Mélody Pellissier, Droit du travail et droit des sociétés : étude d'une fragmentation disciplinaire, thèse soutenue en 2023 à Université ParisPanthéonAssas, membres du jury : Gilles Auzero (Rapp.), Vincent Malassigné (Rapp.), Marie-Laure Coquelet et Grégoire Loiseau
Distinguer le droit du travail et le droit des sociétés est une habitude fortement ancrée chez le juriste. La relation qu'ils entretiennent est souvent décrite en termes d'opposition. Cependant, le principe de réalité invite davantage à la collaboration si l'on souhaite garantir la protection des personnes et favoriser l'efficacité des institutions. Cette coopération est d'ailleurs presque devenue impérative, car ces deux branches du droit n'ont pas été épargnées par deux phénomènes qui affectent l'ensemble des systèmes, a fortiori le système juridique : la fragmentation disciplinaire, engendrée notamment par la multiplication des niveaux de spécialisation, et le développement de rapports horizontaux entre différents droits spéciaux. Par conséquent, que ce soit dans l'élaboration de la norme sociale ou du droit des sociétés, des influences positives sont à l'œuvre et les points de connexion permanents : présence des salariés ou de leurs représentants au sein des organes sociétaires, transfert des contrats de travail en cas d'opérations sociétaires, prérogatives des instances de représentation du personnel lors d'une décision sociale, etc. L'évolution du droit du travail et du droit des sociétés se fait de plus en plus en miroir. Ce travail explore la diversité des phénomènes pouvant émerger de l'interaction entre le droit du travail et le droit des sociétés et s'attache particulièrement à décrire une possible coordination entre deux droits destinés à répondre à des objectifs parfois divergents, mais le plus souvent complémentaires.
Camille Ercel, La carrière, thèse en cours depuis 2023
La notion de carrière n’est pas inconnue du droit du travail, cependant, aucune définition n’en est donnée. Le terme renvoie aux successions de postes qui vont marquer la vie professionnelle du travailleur. La carrière débute lors de la première signature d’un contrat de travail et se termine, en principe, à la retraite du salarié. Elle est globale et ne se limite pas à l’exercice d’un ou de plusieurs emplois au sein d’une même entreprise. Le passage d’un modèle, dans lequel les salariés effectuaient la totalité de leur vie professionnelle au sein d’une même entreprise, à un modèle, au sein duquel la mobilité, les changements de parcours, les restructurations d’entreprises occupent une place importante, a conduit à une évolution de l’appréhension de la carrière. La carrière est une clé de compréhension du monde du travail, en ce sens, la place laissée à la gestion des parcours professionnels n’est pas négligeable. Plusieurs acteurs sont impliqués dans les différentes étapes de la vie professionnelle du salarié. On retrouve, notamment, l’employeur dans le cadre de la politique sociale et la stratégie de l’entreprise, les représentants du personnel, les autres salariés de l’entreprise dans un souci d’égalité de traitement, mais également le législateur. Dans ce cadre, quel est le véritable rôle donné au salarié dans l’agencement de sa propre carrière ? Alors même que le droit du travail n’est pas régi par la notion de carrière, le sujet conduit à s’interroger sur la place prise par le droit du travail pour organiser la carrière du salarié.
