Christine Mengès-Le Pape

Professeur
Histoire du droit et des institutions.
Faculté de Droit et Science Politique

Centre Toulousain d'Histoire du Droit et des Idées Politiques
  • THESE

    La Cour des aides et finances de Montauban : 1642-1790, soutenue en 1991 à Toulouse 1 sous la direction de Germain Sicard

  • Christine Mengès-Le Pape (dir.), La loi de solidarité, Presses de l'Université Toulouse Capitole, 2021, Publications du Centre Universitaire de Tarn-et-Garonne ( Collection droit et religions ), 819 p. 

    Christine Mengès-Le Pape (dir.), La réciprocité: dimensions théologiques, juridiques et autres, Presse de l'université de Toulouse, 2019, Publications du Centre universitaire de Tarn-et-Garonne ( collection droit et religions ), 658 p.  

    La 4è de couv. précise : "Après avoir interrogé - lors du colloque 2015 - le principe de justice distributive, une suite peut être donnée, celle de la réciprocité qui trouve ses origines à la fois dans les traditions religieuses mais également chez les philosophes et les jurisconsultes depuis l'Antiquité. [...] À travers l'histoire fut [...] livrée la formule "qui donne, reçoit". [...] En temps de crise, lorsque les ruptures menacent, ces relations réciproques ont pu paraître abîmées par l'individualisme et le matérialisme ambiants qui ont imprégné les conceptions spirituelles, juridiques, économiques et autres. La réciprocité d'amitié a pu se faire exception. Dès lors, face aux éloignements de cet ordre naturel qui porte normalement vers les autres, peut s'ouvrir un dialogue situé entre donner et recevoir, vers la gratuité et l'asymétrie."

    Christine Mengès-Le Pape (dir.), La justice entre théologie et droit, Presses de l'Université Toulouse Capitole et Centre toulousain d'histoire du droit et des idées politiques, 2016, Publications du Centre Universitaire de Tarn-et-Garonne ( collection droit et religions ), 702 p.  

    La 4e de couv. indique :"Poser la question de la justice distributive que contient la formule unicuique suum - à chacun le sien - peut sembler surprenant en ce début de XXIe siècle où l'on a formé l'opinion à attendre une égalité arithmétique, sans aspérité. Suite à la crise financière et économique, les souhaits égalitaires se sont exacerbés avec une réalité devenue toute autre et des répartitions qui résonnent des écarts creusés par les démesures. Or ces différences ont éveillé des polémiques, on a pu entrevoir les pressions pour que soit aboli par le législateur tout ce qui ne peut pas être partagé également entre tous, étrangement devenu injuste. C'est ici le syndrome victorieux du Κατώβλεπαϛ cet animal fabuleux des bestiaires anciens qui toujours regarde vers le bas, c'est-à-dire vers le trop peu. En France et ailleurs, on a pu remarquer à travers l'histoire combien les injustices ressenties par beaucoup peuvent entraîner des solutions idéologiques ou globales aux difficultés qui chahutent bien souvent les religions et les États, dans leurs autonomies respectives situées entre charité et ordre juste. Ces tentatives de réponses disent les crises de la conscience et du droit qui s'inscrivent dans un long passé et nécessitent un retour aux sources. Depuis l'Antiquité grecque, on s'interroge sur la notion de justice et ses nombreuses voies de répartition ; nous le savons, la justice distributive aristotélicienne devait marquer l'énumération des préceptes du droit selon Rome, ars boni et aequi. Puis se trouve la part des sources sacrées et des traditions religieuses,c'est - entre autres - le verset du Livre d'Amos:«Mais que le droit jaillisse comme une source ; la justice, comme un torrent qui ne tarit jamais ! » (Am 5,24), c'est aussi l'expression paulinienne : « Car il s'agit, non de vous exposer à la détresse pour soulager les autres, mais de suivre une règle d'égalité » (2 Cor 8,13-14). Au cours des siècles, dans un dialogue toujours entretenu avec les théologiens, les juristes ont discuté l'idée de proportion, ils ont cherché le juste, et cette réflexion se poursuit aujourd'hui. Elle montre les proximités et les confusions établies entre justice et égalité, et au-delà entre injustice et inégalité. Il y a ici une invitation à continuer le débat, invitation incessante à renouveler à temps et à contretemps. On peut rappeler la lettre adressée à Michel Villey depuis l'île d'Arz, c'était à la fin de l'été 1981 : « Non, cher ami, cela n'a plus cours. Le droit est l'art de savoir les textes et de les appliquer, de les accommoder à notre intérêt.. .chercher «le juste» serait trop fatigant ! Vous exigez trop... ».

