Christophe Perrone, Le statut juridique de la médecine non conventionnelle en France : une intégration possible dans le droit de la santé ?, thèse soutenue en 2024 à Université Côte dAzur, membres du jury : Guylène Nicolas (Rapp.), Danièle Cristol (Rapp.), Christian Vallar
La médecine non conventionnelle occupe une place particulière au sein de la société française. Ce fait sociologique atteste de l'ampleur du phénomène et amène légitimement à penser qu'une appropriation du sujet par les pouvoirs publics est à l'œuvre. Or, il n'en est rien officiellement. Les praticiens de soins non conventionnels se retrouvent dans une zone de non-droit, ne bénéficiant d'aucune forme de reconnaissance légale et demeurent ainsi passibles d'exercice illégal de la médecine. Cette affirmation souffre toutefois d'une exception notable. Les professions d'ostéopathe et de chiropracteur jouissent d'un statut de professions « autonomes » et réglementées vis-à-vis du corps médical. Le « médicament non conventionnel » hérite quant à lui d'un statut morcelé entre le produit de santé, le complément alimentaire et le produit cosmétique. Dans le domaine de la médecine complémentaire, séparer le bon grain de l'ivraie n'est pas chose aisée. Qu'il s'agisse de thérapies du corps, de l'esprit, ou de traditions de soins ancestrales à l'image de la médecine traditionnelle chinoise, un tri doit s'opérer afin de ne conserver que les pratiques les plus éprouvées au plan scientifique. Toute méthode dangereuse ou sectaire doit être rejetée avec la plus grande vigueur. Parallèlement, l'appréhension de la médecine non conventionnelle comme « objet juridique » ne pourra se faire qu'après un travail préalable visant à identifier les différents niveaux d'intégration au sein de notre système de santé. Si le délit d'exercice illégal de la médecine continue d'être caractérisé envers des praticiens non médecins qui se livreraient à des actes médicaux (diagnostic, traitement), l'hétérogénéité des condamnations révèle une conception fluctuante dans l'application de la règle de droit par le juge. Le renforcement du mouvement en faveur des droits créances, notamment dans le domaine de la santé, plaide pour une action dirigée envers la médecine non conventionnelle. Ce nouveau pilier normatif se traduira par des propositions concrètes relevant du « droit dur » et du « droit souple » et la défense d'une certaine vision de la santé. À savoir la consécration d'un droit naturel pour l'ensemble des usagers à pouvoir accéder à la forme de soin la plus appropriée et la garantie de la pleine et entière effectivité juridique au sein de notre système de santé.
Mohamed El Arbi Aoka, Le rôle de la propriété foncière privée dans le développement urbain. Une lourde contribution des propriétaires, thèse soutenue en 2023 à Université Côte dAzur, membres du jury : Florence Lerique (Rapp.), Jean-Charles Froment (Rapp.), Florence Nicoud
L'urbanisme met en jeu, le plus souvent, un rapport juridique entre deux parties différentes. D'une part, la personne publique habilitée par le législateur à mener des politiques publiques en matière d'urbanisme, et, d'autre part, les propriétaires dont la propriété privée est l'enjeu principal de ces politiques. Lors de son rapport annuel de 1992, « L'urbanisme, pour un droit plus efficace », le Conseil d'État précise que l'intervention du législateur « a pour objet la conciliation de l'intérêt général avec les intérêts particuliers des propriétaires du sol et des constructeurs ». Un objectif qui, de plus en plus, semble loin d'être évident. D'abord, pendant les deux dernières décennies, le droit de l'urbanisme a vu apparaître tout un arsenal de lois intervenant dans plusieurs domaines qui entretiennent avec lui des liens étroits tels que l'environnement, le logement, le patrimoine, l'étalement urbain, etc. Ces exigences d'intérêt général, qui ne cessent de s'alourdir et de s'enrichir, provoquent inéluctablement une ingérence massive de l'action publique sur la propriété privée, et ce, en raison de sa contribution importante aux nécessités du développement urbain. Ensuite, l'exigence du respect du droit de propriété qui demeure une question importante ne constitue pas un obstacle efficace à cette ingérence incontournable de l'action publique. Raison pour laquelle la conciliation de l'intérêt général avec les intérêts privés des propriétaires s'inscrit dans un cadre essentiellement défavorable pour les propriétaires. Sur ces considérations, notons que si la propriété privée est traditionnellement protégée par principe par les textes et les jurisprudences européenne et française, le droit de l'urbanisme malmène cette conciliation, et cette tendance n'a fait que s'amplifier avec les dernières créations législatives. Cela a fait de la conciliation d'intérêts un défi difficile à maîtriser lors du processus décisionnel, tant sur le plan urbain qui atteste une primauté excessive de l'intérêt général sur l'intérêt privé des propriétaires (Partie I), que sur le plan patrimonial qui atteste une primauté progressive de l'intérêt général sur l'intérêt privé des propriétaires (Patrie II).