Ralph Caudoux, La protection de l'emploi en droit interne comparé , thèse en cours depuis 2022
L’émergence de nouvelles pratiques et règles encadrant l’emploi favorise la circulation des salariés dans l’emploi. Cette dynamique soulève de nouvelles questions qui, confrontées à la précarisation de l’emploi, méritent un réexamen. La compatibilité de ces nouvelles mouvances avec l’objectif de protection de l’emploi – traditionnellement attribuée à la stabilité de l’emploi – reste dès lors à déterminer. Au fil des réformes, les pouvoirs publics ayant pris conscience de ce que l’emploi, pilier majeur du développement économique de la société, devait faire l’objet d’un cadre mêlant flexibilité et liberté ont laissé passer au second plan cet objectif. Ce constat s’impose qu’il s’agisse du droit du travail « privé » ou « public », autrement dit du droit de la fonction publique. Dans ce dernier cas, le recours massif aux agents contractuels en est un exemple patent. Ces deux branches du droit, d’apparence en opposition, persistent pour autant dans une certaine logique de rapprochement amorcée il y a plusieurs années déjà. Les expérimentations et dispositifs de l’une servent de référence à l’autre – preuve d’un mimétisme juridique mutuel – et participent à la construction d’un « droit de l’activité professionnelle » (P. Durand) tourné vers la protection de l’emploi. Au vu de cette tendance, il apparaît nécessaire de s’attacher à l’étude de la conjugaison des efforts respectifs de ces branches du droit dans la construction de l’arsenal juridique de protection de l’emploi du travailleur au sens large et de s’interroger sur leur pertinence. Une fois l’efficacité des mesures actuelles discutées, quelques solutions d’améliorations pourront être proposées.
Bryan Keddouri, La défense procédurale en contentieux social, thèse en cours depuis 2022
"Le droit n'atteint sa plénitude qu'en se réalisant" soulignait Motulsky. De toute évidence, cette réalisation ne peut intervenir que deux manières : spontanée ou forcée. Dans le second cas, elle est tributaire de l’accomplissement d’un procès, au cours duquel il est possible pour les parties d’invoquer non seulement des défenses au fond, mais également des défenses que l’on pourrait qualifier de « procédurales ». Dans les litiges liés à l'application du droit social, l’invocation de ces moyens procéduraux est extrêmement fréquente en pratique. Les raisons expliquant ce phénomène sont nombreuses. Par exemple, l’on peut relever que l’éclatement du contentieux social favorise l’invocation d’exceptions d’incompétence matérielle, que la complexification des délais de prescription offre l’opportunité de soulever des fins de non-recevoir, ou encore que la durée des procédures prud’homales augmente significativement les chances de se voir opposer la péremption de l’instance. En pratique, il est souvent reproché à la défense procédurale d'être utilisée par les plaideurs qui ne disposent d'aucun argument sérieux au fond, voire qui savent pertinemment avoir tort mais tentent insidieusement de trouver une échappatoire victorieuse ou de retarder l'issue défavorable du procès par le biais de simple règles procédurales. Il n'est pas certain qu'une telle critique soit pleinement justifiée. L'existence de règles procédurales n'est-elle pas nécessaire - même indispensable - à l'émergence d'une justice fonctionnelle, équitable et légitime à laquelle chacun aspire ? Ou selon la formule de Jhering, la forme n'est-elle pas la "soeur jumelle de la liberté" ? Au-delà de cette interrogation relative à la raison d’être des règles, de nombreuses autres subsistent quant à leur mise en œuvre dans le contentieux social.
Marie Eliphe, L’acte juridique pour autrui, thèse soutenue en 2022 à Université ParisPanthéonAssas, membres du jury : Gilles Auzero, Olivier Deshayes, Thomas Genicon et Judith Rochfeld
L’acte juridique pour autrui est un acte qui s’impute sur une personne qui n’a pas participé à sa formation. Il n’existe, en droit positif, aucune qualification générale permettant l’identification certaine de la notion. Pourtant, les hypothèses d’actes juridiques pour autrui se multiplient. Ils sont créés par les titulaires d’un pouvoir, une prérogative permettant à l’auteur de l’acte d’agir pour autrui. Le pouvoir de représentation permet d’agir au nom et pour le compte du destinataire de l’acte qui en devient partie. Le pouvoir propre permet d’agir pour le compte du destinataire de l’acte, la nature de ce dernier engendrant une dérogation à l’effet relatif des contrats et conduisant à son imputation sur un destinataire tiers. En raison des dangers qu’ils présentent pour leur auteur et leur destinataire, de tels actes ont longtemps été prohibés par le droit privé. Ils ont été consacrés de manière parcellaire, d’abord à titre exceptionnel, puis, pour certains d’entre eux, à titre principal le Code civil. Ces consécrations n’offrent toutefois pas une totale liberté dans leur création. Le régime de l’acte juridique pour autrui reçoit un encadrement particulier par rapport au schéma contractuel classique. L’existence d’un pouvoir au profit de l’auteur de l’acte nécessite que son exercice soit strictement encadré afin de protéger les intérêts de celui qui le reçoit. De plus, les liens qui sont issus de l’acte dépassent le cercle des seules parties, compliquant ainsi l’application du droit commun des obligations. L’adaptation de ce dernier à leur particularité est nécessaire.