    Christine Mengès-Le Pape (dir.), Enseigner la guerre ?, Presses de l'Université Toulouse 1 Capitole, 2016, Publication du Centre universitaire de Tarn-et-Garonne, 264 p.   

    Christine Mengès-Le Pape (dir.), La dette, les religions, le droit ?, Presses de l'Université Toulouse 1 Capitole, 2014, Les Publications du Centre universitaire de Tarn-et-Garonne, 618 p.   

    Christine Mengès-Le Pape, Bruno Béthouart (dir.), La transmission religieuse, entre continuité et rupture: actes de la XXe Université d'été du Carrefour d'histoire religieuse, Montauban, 9-12 juillet 2011, 2e éd., "Les Cahiers du littoral", 2012, Les cahiers du littoralN° 2, 339 p.   

    Christine Mengès-Le Pape (dir.), Face à une économie "sans foi ni loi": les religions et le droit, Presses de l'Université de Toulouse 1-Capitole, 2012, Publications du centre universitaire de Tarn-et-Garonne, 669 p. 

    Christine Mengès-Le Pape (dir.), L'enseignement des religions: approches laïques et religieuses, Presses de l'Université Toulouse 1 Capitole, 2010, Les publications du Centre universitaire de Tarn-et-Garonne, 378 p. 

    Christine Mengès-Le Pape, La protection et la conservation des monuments historiques immobiliers, 1986 

    Christine Mengès-Le Pape, La conservation des monuments historiques au XIXe siècle, illustrée par des faits du Tarn et Garonne, 1985 

  • Christine Mengès-Le Pape, "Thomisme et droit", allocutions d'ouverture et première session : Saint Thomas et le droit. 

    Christine Mengès-Le Pape, "Thomisme et droit", troisième session : Le thomisme juridique au XXe siècle. 

Actualités Publications ENCADREMENT DOCTORAL
  • Arnaud Le Gonidec, Le fort portant le faible : un adage de l'ancien droit fiscal saisi par la doctrine (1549-1600), thèse soutenue en 2022 à Toulouse 1, membres du jury : Frédéric F. Martin  