Mazigh Chaher, Les collectivités territoriales et les énergies renouvelables, thèse soutenue en 2022 à Université Côte dAzur, membres du jury : Florence Lerique (Rapp.), Pierre Esplugas-Labatut (Rapp.), Christian Vallar
La transition énergétique, entendue comme le passage progressif du modèle énergétique actuel à un modèle énergétique fondé essentiellement sur des énergies décarbonées, a induit une responsabilisation accrue des collectivités territoriales et de leurs groupements dans le sens où ils doivent désormais assumer à travers des leviers juridiques particulièrement effectifs et opérationnels une part importante de la mission consistant à accélérer le développement des énergies renouvelables. Dans ce cadre, on assiste depuis le début des années 2000 à un accroissement des compétences des collectivités territoriales et des groupements de collectivités dans les matières touchant de près ou de loin à la transition énergétique, cela témoigne de la prise de conscience par les pouvoirs publics du rôle incontournable de ces collectivités dans la transition énergétique et de la nécessité de renforcer cette intervention à travers la création de compétences ex nihilo ou en procédant à des transferts de compétences de l'État vers les collectivités territoriales. Ce mouvement a été notamment favorisé par la libéralisation du marché de l'énergie qui a créé un terrain fertile à l'intervention économique des collectivités territoriales dans le secteur énergétique. L'objet de cette thèse est de démontrer que la mise en œuvre de la transition énergétique au niveau local est inextricablement liée à la problématique de la décentralisation territoriale et que donc le renforcement de la place de l'échelon local, exigé par la transition énergétique, se heurte aux limites et contradictions de ladite décentralisation.
Alain Lucas, Le pari infructueux de la décentralisation au service de la démocratie de proximité en France, thèse soutenue en 2021 à Université Côte dAzur, membres du jury : Jean-Charles Froment (Rapp.), Florence Lerique (Rapp.), Pauline Türk
Le désenchantement et l’essoufflement démocratique sont un fait pour tous les scrutins, y compris municipaux. L’abstention et les votes hors-système progressent notamment auprès des 18-34 ans. La décentralisation engagée, en 1982, avait pour ambition de rapprocher les élus des citoyens. La performance démocratique a fait illusion. De façon empirique, cette thèse a pour objet d’analyser s’il existe un parcours avéré au sein du personnel politique qui permet de construire une carrière en politique. Au cœur de la sphère politique, le pouvoir politique, né de la décentralisation, s’organise entre lui et détourne ainsi le citoyen des urnes. Aucune des lois subséquentes de décentralisation n’a amélioré la perception que le citoyen a de la politique, considérée d’abord, au service des politiques. La République décentralisée montre que la transformation de la démocratie est profondément affectée par un mode de fonctionnement de l’entre-soi : horsolisme qui éloigne les politiques de la réalité. De même, la normalisation de la pratique politique, en œuvre depuis les lois de 1982, nivelle l’action publique, annihile les clivages habituels et alimente la déconnexion de deux mondes. Le réalignement politique engagé par la décentralisation ne serait-il pas le dénouement d’un délitement de la représentation, oubliée par des élus, devenus des professionnels de la politique, au profit du public dont l’appétence pour le débat reste vivace mais sans représentant légitimé ?
Mahraz Garouach, La transformation du droit à l'épreuve de la lutte contre le terrorisme , thèse en cours depuis 2019
L'état d'urgence, suivi de la mise en application de mesures d'exceptions qu'il prévoit, ainsi que les mesures de prolongements de ce dispositif exceptionnel malgré la disparition des conditions légales de sa mise en uvre semble tendre vers un droit spécial du terrorisme, dérogatoire au droit commun mais soumis aux contraintes de l'État de droit, constituant ainsi une nouvelle branche autonome et intégrée, du droit français.