Madeline Leport, L'égalité des sexes en droit du travail, thèse en cours depuis 2022
Les chiffres de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes révèlent des écarts de rémunérations persistants. A cette problématique s’ajoute celle d’un inégal accès à certaines fonctions, mis en lumière par les publications relatives à « l’index égalité ». En premier lieu, cette thèse visera à étudier les dispositifs juridiques existants, ainsi que les causes juridiques et sociologiques de la persistance des inégalités. L’étude sera fondée sur un double constat : d’une part celui de l’existence d’un arsenal juridique propice à l’atteinte d’une égalité professionnelle parfaite, et, d’autre part, celui des inégalités qui persistent sur le terrain. Au travail comme dans les autres domaines, la loi assure en effet une égalité de droit entre les femmes et les hommes. Pourtant, force est de constater que l’égalité de fait peine à s’imposer au sein des entreprises. A ce titre, il s’agira donc d’étudier la question de la rencontre entre le droit et la pratique, à travers le rôle de chacun des acteurs –publics et privés- de l’égalité professionnelle. Celle-ci n’est en effet pas le fruit du seul pouvoir législatif, mais de sources aussi diverses que les créations prétoriennes, la négociation collective, ou encore le pouvoir de direction de l’employeur. L’apparente complétude des règles législatives conduit donc à en envisager une application inégale au sein des entreprises. Une attention particulière sera donc accordée aux sources négociées du droit du travail, que sont les accords collectifs et le contrat de travail. A cet égard, un travail de droit comparé sera effectué, afin d’analyser les outils fournis aux entreprises par les systèmes juridiques étrangers.
Yoann Nicolas, La pluriactivité transnationale du travailleur, thèse en cours depuis 2021
Affirmer que les dernières décennies ont vu un accroissement substantif de la mobilité des travailleurs relève du poncif. Le cas d'un travailleur devant exercer son activité dans un pays donné, tout en résidant dans un autre, n'est plus une situation inédite, surtout entre certains pays européens (Benelux, France, Allemagne, Suisse, etc.). Un cas demeure particulier : celui de la pluriactivité transnationale. L'activité est ici accomplie dans plusieurs pays, de manière simultanée ou alternative, et parfois pour plusieurs employeurs pour les salariés. Ce type d'activité soulève de nombreuses questions en droit social, notamment quant au régime à appliquer au salarié ou travailleur indépendant qui se trouverait dans une telle situation. Ainsi, la détermination du régime de sécurité sociale applicable au travailleur, l'application à son cas de questions de droit international privé comme le cas de la loi applicable à son activité, la détermination de la juridiction compétente pour connaître du litige soulevé, mais aussi la définition même de ce qui peut ou non relever de la pluriactivité transnationale seront étudiées afin d'établir une approche holistique du sujet. Si la pluriactivité transnationale est appréhendée par le droit dérivé européen, ainsi que par les différentes conventions internationales qui lient la France à d'autres Etats, il sera utile de dégager une vision d’ensemble de la matière, des critères retenus dans ses différentes sources mais aussi d'approfondir des points de tensions, tels que les limites d'application de la notion, l’impact du Brexit ou les possibles évolutions à envisager ou proscrire.