    « Le fort portant le faible » est une règle de péréquation qui apparaît dans les actes souverains au mitan du XIVe siècle. Métaphore emblématique de l’idéologie royaliste, elle l’est aussi du principe de personnalité de l’impôt et des juridictions d’élection. Contrairement à l’assise réelle des prélèvements, les tailles personnelles pèsent sur les personnes « selon leurs facultés ». Ce terme pose la question des capacités contributives. Le droit français ne reconnaît que des biens corporels – meubles et immeubles – alors que l’idée de faculté évoque une qualité subjective – comme la liberté (Florentin D. 1, 5, 4) – qui invite à considérer la dignité et la pauvreté des contribuables : aussi l’état de précarité est-il une juste cause aux dégrèvements et aux exemptions. Les « facultés » répondent au principe de destination qui préside d’ordinaire au statut du numéraire : immeuble pour l’acquisition d’un « héritage » ; meuble pour l’achat d’un cheptel. Mais qu’en est-il si cet argent est destiné aux dépenses alimentaires et domestiques ? Le superflu des uns doit alors payer pour le nécessaire des autres. Principe de péréquation, « le fort portant le faible » marque aussi l’institution de la solidarité fiscale avec la substitution d’un impôt de quotité par celui de répartition. La charge de la taille personnelle repose en effet in solidum sur les « corps » des paroisses et en cas de non-valeurs « il faut faire porter au puissant la décharge du faible ». La doctrine des communautés de mainmorte précise la cause de cette obligation solidaire : outre la répartition « le fort portant le faible » de l’impôt seigneurial (art. 126), les coutumes de La Marche énoncent que cet écot ne doit pas franchir le seuil en-deçà duquel les contribuables seraient réduits à l’indigence (art. 129). La communauté forme en effet une « espèce de fraternité » or le frère, dit Ulpien (D. 17, 2, 63), ne peut pas exécuter son frère au-delà de ses « facultés » (quod facere potest) : la solvabilité du premier répond donc de l’insolvabilité du second. La rigidité du statut de mainmorte inscrit ces communautés au rang de « corps universel » au même titre que les paroisses et les républiques ; la mainmorte apparaît en effet comme la conséquence patrimoniale de l’universitas. Le « corps universel » conjugue deux notions complémentaires : l’« universel » exprime une transcendance à travers le temps illustrée en droit successoral par la maxime « le mort saisit le vif » ; le « corps » évoque une solidarité sociale illustrée en droit fiscal par l’adage « le fort porte le faible ». Ces deux maximes possèdent une même forme qui est celle d’un interdit : une interposition entre deux termes en contradiction. « Le mort saisit le vif » appartient en effet à la doctrine des interdits possessoires et, au-delà de l’institution fiscale de l’État, « le fort porte le faible » apparaît aussi comme un interdit constitutif du « droit françois » qui émerge des guerres civiles dans le grand œuvre de systématisation des juristes étudiés. Les deux solidarités – verticale et horizontale – du « corps universel » s’entretiennent au registre de la convivialité. La règle « à même pain et à même pot » est en effet l’expression d’une sociabilité « taisible » qui conditionne la succession des corps de mainmorte et plus généralement des communautés coutumières. Ces communautés ont été interdites en février 1566 par l’ordonnance de Moulins contre le sentiment des juristes de droit coutumier qui étaient trop marqués par les massacres des guerres civiles pour ne pas comprendre que tout « corps » est le dépositaire de significations socialement opérantes en dehors des solennités de droit. La paroisse est moins une communauté légale qu’une communauté coutumière dont le caractère fraternel est signifié par un trait d’esprit humaniste : « Le puits fait la fratrie » (phrear unde phratrias). L’existence d’un bien commun (res publica) préside alors à la fraternité civile et donc à la solidarité fiscale.

    Marine Vigneron, La réglementation des assurances sur la vie en France (1681-1938) : éléments de comparaison avec l'Angleterre, thèse soutenue en 2020 à Toulouse 1  

    Dans un premier temps prohibées par l'Ordonnance de la marine de 1681, les assurances sur la vie vont finalement se développer en France en l'absence de toute réglementation. Il faut attendre la loi de 1850 pour voir une reconnaissance implicite de l'institution. Tout au long du XIXe siècle, une réglementation encadrant strictement l'installation et le fonctionnement des compagnies d'assurances va voir le jour. Cette réglementation française contraste avec le régime de liberté qui a cours en Angleterre. Notre étude aura pour objet d'observer l'évolution de la réglementation des assurances vie en France du XVIe au XXe siècle en comparaison avec le système en vigueur en Angleterre à ces différentes époques.

