Selon Edgard Morin « la complexité [serait] un mot problème et non un mot-solution ». Le terme lui-même n'est pas simple à appréhender. Sur un plan sémantique, le « complexe » se distingue du « compliqué » avec qui il partage une finalité commune, la difficile compréhension, mais dont il se distingue dans les facteurs de cette cause : ce qui est complexe est difficile à comprendre en raison de la réunion de plusieurs éléments différents qui aboutissent ensemble à une complexité globale, tandis que ce qui est compliqué apparait intrinsèquement difficile à appréhender. Notion a-juridique, la complexité est un concept flexible, pour ne pas dire flou, qui se retrouve pourtant de plus en plus présent en droit processuel, d'où la volonté d'y consacrer une recherche doctorale. En effet, le concept de complexité est notamment un critère de compétence de certaines juridictions spécialisées (juridictions environnementales, économique et financières, criminalité et délinquance organisées, pôles pour les crimes sériels ou non élucidés). Cette référence vient ainsi de plus en plus fréquemment délimiter le champ de compétence matérielle des juridictions qui sont appelées à connaitre des seules affaires qui sont ou apparaitraient « complexes », « d'une grande complexité », voire d'une « très grande complexité ». La complexité, dont les contours sont a priori difficiles à cerner, apparait donc au surplus susceptible de degrés, ce qui rend son appréciation délicate mais pour autant essentielle. De plus, les textes ne manquent pas d'y faire référence puisque l'on retrouve le terme « complexité » dans divers codes et plus particulièrement, en matière procédurale, dans le Code de procédure civile, le Code de l'organisation judiciaire, le Code de la justice pénale des mineurs ou encore le Code de procédure pénale. La notion est également présente en jurisprudence, dans les décisions de la Cour européenne des droits de l'Homme et du Conseil d'État lorsqu'il s'agit d'apprécier le droit d'être jugé dans un délai raisonnable. Dans ces divers exemples, la complexité peut justifier l'allongement d'un délai procédural, la préférence pour une formation de jugement collégiale, la reprise d'une enquête ou l'usage de techniques spéciales d'enquêtes plus fortement attentatoires aux droits et libertés. À travers ces quelques applications, on comprend que la notion de complexité a des conséquences directes sur l'application des règles et principes procéduraux, que ce soit en matière civile, pénale ou administrative. Mais l'on comprend aussi que la complexité est une notion malléable, livrée à l'appréciation souveraine des juges du fond. Ainsi, ce premier recensement permet de comprendre que la notion de complexité est largement présente en droit processuel mais sous des formes multiples qu'il est intéressant d'analyser pour identifier les caractéristiques et les enjeux de cette notion.