Ashley Pacquetet, Les plateformes numériques : essai de qualification en droit du travail, thèse soutenue en 2021 à Paris 2, membres du jury : Alexandre Fabre, Julien Icard et Grégoire Loiseau
Les plateformes numériques ont indéniablement modifié le paysage du travail. Créatrices d’activité économique, elles se sont implantées en France en ayant recours à des travailleurs indépendants. Elles se présentent comme des intermédiaires qui permettent la rencontre entre le travailleur indépendant et un potentiel client. Parce qu’elles se positionnent nécessairement comme hors du salariat, une étude des qualifications s’impose. Qualification de la plateforme d’abord, afin de déterminer si ces dernières peuvent prétendre au simple rôle d’intermédiaire. Qualification du travailleur ensuite, afin de vérifier s’il rentre réellement dans le schéma de l’indépendance qui lui semble imposé. Une analyse de la situation actuelle sera effectuée à la lumière des propositions de règlementation du travail sur les plateformes, source de contentieux multiples, lesquels sont entremêlés d’interventions législatives réactionnelles.
Simon Riancho, Les principes directeurs du droit du travail, thèse soutenue en 2019 à Paris 2, membres du jury : Cécile Chainais, Alexandre Fabre, Pascal Lokiec et Antoine Lyon-Caen
La référence aux principes est fréquente en Droit. Au sein de cette vaste catégorie juridique - qui n’est pas parfaitement homogène -, une place particulière doit être faite aux principes qualifiés de directeurs. Après leur émergence au sein des matières processuelles, et en premier lieu en procédure civile, ceux-ci se développent dans bien d’autres branches du Droit, y compris en droit du travail.Les mutations du droit positif, rapides et nombreuses, qui marquent cette matière, n’interdisent nullement l’identification, en son sein, de structures stables autour desquelles les règles s’établissent.Cet ordonnancement, dérivé de trois principes directeurs cadres sur lesquels sont adossés treize principes directeurs d’application, offre une vision panoramique du « système » formé par le droit du travail qui, non seulement, permet une présentation pédagogique mais aussi, pourrait s’avérer profitable d’un point de vue pratique.Ainsi, à partir des principes directeurs de direction institutionnelle, de participation collective et de sécurité individuelle, complétés par les principes directeurs d’application afférents, il est envisageable de décrire le droit positif et ses transformations, mais aussi d’opérer une mise en parallèle avec le droit supranational et les droits étrangers.Les principes directeurs peuvent aussi, dans une mesure qu’il convient de bien déterminer, participer à la construction du droit du travail. Ils offrent des réponses aux « cas difficiles », et permettent de suggérer des propositions de droit prospectif.Compte tenu de ces fonctions, ils suscitent naturellement la tentation d'une codification à laquelle il n'est guère certain qu'il faille succomber.
Manon Landais, L'analyse juridique des algorithmes en droit social, thèse en cours depuis 2019
Les algorithmes sont une méthode ayant vocation à recevoir et à traiter les données. Ils répondent à un langage de programmation particulier qui donne naissance à un programme informatique. Car ils sont les rouages de nos outils numériques, les algorithmes sont dorénavant présents au quotidien. En droit, ils soulèvent d'importantes problématiques. Mon domaine d'études sera restreint au droit social, où les enjeux sont de taille, par exemple en matière de recrutement et de gestion des ressources humaines, de santé et de sécurité au travail, de définition de salariat, d'institution représentatives du personnel, ou encore, de bien-être au travail et de paix sociale. Qu'il s'agisse de problèmes de neutralité, d'accès aux données personnelles et donc de consentement et de préservation des droits, de protection de la santé, de difficultés à encadrer les algorithmes et à légiférer - les problématiques soulevées sont de taille et d'importance capitale. Mon travail de recherches consistera alors à étudier les mécanismes intrinsèques des algorithmes afin d'en comprendre les enjeux et de réfléchir à un encadrement législatif propice à concilier les différents problématiques qu'ils soulèvent. La phase de recherche de ressources documentaires serait conséquente, notamment car il me faudra puiser des ressources dans les bases de données des Universités américaines. Il me faudra également m'entretenir avec des scientifiques (ingénieurs, data scientists, professeurs), ainsi qu'avec des professeurs de droit, des juristes, des magistrats et enfin, avec des clients de ma structure d'accueil.