    Tom Le Crom, "Pour le bien de son service et soulagement de ses sujets" : le Parlement de Toulouse face aux nécessités publiques (1610-1652), thèse soutenue en 2020 à Toulouse 1  

    Menacé dans sa substance au milieu du XVIIe siècle, le parlement de Toulouse produit un discours en contradiction avec le développement de la puissance absolue du prince et de la centralisation monarchique. Dans ses remontrances, la cour souveraine rappelle au roi, par une argumentation historique, qu’elle est instituée : « pour le bien de son service et soulagement de ses sujets ». La formule trace les lignes de force structurant l’action parlementaire. Elle traduit la nécessité pour le parlement d’affirmer sa place dans l’intervalle défini par le double serment prêté au service du roi d’une part, et au service de l’intérêt du public d’autre part. Car entre ces deux jalons figure un espace d’autonomie dans lequel s’épanouit son autorité. Inquiet de voir ses libertés corrompues, il demande que lui soit laissé « le libre exercice de la justice souveraine ». Le parlement se pense et se donne à voir dans le récit de sa propre institution et les arrêts de sa cour, comme une partie fondamentale de l’Etat monarchique, pouvoir souverain, juge et gardien de la norme juridique. Néanmoins, la mise à l’épreuve de ce discours avec la réalité du positionnement parlementaire toulousain - depuis la mort de Henri IV et l’affirmation progressive du pouvoir absolu dans un moment de crises extrêmes pour le royaume, jusqu’à la fin de la Fronde et le retour de l’ordre dans son ressort -, tend à substituer l’image d’un parlement obéissant à la représentation d’une cour souveraine résistante. La thèse a pour objet de comprendre ce qui fait nécessité pour la cour souveraine de Toulouse dans la première moitié du XVIIe siècle. L’étude confronte la représentation d’un parlement, potentiel voire inéluctable contre-pouvoir, avec la réalité et la diversité de ses prétentions politiques et de sa production juridique. Elle se propose d’analyser la trajectoire singulière du parlement de Toulouse pris dans les convulsions du royaume - guerres civiles, guerre étrangère, crise économique, peste -, entre le service de l’Etat, les besoins des sujets de son ressort et la poursuite de ses propres causes, de 1610 à 1652. Alors qu’il défend le bien public et l’unité du royaume, il apparaît moins occupé à lutter contre la transformation du gouvernement au sommet de l’Etat, qu’à maintenir et repousser les limites horizontales de son pouvoir.

    Jérémy Maloir, Les ministres en Révolution (1789-1795) : du gouvernement à l'administration, thèse soutenue en 2019 à Toulouse 1  

    La crainte du « despotisme ministériel » est un point de ralliement des idéologies anti-absolutistes du XVIIIe siècle. Chacune défend, en effet, une nouvelle organisation du gouvernement dont les ministres ne seraient plus les organes. Si les parlementaires et les aristocrates échouent à renverser le régime absolutiste et ses puissants ministres, les États généraux de 1789 surmontent la résistance opposée par le Conseil du roi et se transforment en Assemblée nationale constituante. La rédaction d’une constitution doit alors permettre de séparer les pouvoirs et de limiter le gouvernement du roi et de ses ministres. La loi des 27 avril-25 mai 1791, relative au ministère, et la Constitution du 3 septembre 1791 déterminent ainsi l’organisation des départements ministériels, les fonctions de chaque ministre et celles collectivement exercées par le Conseil. Les agents du pouvoir exécutif jouent désormais un rôle secondaire dans le gouvernement de la nation, d’autant plus que l’Assemblée législative et ses comités, prenant l’ascendant sur eux, posent les fondements d’un régime d’assemblée. La chute de la monarchie le 10 août 1792 accentue cette domination du pouvoir législatif. Habilitée à élire les ministres, la Convention nationale accapare toutes leurs anciennes attributions gouvernementales, qu’elle exerce par l’intermédiaire de ses comités de gouvernement, dont les membres, bien qu’ils demeurent irresponsables, s’apparentent à de nouveaux ministres-gouvernants. Les membres du Conseil exécutif provisoire institué le 10 août 1792 sont, par opposition, des ministres-exécutants dépendants du corps législatif et cantonnés dans l’exercice d’activités subalternes. Leurs fonctions se trouvant réduites à celles de chefs d’une administration, ils sont remplacés par de nouvelles institutions, les commissions exécutives, en avril 1794.