Xavier Wiik, Les réponses institutionnelles de l'Etat de droit français dans la lutte contre le terrorisme, thèse en cours depuis 2019
Pour faire face à de nouvelles formes de terrorisme, l'État de droit français a du adapter son arsenal législatif, pour apporter une réponse en adéquation avec la menace. Les attentats perpétrés sur le sol français, notamment lors de la dernière décennie, démontrent la difficulté à définir ce risque protéiforme, compliquant d'autant la lutte. Si les réponses évoluent au gré des alternances politiques et des circonstances, elles sont également soumises aux exigeants contrôles des juridictions suprêmes nationales, garantes des libertés publiques. Le phénomène de mondialisation, ce paradigme postmoderne, n'épargne pas le droit et dans ce nouvel espace mondial interdépendant, des cours supranationales ont une influence grandissante sur les domaines régaliens qui, autrefois, relevaient de la seule souveraineté nationale. Mais peut-on combattre le mal absolu en respectant les droits de l'Homme ? Justice d'exception ou droit commun : le droit est mis à l'épreuve des nouvelles formes de terrorisme, dans un ensemble mondialisé, l'État de droit français est-il en mesure de protéger la démocratie au sein de notre République ? Ce travail a pour ambition d'analyser le droit sous le prisme de la société au sein de laquelle il s'applique pour en comprendre les rouages de la réponse institutionnelle.
Sylve Guedou, Les contrats publics à financement privé Réflexions sur le régime juridique des contrats de partenariat public-privé en Afrique de l'Ouest, thèse en cours depuis 2018 en co-direction avec Nicaise Mede
La crise financière de 2008 a mis le continent africain face à la pire crise de son histoire, laissant une marque indélébile sur le développement et la gestion des infrastructures publiques. En Afrique et au Bénin plus particulièrement, la question des infrastructures publiques reste entière. D'après une étude de la Banque mondiale, les besoins annuels d'infrastructures en Afrique sont estimés à 93 milliards de dollars . Face à l'importance des investissements et à la rareté des deniers publics, le financement des infrastructures apparaît comme un fardeau, à l'heure où les restrictions budgétaires s'imposent à tous. Au Bénin, la capacité de l'Etat à prendre en charge de manière indépendante le financement de projets d'infrastructures utiles au développement est fortement limitée. En effet, le Bénin est un pays pauvre classé parmi les pays pauvres très endetté et où le besoin d'infrastructures publiques se fait ressentir cruellement. L'aveu d'impuissance de l'État s'exprime à la fois dans l'entretien des infrastructures existantes, mais également et surtout dans le financement de nouvelles infrastructures c'est-à dire la construction, l'organisation et l'achèvement des travaux publics et des services publiques, lesquelles doivent s'adapter aux nouveaux enjeux du monde. Le financement des infrastructures pèse lourd dans les comptes publics, car elles sont majoritairement déficitaires et leurs coûts de fonctionnement et de modernisation ne peuvent plus être honorés par le pouvoir public. Fondamentalement, les ressources de l'Etat béninois proviennent des recettes exceptionnelles tirées de l'exportation des biens et services, de l'impôt versé par les contribuables, de l'emprunt et de l'aide apportée par la coopération internationale. Face à ses besoins en investissement, l'Etat fait appel à des stratégies et à des moyens juridiques lui permettant de se doter d'infrastructures publiques. C'est alors que l'Etat béninois comme la plupart des Etats, s'est tourné vers le secteur privé pour le financement de ses travaux et services publics. Le recours aux financements privés préexistait sous la forme des délégations de service public avec la loi n°2009-02 du 7 août 2009 portant Code des marches publics et des délégations de services publics en République du Bénin. Il s'est davantage renforcé avec l'adoption le 11 octobre 2016 de la loi 2016-24 portant cadre juridique du Partenariat Public Privé du Bénin. Depuis une vingtaine d'années, les partenariats Public-Privé (PPP) sont devenus l'un des modes les plus utilisés de financement des infrastructures publiques dans le monde. Débuté en Grande Bretagne à l'entame des années 92, ce système s'est progressivement répandu dans le reste du monde. Ces politiques, sont notamment soutenues et promues dans les pays africains et au Bénin notamment par la Banque mondiale et