Elodie Brunner, Contribution à l'étude juridique du droit de la mobilité professionnelle, thèse soutenue en 2018 à Paris 2, membres du jury : Françoise Favennec-Hery, Pascal Lokiec et Pierre-Yves Verkindt
Le droit de la mobilité professionnelle, s'il connaît de nombreuses définitions, suppose encore un travail de construction. Entre obligations de l’employeur et droits du salarié, la mobilité professionnelle oblige à concilier un épineux paradigme alliant flexibilité dans l’entreprise et sécurité du parcours professionnel. Cette complexité est révélatrice d’une ambiguïté originelle : la mobilité professionnelle s’inspire pour l’essentiel de la pratique d’entreprise, si bien qu’il existe aujourd’hui autant de régimes de mobilité que de situations impliquant des mobilités. Clause de mobilité professionnelle, reclassement du salarié, mise à disposition de personnel, mobilité volontaire sécurisée, accord de performance collective, ruptures négociées, cession de contrat, l’étude des dispositifs juridiques démontre que la mobilité est essentiellement envisagée à court terme, à l’initiative de l’employeur et construite sur un schéma de contrainte ne tenant pas compte de la liberté individuelle du salarié. Le manque d’efficacité de l’arsenal juridique et les dérives qui en résultent en pratique rendent incompatibles le droit positif avec l’objectif de développement de la mobilité positive, pierre angulaire du droit de la mobilité professionnelle. Les nombreuses interventions du législateur au soutien des formes de mobilités contraintes concourent à la défaillance de cette ambition. Alors que le droit à la mobilité est, formellement, une garantie fondamentale du statut des fonctionnaires et des agents publics, une telle équivalence n’existe pas en matière de droit privé. L’enjeu majeur réside dès lors dans la capacité du législateur à repenser la mobilité positive.
Astrid Duboys Fresney, La négociation collective du plan de sauvegarde de l'emploi, contribution à l'étude des grands licenciements collectifs, thèse soutenue en 2018 à Paris 2, membres du jury : Raymonde Vatinet, Florence Canut et Alexandre Fabre
La négociation collective n’est plus étrangère à la règlementation des grands licenciements collectifs nécessitant l’établissement d’un plan social. Depuis une vingtaine d’années, son rôle dans l’entreprise se renforce. La négociation collective d’entreprise s’est ainsi emparée de dispositifs procéduraux instituant le cadre d’une information-consultation des représentants du personnel ou encore des garanties d’évitement et d’accompagnement des licenciements. L’instauration par la loi n°2013-504 du 14 juin 2013 de la possibilité d’un plan social négocié par les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise marque un tournant. Celles-ci participent désormais à la décision de gestion des conséquences sociales d’un projet de licenciement collectif pour motif économique. Cette négociation décisionnelle est source d’innovations dans la procédure interne mais aussi externe encadrant la mise en œuvre des grands licenciements collectifs. L’évolution de leur encadrement vers un droit négocié dans l’entreprise est affermie et constitue l’objet de la recherche conduite dans la présente thèse.