    Manon Sereni, Le droit pénal du crédit dans la doctrine juridique, d’une crise à l’autre (1715 – 1789), thèse soutenue en 2018 à Toulouse 1  

    Ces recherches portent sur l’encadrement pénal de la monnaie fiduciaire au XVIIIe siècle, ainsi que sur la recherche d’un équilibre entre le débiteur et son créancier. Les banqueroutes frauduleuses et les malversations des particuliers, comme celles des comptables publics, portent atteinte à la confiance. Or celle-ci est nécessaire à la circulation des effets de papier. À ces crimes anciens, s’en rajoute un autre, qui a l’apparence de la nouveauté : l’agiotage. La spéculation est en plein essor. Quant à l’usure, ses contours restent incertains et des voix libérales demandent la fin de la prohibition du prêt à intérêt. La rareté du numéraire lors des guerres, les besoins pécuniaires d’un État sans cesse endetté, la nécessité de faire se rencontrer les capitaux et l’esprit d’entreprise pour développer l’industrie et le commerce, entraînent la recherche de solutions nouvelles. La problématique du crédit se pose tout au long du siècle des Lumières. La question est ici abordée par le biais de la doctrine juridique et criminelle, en tenant compte du contexte économique et politique dans lequel évoluent les jurisconsultes.

    Marina Dupuy, La doctrine juridique de Jean de Loyac (1560- 1637) , thèse en cours depuis 2017  

    Parce que la question de l'unité fait écho à des préoccupations juridiques et actuelles, les relations entre l'État et les cultes est un thème dont l'étude apparaît primordiale. Pour autant les concepts et le lexique qui servent encore aujourd'hui encore à les penser trouvent leur genèse dans les combats menés dans l'histoire à propos de la coexistence religieuse. La doctrine juridique et politique de Jean de Loyac est ici riche en apprentissage. Si elle n'a été l'objet que de rares analyses, ce constat renforce l'intérêt d'approfondir la réflexion de ce conseiller au parlement de Bordeaux, dont toute la richesse consiste à saisir les dimensions multiples de l'unité dans le contexte troublé du début du XVIIe siècle. En tant que professionnel du droit, son attention se porte principalement sur la paix de Vervins, l'Édit de Nantes et la convocation des Etats-Généraux en 1614, qui constituent à la fois l'origine et l'objet de son raisonnement. Toutefois, pour mettre en lumière la singularité de la pensée de Jean de Loyac ainsi que ses influences et sa place au sein de la doctrine parlementaire nationale et locale, cette monographie doit être enrichie par des comparaisons. N'ayant pas été le seul praticien à avoir posé la question de l'unité, sa réflexion doit être mise en relation avec celle de ses collègues. L'importance de l'étude des réactions des membres des parlements aux évènements du temps est soulignée non seulement par leur pouvoir en matière législative mais aussi leur conquête théorique et pratique de l'espace politique au moment des paix de religion. Par ailleurs, les liens qui unissent la Guyenne à Henri IV, le nombre de places de sûretés dans le sud-ouest du royaume, l'éloignement du roi et de son autorité mais aussi la proximité avec l'Espagne sont autant de raisons qui font des parlements du Midi de la Garonne un cas particulièrement intéressant. Ces magistrats tentent ainsi de trouver des solutions aux embarras de ce millésime troublé. En mettant en débat l'application des textes royaux, ils questionnent la définition de l'unité et les moyens de sa mise en œuvre. Est-il possible de penser l'unité au-delà de la réunion du triptyque « une foi, une loi, un roi » ? Pendant ces années charnières, tous ces juristes participent ainsi à la construction intellectuelle de l'État et des grandes notions plus tard débattues sur les relations entre l'État et les cultes. Cette effervescence de la pensée annonce l'exception juridique française ensuite exprimée en principes universels.