l'OCDE mais aussi des organismes comme l'AFD et l'Union européenne. La notion de partenariat public-privé (PPP) n'est pas définie en droit. Ce terme se réfère en général à une pluralité de contrats globaux de longue durée qui visent à assurer le financement, la construction, la rénovation, la gestion ou l'entretien d'une infrastructure ou d'un service public par une personne de droit privé. La loi du 11 octobre 2016 sur les PPP au Bénin ne définit pas non plus de façon précise la notion de PPP. Les articles 1 et 4 de cette loi se contentent d'énumérer un ensemble de montages contractuels relevant à la fois des conceptions francophones et anglo-saxonnes des PPP. Le concept d'infrastructure a été utilisé à l'origine dans le domaine du génie civil, puis dans l'urbanisme. Le dictionnaire généraliste définit le terme d'infrastructure comme un ensemble d'ouvrages constituant la fondation et l'implantation sur le sol d'une construction ou d'un ensemble d'installations (par exemple routes, voies ferrées, aéroports). La réalisation et l'entretien des infrastructures, destinés à satisfaire, directement ou indirectement, les besoins collectifs du public relèvent à priori de la responsabilité de l'Etat. L'
Geneviève-Lea Raso, La quête identitaire de l'Etat turc : Etats, Nations, nationalismes de 1839 à nos jours, thèse soutenue en 2017 à Université Côte dAzur ComUE, membres du jury : Marie-José Domestici-Met (Rapp.), Jean-Luc Pissaloux (Rapp.), Patrick Auvret
En Turquie, la question de l’identité est au cœur de bien des problèmes. Après la période de Mustafa Kemal qui a tenté d’imposer une définition de l’Etat, laïc et turc, celle-ci n’a pas résisté à la disparition du fondateur de l’Etat-nation.Les années qui ont suivi ont vu l’arrivée du multipartisme au pouvoir et l’apparition d’une autre définition de l’identité turque, supposée créer un consensus au sein de la Nation turque : la synthèse turco-islamique. Les heurts et les tensions ont montré les limites de la définition étatique de l’identité turque et les années dites de plomb ont été dominées par deux forces nationalistes, l’Etat-profond et l’ultranationalisme des Loups gris, mouvement d’extrême-droite. L’affaire de Susurluk a permis de voir émerger une nouvelle tendance, le nationalisme des Ulusalcilik d’inspiration laïque, mais aussi le néo-ottomanisme, avec l’arrivée au pouvoir de l’AKP et l’émergence d’une nouvelle identité, plus large : Türkyeli (ou de Turquie). Mais les conflits au Moyen-Orient et le glissement de l’AKP vers un régime islamiste, brouille une fois encore l’identité nationale.
Vincent Bicini, Le droit de l'urbanisme et la ségrégation urbaine, thèse soutenue en 2016 à Université Côte dAzur ComUE, membres du jury : Christophe Gibout (Rapp.), Bertrand Pauvert (Rapp.), Catherine Mamontoff et Emmanuelle Deschamps
L'ordre et le désordre. Cette simple phrase résume à elle seule l'évolution du droit de l'urbanisme. Naguère ambitieux, quelques fois abscons mais toujours clair sur ses objectifs, efficace, ce droit est devenu bavard, brouillon, incohérent. L'objet de notre recherche a été donc de comprendre cet avachissement qui n'en finit plus, pour cela il nous fallait identifier le thème moteur de la discipline : la lutte contre la ségrégation urbaine. La L.O.V., ainsi que les lois S.R.U. et A.L.U.R. le confirmaient. L'étude de la lutte contre la ségrégation urbaine par le droit de l’urbanisme impose d'être abordée sous différents approches. La première est très chronologique et nous renvoie aux débuts juridiques de la matière, au moment de la création de l'ordre urbanistique, qui ne cessa de croître et de se perfectionner. Il nous transporta ensuite au moment de la critique de cet ordre, puis à sa lente déconstruction, destruction, puis à son remplacement. Il nous conduisit enfin au moment où les masques tombèrent, quand les illusions se dissipèrent et laissèrent place au désarroi urbanistique ; ce moment où les pouvoirs publics semblaient donner corps à la maxime d'Henri Bergson : Le désordre est simplement l'ordre que nous ne cherchons pas. Ce constat d’échec fut le point de départ de notre seconde approche. Ce droit crépusculaire se maintient contre vents et marrées. L'étude des traitements de la ségrégation urbaine éclaire une réalité, les pouvoirs publics ont focalisé leur attention sur les métropoles, et ont laissé de côté la « France périphérique ». Ceci explique à la fois pourquoi ce droit s'est maintenu jusqu'à présent et pourquoi il est à terme condamné.