Adeline Mayer, La place du syndicat dans l'entreprise, thèse en cours depuis 2018
Objet de controverse, le syndicat demeure l'un des principaux contre-pouvoirs au sein de l'entreprise. Là où l'analyse sociologique associerait « syndicat » et « déclin », avec comme élément de preuve la baisse drastique du taux de syndicalisation depuis la fin de la 2nde Guerre Mondiale, l'analyse juridique semble, de prime abord, aboutir à la conclusion inverse. Les réformes successives, en dernier lieu desquelles les ordonnances dites « Macron », publiées le 22 septembre 2017, traduisent de ce mouvement de renouveau de la place du syndicat dans l'entreprise. La création du Conseil d'entreprise, supplantant les délégués syndicaux dans la négociation des accords collectifs, en est un exemple évident. La place du syndicat dans l'entreprise laisse ainsi de nombreuses questions en suspens. Où s'implante le syndicat dans l'entreprise ? Telle est la première question posée par le sujet. Celle-ci est au service d'une seconde : quelle est l'influence du syndicat dans l' entreprise ? La présente recherche aura pour ambition d'y répondre par l'analyse approfondie tant de la source du pouvoir syndical que de l'exercice de ce pouvoir.
Alice Thiery, La sécurité et le droit du travail., thèse en cours depuis 2017
La sécurité des personnes est l'un des principes fondamentaux de l'Etat de droit. Les obligations de sécurité se multiplient et transcendent les différentes branches du droit. Il faut distinguer la sécurité des êtres et celle des actes. La sécurité technique. L'activité développée au sein de l'entreprise peut être source de danger pour les travailleurs. Est-ce que les politiques de gestion des risques en entreprise permettent de contenir la totalité des risques? La sécurité juridique au sens strict. Elle implique que la norme soit accessible, intelligible mais surtout prévisible. Elle est un puissant outil d'organisation sociale puisque les entreprises se réfèrent à un ensemble de normes stables pour mettre en oeuvre une politique économique et sociale. Quel comportement adopter face à un droit en perpétuel renouvellement ? La sécurité juridique au sens social. Il est question de stabilité contractuelle. Quelle va être le degré de résistance du contrat de travail face à la survenance d'événements menaçant son existence ? Un consensus existe sur l'objectif à atteindre mais est-ce que les outils juridiques utilisés sont réellement efficaces ? La sécurité par le droit qui est ici utilisé comme une technique juridique. Les normes européennes, légales mais aussi jurisprudentielles concourent à l'édifice normatif censé améliorer la sécurité en entreprise. La sécurité en droit. La stabilité des normes en droit du travail est impérative. D'ailleurs, le Conseil constitutionnel considère que la sécurité juridique constitue un but d'intérêt général. Mais les réformes législatives perpétuelles rendent l'ensemble parfois incohérent mais surtout imprévisible.
Yann-Maël Larher, Les relations numériques de travail, thèse soutenue en 2017 à Paris 2, membres du jury : Alexandre Fabre, Pascal Lokiec et Jean-Emmanuel Ray
Phénomène émergent, l’usage des réseaux sociaux en ligne et des outils informatiques mobiles croît de façon exponentielle et tend à se généraliser. Leur développement envahit peu à peu tous les espaces de vie, marquant plus particulièrement celui des entreprises, le monde du travail. La question du rapport entre les nouvelles technologies et le droit du travail n'est pas nouvelle, elle date de l'introduction de l'informatique dans la sphère sociale, notamment dans les relations collectives. Pour autant, l'examen de la doctrine et de la jurisprudence récentes témoigne largement de nouvelles problématiques juridiques quant à l'utilisation de moyens de communication sans limite de temps et d'espace. L’usage d’internet, et plus spécifiquement des réseaux sociaux dans l’entreprise déséquilibre les relations de travail en confrontant le pouvoir de l’employeur aux droits et libertés émergents et intimement liés aux nouvelles pratiques salariales. Ces nouveaux rapports invitent à remodeler la législation sociale pour une garantie des droits et libertés qui se veut effective. Les réseaux sociaux d’entreprises interrogent enfin sur le renouvellement du dialogue social dans l’entreprise dans une société démocratique de l’information. Brouillant les anciens cadres de référence, les nouvelles technologies de la communication invitent à une réflexion sur le devenir du droit du travail.