    Marina Dupuy, La tolérance face à la souveraineté dans les publications apologétiques de Jean Pey (1771 - 1793), thèse soutenue en 2015 à Toulouse 1  

    La tolérance est un concept présenté comme triomphant au XVIIIe siècle, en particulier à travers les écrits des philosophes des Lumières. Notion philosophique mais aussi juridique qui porte en elle, par son étymologie latine, le concept de « souffrance », elle désigne initialement l'acceptation bienveillante d'une situation qui devrait être combattue. Avec l'avènement et la diffusion du protestantisme en Europe, le mot prend un sens nouveau. Une mutation s'opère dès le XVIIe et atteint sa maturité au XVIIIe siècle. La tolérance devient une « vertu » qui permet l'harmonie au sein de la société et qui s'oppose à l'« intolérance », que l'Encyclopédie de Diderot et D'Alembert décrit comme « la discorde et le fanatisme ». Toutefois, cette approche de la philosophie nouvelle ne fait pas l'unanimité. Beaucoup de contemporains réagissent et présentent la tolérance de leur siècle comme abusive, allant jusqu'à employer le terme péjoratif de « tolérantisme ». Pour eux, elle s'inscrit dans une dénonciation plus générale de l'absolutisme qui ne peut que nuire à la souveraineté de l'Église et de l'État. L'apologétique catholique s'inscrit dans cette ligne doctrinale. Loin d'appeler à une intolérance « sanguinaire », elle prône une vision plus modérée, plus en accord avec le précepte fondamental du christianisme qu'est la charité. Dans ce contexte conflictuel, les écrits de Jean Pey fournissent un témoignage des querelles liées à cette notion. Apologiste de la seconde moitié du XVIIIe siècle, chanoine de Notre-Dame de Paris, il publie une dizaine d'ouvrages entre 1771 et 1793. Attaché à défendre l'alliance respectueuse des deux puissances, les droits de l'Église face à l'ingérence de l'État et la défense d'une souveraineté fondée sur l'origine divine, l'abbé Pey ne s'intéresse pas à la tolérance uniquement d'un point de vue théologique ; il lui prête des conséquences politiques. Le « système de la tolérance » – comme il le nomme – entraîne une rupture de l'union du Trône et de l'Autel ; il sape la religion et la légitimité qu'elle apporte à la souveraineté. La tolérance n'est qu'une émanation des aspirations libérales des ennemis des deux puissances qui engendre l'indépendance et la révolte, destructrices de la souveraineté et de l'autorité de l'Église et de l'État. Sa critique de la tolérance n'a pas pour seul objet l'évolution sémantique de la notion ; elle veut mettre en lumière l'enjeu de cette notion : les rapports entre la puissance temporelle et spirituelle. En ce sens, le combat contre la tolérance de l'abbé Pey devient une défense de la souveraineté commune des deux puissances. Son système absolutiste est fondé à la fois sur l'origine divine de l'Église et de l'État ainsi que sur la nécessaire obéissance que leur doivent les sujets et les fidèles. La tolérance que le chanoine dénonce, parce qu'elle incarne une forme de liberté et de pluralité de religion, anéantie les fondements de la souveraineté. Le rejet de la tolérance n'est donc pas seulement une nécessité dogmatique ; c'est une obligation pour assurer la survie de la souveraineté. La défense apologétique que propose Jean Pey est riche par la diversité de ses adversaires : jansénistes, philosophes, protestants ou encore certaines pratiques gallicanes. Cette pluralité implique le recours à un argumentaire varié quant à ses thématiques. Il oppose une importante résistance aux changements idéologiques auxquels il objecte la force d'une doctrine catholique respectueuse de Rome et de Paris. Dans ce paradigme, la place de la religion dans la société civile ainsi que la capacité normative de l'État et ses limites sont des thèmes clefs qu'il confronte aux appels à la tolérance et aux propositions libérales de son temps. Auteur qui refuse l'évolution qui suit la fin de l'Ancien Régime et qui voit dans la Révolution l'aboutissement de l'« impiété » et des erreurs de son temps, Jean Pey souhaite substituer aux idéaux de liberté des Lumières une doctrine d'ordre et d'unité.