Billel Djerafi, L’accès aux ressources génétiques et le partage des avantages découlant de leur utilisation face à la brevetabilité des inventions biotechnologiques. Une question conflictuelle à l’épreuve des rapports Nord/Sud, thèse soutenue en 2016 à Nice, membres du jury : Rahim Kherad (Rapp.), Marie-José Domestici-Met (Rapp.), Jean-Marie Rainaud
La Convention sur la diversité biologique (CDB, 1992) a établi pour la première fois en droit international un système d’accès aux ressources génétiques (RG) et du partage des avantages qui découlent de leur utilisation (système d’APA). Ce système se base sur la reconnaissance de la souveraineté des États sur leurs ressources naturelles, censée leur permettre d’en contrôler l’utilisation et bénéficier des avantages qui en découlent. La Convention se présentait alors comme un acquis pour les pays du Sud, principaux fournisseurs des RG et par conséquent principaux bénéficiaires de ce système. Deux ans après la conclusion de la CDB, l’Accord sur les aspects de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce (l’Accord) a été conclu sous l’égide de l'OMC. Sous l’influence des pays du Nord, cet Accord étend le champ de la brevetabilité à toutes technologies, y compris celles qui étaient auparavant exclues de ce champ par de nombreux pays, notamment du Sud. Les biotechnologies sont les principales technologies visées par cette obligation. À cet égard les pays du Sud ont exprimé leur réticence en considérant que l’ADPIC n’est pas adapté aux exigences du système d’APA de la CDB puisqu’il permet la brevetabilité des RG qui sont à la base des biotechnologies sans prendre en considération ces exigences. Ces pays ont en outre estimé que l’Accord risque de compromettre la mise œuvre de ce système. Dès lors les deux textes se sont retrouvés au centre d’un réel débat, entre les pays du Sud et les pays du Nord que ce soit pour condamner leur incompatibilité ou pour défendre leur synergie. Un débat qui révèle un réel clivage Nord/Sud autour de nombreuses questions.
Souhila Canale, La justiciabilité de la Charte sociale européenne, thèse soutenue en 2012 à Nice
La Charte sociale européenne est avec la Convention européenne des droits de l’homme, l’un des deux traités phares du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme. Elle est le pendant de la Convention européenne des droits de l’homme dans le domaine des droits économiques et sociaux. Elle couvre un large éventail de droits relatifs au logement, la santé, l’éducation, l’emploi, la protection juridique et sociale, la circulation des personnes et la non-discrimination. La Charte sociale européenne, signée en 1961 et révisée en 1996, sauvegarde les droits économiques et sociaux de l’homme et établit un système de contrôle qui garantit leur respect par les États parties. Ce contrôle peut s’effectuer par des rapports biennaux remis par les États ou par la procédure de réclamation collective devant le Comité européen des droits sociaux, instituée par le Protocole de 1995. Ce Comité statue en droit sur la conformité des situations nationales avec la Charte. La justiciabilité de la Charte sociale européenne met en avant le problème de l’opposabilité des droits sociaux contenus dans la Charte. Les droits sociaux sont souvent considérés comme un obstacle au profit économique dans un marché mondialisé. Dans de nombreux pays les droits sociaux sont mis à rude épreuve en raison de la crise économique actuelle. Il faut continuer à défendre leur effectivité juridique, car la Charte sociale est appelée à jouer un rôle essentiel, permettant d’empêcher l’exclusion sociale et de renforcer la cohésion sociale dans les États membres. En conséquence la Charte est un outil au service du développement intégral et durable de nos sociétés.
