréhendé comme un espace plus fluide,fondé sur des relations d’interconnaissance et des circulations entre diverses sphères (associative,syndicale, politique). Cette approche permet d’envisager la politisation non pas comme un processuslinéaire et hiérarchisé, mais comme une série de trajectoires complexes et parfois indirectes, oùl’engagement peut se manifester sans passer nécessairement par des structures officielles.La thèse met également en lumière l’articulation entre le milieu partisan et le champ politique, enmontrant comment le mouvement nationaliste, en s’institutionnalisant, redéfinit les règles du jeupolitique local. À travers une analyse des trajectoires des militants, elle souligne que cette classepolitique, souvent perçue comme nouvelle, était déjà insérée dans des réseaux militants et associatifsbien avant son accession aux responsabilités institutionnelles. Le concept de « milieu » permet ainside mieux comprendre comment les nationalistes corses se sont imposés comme des acteurs centrauxde la scène politique locale, en structurant un écosystème militant et en capturant progressivementune partie du pouvoir institutionnel.Enfin, l’institutionnalisation est analysée comme un processus traversant différents espaces, champset organisations, redéfinissant les capitaux militants et les hiérarchies internes au mouvement. Troisaxes structurent cette réflexion : les temporalités du mouvement nationaliste, les enjeux de légitimitéau sein du milieu partisan, et la sélection sociale et genrée qui s’opère à l’entrée du champ politique.Cette thèse apporte ainsi une contribution aux réflexions théoriques sur les processusd’institutionnalisation et sur les transformations des mouvements sociaux en partis politiquesinstitutionnalisés.