    Jayson Martens, Les théories distributistes en Grande-Bretagne durant la première moitié du XXe siècle, thèse en cours depuis 2014 

    Ambroise Garlopeau, Le bornage au XIXe siècle , thèse soutenue en 2007 à Poitiers  

    Au XIXe siècle, la propriété foncière fait l'objet des plus âpres convoitises : c'est à la fois une source de revenus, de liberté et de prestige. La majeure partie de la population tire sa subsistance de la terre et chacun souhaite arrondir son domaine. Mais la propriété engendre le voisinage et rend nécessaires les délimitations. La passion pour la terre se double alors d'une passion pour le mesurage et la plantation des bornes. Les limites des propriétés sont le théâtre d'incessantes batailles entre les voisins. Les campagnes françaises se couvrent de procès nés de l'incertitude des limites des héritages. Juristes et géomètres s'associent pour construire un régime juridique stable et offrir des solutions satisfaisantes aux propriétaires, toujours désireux de jouir de leurs biens en toute tranquillité. Le bornage devient ainsi le plus beau symbole de la propriété exclusive et un instrument efficace de régulation des conflits sociaux.

    Christophe Lossot, Justice et tradition d'Ancien régime chez les publicistes napoléoniens, thèse soutenue en 2006 à Poitiers  

    Au 18 brumaire, la magistrature est confrontée à un vide judiciaire qui la laisse dans un grand désarroi. Aussi les hommes du palais entendent-ils participer aux grandes réformes napoléonniennes pour réaliser les fameuses "masses de granit", notamment par l'intermédiaire d'une abondante litterature judiciaire. Hantés par le souvenir de la Terreur et de l'esprit de table rase révolutionnaire, les juristes du XIX° siècle s'en remettent à l' "expérience" pour composer leur idéal de justice, c'est-à-dire à une tradition d'Ancien régime. . . Qu'ils ont bien connue. Dans l'ensemble, tous furent avocats-bourgeois au parlement durant le siècle de Louis XV et, à ce titre, ils alimentèrent les Lumières et l'esprit de réforme qui soufflaient sur la monarchie jusqu'à la réunion des Etats généraux. Mais si la suppression des cours souveraines en 1790 fut décidée sans grande opposition, les publicistes napoléoniens, bercés par une incroyable nostalgie, plaident la cause de ceux qu'ils considèrent désormais comme leurs prédécesseurs. Devenus notables-magistrats, ils souhaitent revêtir le manteau de la dignité des hauts juges d'Ancien régime, réaliser en quelque sorte un rêve du XVIII° siècle que l'arrogance des anciens parlements ne leur avait pas autorisé. Ainsi, loin des idées reçues, la littérature judiciaire napoléonnienne n'est pas simplement dévouée à l'Empereur. Les discours des juristes du Consulat et de l'Empire révèlent les attentes d'un monde qui veut recommencer le XVIII° siècle à la lueur des cahiers de doléances, enrichi toutefois par l'échec révolutionnaire. Mais derrière le souci manifeste de réformer la justice, se cache une ambition politicienne chère aux yeux des notables, celle de recomposer le prestigieux corps de la magistrature pour faire du juge le représentant d'un véritable pouvoir judiciaire. De quoi rappeler le souvenir des mythes parlementaires. . .