Arnaud Bussiére, L'opération d'intérêt national, une opération d'aménagement particulière, thèse en cours depuis 2010
L'Opération d'Intérêt National (O.I.N.) n'est vraiment pas une opération d'aménagement comme les autres. Son histoire, son évolution, son influence et ses caractéristiques en attestent. Longtemps sans définition légale ou réglementaire, c'est la jurisprudence qui, dans un premier temps, nous a permis d'y voir plus clair sur sa nature (une opération d'aménagement), les autres sources du droit demeurant fort silencieuses. Toutefois, le législatif a fini par intervenir pour mettre fin au doute. Issue de la décentralisation, de la volonté de l'État de conserver sa compétence sur des opérations couvrant des secteurs qu'il jugeait stratégiques, elle s'est pourtant muée en instrument idéal de l'urbanisme de projet et s'est donc parfaitement intégrée à la décentralisation et aux nouveaux modes d'actions de l'État, mêlant interventions ponctuelles et stratégiques et soft law. Partant de La Défense, des ports autonomes et des villes nouvelles, l'O.I.N. est devenue un véritable projet urbain, en épousant tous les traits. Intégration du développement durable et utilisation décomplexée du marketing territorial sont devenus deux caractéristiques substantielles des nouvelles O.I.N., celles lancées à partir d'Euroméditerranée à Marseille en 1995. L'accent peut y être mis sur différentes actions, mais les axes majeurs de l'opération restent toujours les mêmes. Douze années d'évolution et de maturation des nouvelles pratiques de l'aménagement ont fait de l'O.I.N. ce qu'elle est maintenant, un méta-projet de grande envergure qui permet la mise en uvre de projets concrets qui changent beaucoup la physionomie d'une agglomération ou l'aide à sortir d'un déclin qui semblait inéluctable. Sa souplesse exceptionnelle qui pourrait presque la faire passer pour une « coquille vide » et son régime dérogatoire font qu'elle peut convenir à tous les acteurs de l'aménagement tant publics que privés, tout en rassurant les investisseurs qui vont rendre ses projets concrets réalisables. Ne pouvant fonctionner que parfaitement concertée, elle peut permettre de réconcilier les visions étatique et locale sur un territoire donné. Son régime juridique minimal, la prémunit contre de nombreux risques et lourdeurs qui peuvent peser sur d'autres instruments de l'aménagement. Son échelle massive la rend aussi bien plus adaptée que les outils « traditionnels » de l'aménagement. L'O.I.N. est donc l'outil idoine pour marquer l'engagement de l'État dans un grand projet d'ambition nationale, voire internationale, pour attirer des partenaires d'envergure et conserver la réactivité et l'adaptabilité propres à la démarche de projet. Ses caractéristiques, la rendant éminemment pratique, ont beaucoup influencé le législateur et le pouvoir exécutif qui ont souhaité l'étendre, la décliner et l'adapter à d'autres échelles territoriales, financières. D'autres instruments juridiques en sont les héritiers plus ou moins directs : le Quartier d'Intérêt National, le Contrat d'Intérêt National, le Contrat de Développement Territorial ou encore le Projet d'Intérêt Majeur. Au-delà des similitudes terminologiques, ces outils ont un lien de parenté clair et vérifiable avec l'O.I.N. Outil à la fois politique et juridique, s'intégrant à merveille dans l'aire du temps, sa souplesse providentielle selon les conceptions nouvelles du droit de l'aménagement, ne manquera pas de lui permettre d'évoluer en même temps que les pratiques de ce dernier. L'O.I.N. a encore de beaux jours devant elle sous forme originelle ou dérivée.
Ryoko Kusumi, Nuclear safety, nuclear liability, and the role of the State : lessons from the Fukushima accident, thèse soutenue en 2023 à AixMarseille sous la direction de Marie Lamoureux, membres du jury : Christophe Krolik (Rapp.), Sandrine Maljean-Dubois et Marc Léger
À la suite de l'accident de Fukushima du 11 mars 2011, la confiance dans l'administration de la sûreté nucléaire du Japon a été complètement perdue et le Japon a été contraint de reconstruire fondamentalement son administration de la sûreté nucléaire. La première étape a été l'établissement d'une nouvelle autorité de régulation nucléaire, en tant qu'organisme indépendant. Concernant l'indemnisation des dommages causés par l'accident de Fukushima, l'exploitant de l'installation nucléaire a été déclaré exclusivement responsable des dommages résultant de l’accident. La responsabilité directe de l'État n’a pas été retenue et une contribution a été imposée aux autres exploitants nucléaires pour soutenir l'indemnisation par l'exploitant de la centrale de Fukushima. L'État doit assumer deux fonctions essentielles en matière nucléaire, à savoir garantir la sûreté nucléaire pendant la période d'exploitation normale (sûreté nucléaire) et assurer la protection et l'indemnisation des victimes en cas d'accident nucléaire (responsabilité nucléaire). En réponse à l'accident de Fukushima, divers changements ont été apportés au régime juridique applicable à ces deux aspects et de nouvelles règles et institutions ont été établies. L'accident de Fukushima a été une rare occasion d’évaluer les pratiques en vigueur dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la responsabilité civile nucléaire, et d'améliorer leur mise en œuvre. L'objectif de cette étude est donc d'examiner si ces évolutions sont réellement satisfaisantes et suffisantes, en mettant l'accent sur le rôle de l'État, afin d'éviter tout risque futur et d'assurer la protection des victimes
Élie Maniragora, La médiation internationale et la problématique de la paix en Afrique : le cas du Burundi, thèse soutenue en 2021 à AixMarseille sous la direction de Anne Meyer-Heine, membres du jury : Jean-François Akandji-Kombé (Rapp.), Marie-José Domestici-Met, Serge Rumin et Éric Gasparini
Sollicitée ces dernières années pour faire face aux crises politiques internes devenues inextricables dans la quasi-totalité des pays africains, la médiation internationale se présente pourtant en sciences juridiques, comme un champ d’étude encore en quête d’identité. Il n’en reste pas moins vrai que ce mécanisme contribue à la réforme du droit national. C’est le cas au Burundi où, à travers les accords de paix qu’il a engendrés, la médiation internationale a permis la mise en place d’un ordre constitutionnel qui garantit un espace sociopolitique à certains groupes de citoyens longtemps exclus de la gestion de la chose publique. Certes, l’efficacité de ces accords de paix reste à désirer comme en témoigne l’éclatement de la crise constitutionnelle de 2015, mais, s’inspirant de la théorie consociative, ils ont aidé dans la recréation des liens distendus entre les Hutu et les Tutsi, tout en tenant compte de l'ethnie minoritaire des Twa. Toutefois, le conflit de normes entre ces accords de paix et l’ordre constitutionnel qu’ils ont transformé a, depuis 2015, basculé le pays dans de nouvelles tensions politiques. Aussi, l’échec de la médiation internationale à rapprocher le pouvoir et les différents groupes de l’opposition amène-t-il à se demander s’il ne serait pas opportun de repenser cette technique lorsqu’elle est employée dans la gestion des crises politiques intraétatiques. En tant que mécanisme du droit international, la médiation internationale, malgré les espoirs qu’elle suscite, affiche aussi des limites inquiétantes dans la gestion de ce genre de crises qui, du point de vue de la doctrine constitutionnelle, est du ressort du droit et des acteurs nationaux
Céline N.C. Martin, Protection(s) régionale(s) des droits humains en Asie : vers une cour asiatique des droits humains ?, thèse soutenue en 2019 à AixMarseille sous la direction de Marie-José Domestici-Met et Thierry Serge Renoux, membres du jury : Henri Oberdorff (Rapp.), Richard Ghevontian et Laurence André
La naissance du régionalisme asiatique des droits humains n’est pas un mythe. Il est vrai que l’Asie se distingue par l’absence d’un mécanisme régional officiel. Pourtant, malgré des contextes diversifiés et complexes, émane de la plupart des États asiatiques une reconnaissance au moins formelle des droits humains fondamentaux. Les proclamations dans les constitutions, la création –pas encore généralisée– d’institutions nationales des droits humains en témoignent, ainsi que l’acclimatation à l’examen périodique universel, même si ce dernier semble être préféré aux procédés plus intrusifs des comités onusiens… et même si des violations massives de droits humains ont encore lieu. En fait, les éléments d’un régionalisme des droits humains apparaissent en Asie. À l’intérêt croissant que portent à ces droits les associations d’États à vocation économique, notamment l’ASEAN – dont l’attractivité s’élargit –, s’ajoute la transnationalisation des mouvements de la société civile. L’expérience grandissante de la Commission intergouvernementale de l’ASEAN et l’interaction des facteurs interétatiques avec les facteurs transnationaux de changement créent une dynamique, qui fait que la mise en place d’une cour asiatique des droits humains semble n’être plus aujourd’hui qu’une question de temps