  • Arnaud de Solminihac, La vie privée : les racines d'un concept juridique protéiforme, thèse soutenue en 2022 à Université ParisPanthéonAssas sous la direction de François Saint-Bonnet, membres du jury : Raphaël Eckert (Rapp.), Capucine Nemo-Pekelman, Franck Roumy, Henri Torrione et Nicolas Sild  

    La notion juridique de vie privée au sens d’un droit générale de mener sa vie comme on l’entend est une notion très récente en droit français. Avant la Seconde Guerre mondiale, la vie privée est essentiellement protégée au travers des supports fonctionnels (le domicile, les correspondances, etc.) et des concepts précis (l’obligation de confidentialité, la diffamation etc.). Cette thèse entend néanmoins montrer par l’histoire la cohérence ancienne qui existe entre ces multiples protections qui entendent protéger la faculté de l’individu de se conduire comme il l’entend dans la mesure où son action n’est pas publique. Les juristes modernes sont marqués par l’idée selon laquelle l’homme doit se voir reconnaître tant par de nombreux juristes modernes un droit naturel à la maîtrise de ses affaires privées. Au-delà du droit de propriété, cette sûreté, qui couvre l’ensemble de la vie privée, est présente dans la property lockéenne et donc dans les différentes déclarations des droits du XVIIIe siècle qui sert de fondement direct à la privacy américaine. Elle désigne initialement une liberté éminemment négative ayant pour vocation de laisser l’homme tranquille contre les intrusions dans la vie privée sans décision politique, sans causes légitimes et de manière à remettre en cause un certain partage fonctionnel entre ce qui relève du public et du privé.

    Audrey Virot, Les négociations diplomatiques entre la France et le Saint-Siège de 1870-1939, thèse soutenue en 2013 à Paris 11 sous la direction de Brigitte Basdevant-Gaudemet et François Jankowiak, membres du jury : Carlo Fantappiè (Rapp.), François Saint-Bonnet (Rapp.), Jean-Philippe Schreiber (Rapp.), Jean-Jacques Bienvenu  

    Entre 1870 et 1939, les relations diplomatiques entre le Saint-Siège et la France sont sans nul doute tumultueuses. La période est marquée à Rome par la fin de l’État pontifical et la perte consécutive de la souveraineté temporelle pour le Saint-Siège en 1870, rétablie sous la forme de l’État de la Cité du Vatican, par la signature des Accords du Latran avec le royaume d’Italie en 1929. En France, le début de la Troisième République se caractérise par un anticléricalisme actif, qui atteint son paroxysme au début du XXe siècle, avec la suppression de l’ambassade de France près le Saint-Siège, suivie de la loi de séparation de 1905, mettant fin au régime concordataire. À la faveur des évènements de la Première Guerre mondiale, un rapprochement s’opère entre la France et le Saint-Siège, concrétisé en 1921 par le rétablissement de relations diplomatiques officielles.L’existence de relations diplomatiques entre deux États a notamment pour objectif de constituer un cadre privilégié pour la menée de négociations. Pendant la Troisième République, les sujets de débat sont nombreux entre les gouvernements français et pontifical. Le caractère juridique a été utilisé comme critère de sélection des affaires. L’étude des modalités de négociation permet de mettre en évidence trois phases chronologiques distinctes, qui dépendent de la combinaison de deux éléments : l’existence ou non de rapports diplomatiques officiels et le cadre juridique – concordataire ou de séparation – qui sert de toile de fond à ces tractations. Pour appréhender de manière pertinente cette évolution des modalités de négociation, il faut déterminer au préalable le cadre institutionnel français et pontifical, décisif pour l’orientation du rapport de forces dans les tractations. Par cette analyse, on constate un rééquilibrage du rapport de forces dans le temps entre la France et le Saint-Siège et une incapacité à rompre de manière absolue les contacts. La variété des intérêts à défendre, en France, à Rome mais aussi plus largement dans le monde, explique que malgré de vives oppositions, la France et le Saint-Siège trouvent toujours un accord.