Sophie Capron, La responsabilité sociale des entreprises à la lumière de la santé et de la sécurité au travail, thèse soutenue en 2016 à Paris 2, membres du jury : Arnaud Martinon, Christine Neau-Leduc et Pierre-Yves Verkindt
La préservation de la santé et de la sécurité du travailleur est aujourd'hui dans le langage de la gestion, du management et progressivement des juristes, liée au concept de « responsabilité sociale d’entreprise ». Les employeurs doivent en tenir compte dans leurs décisions pour tenter de s'assurer l’adhésion des salariés et contribuer à la préservation d’un environnement plus sain. Ces idées, dont les contours manquent parfois de précision, intègrent progressivement le droit positif. Ainsi, à l’aune de son obligation de sécurité de résultat, dont la violation présente le caractère de faute inexcusable, il incombe à l’employeur, en cas de lien du préjudice subi avec le travail, une réparation allant jusqu’à s’étendre aux préjudices jadis exclus par le livre IV du Code de la sécurité sociale. Il est possible de considérer qu'il s'agit d'une rupture de l’équilibre du régime accordant le bénéfice d’une présomption d’imputabilité au salarié, en contrepartie d’une réparation uniquement forfaitaire, avec éventuellement un complément en cas de faute inexcusable. On peut se demander si au-delà des contraintes normatives qui l’y obligent, l’employeur ne doit adopter un «management de la santé » destinée à assurer le fonctionnement immédiat de l'entreprise et à terme la pérennité de son capital humain.
Julie Chavarot, L'alerte en Droit privé, thèse en cours depuis 2015
Élodie Ballot, Etude critique des droits fondamentaux., thèse soutenue en 2012 à Tours
Les droits fondamentaux visent à la protection et à l’épanouissement de la personne humaine. Ils suscitent l’engouement et la controverse. Adossés à des textes internationaux et européens, mais provenant aussi de la réception du terme allemand « Grundrechte », diffusés tant en droit public qu’en droit privé, ils font l’objet de différentes analyses, spécialement en droit public, afin de déterminer leur signification, leurs fonctions, et leur régime. Il apparaît que les recherches conduites en doctrine ne permettent pas d’appréhender le concept de « droit fondamental » avec certitude. En effet, il n’existe pas de conception unique de la notion, les droits fondamentaux apparaissent comme une catégorie juridique insaisissable. Faute de définition claire, ils se distinguent difficilement des notions de « droits de l’Homme » ou de « libertés publiques ». Leur nature juridique est également incertaine. Pour ces raisons, ils constituent un ensemble hétéroclite difficile à délimiter et il convient de regretter que le droit international et le droit européen, pourtant riches en affirmations péremptoires, n'apportent pas un éclairage satisfaisant. La réalisation des droits fondamentaux est également imparfaite. D’une part, ils sont l'objet d'une surenchère caractérisée par une prolifération normative tant en droit interne qu’en droit international. Celle-ci n'est guère maîtrisée et mène à d’inévitables conflits qui, en l’absence d’une hiérarchie clairement établie, sont souvent irréductibles. D’autre part, les techniques de protection des droits fondamentaux s’avèrent insuffisantes notamment en raison de leur instrumentalisation par les différents juges. Les solutions jurisprudentielles sont dès lors imprévisibles et participent au phénomène de l’insécurité juridique.
Damien Chenu, Les clauses contractuelles autonomes., thèse soutenue en 2010 à Tours
Fréquemment utilisée par la Cour de cassation ainsi que par les juridictions du fond, la notion de clause autonome fait aujourd'hui partie des concepts reconnus par la doctrine pour son utilité. L'autonomie permettrait notamment au juge de « sauver » opportunément une clause d'un contrat promis à l'anéantissement et de lui faire produire effet. Pourtant, à l'analyse, l'autonomie des clauses possède de solides fondements qui devraient permettre un développement des clauses autonomes.Dans un premier temps, au-delà de leur aspect matériel, elles constituent de véritables conventions dont la nature ne peut être révélée qu'en cas d'anéantissement du contrat dans lequel elles sont insérées.L'autonomie se traduit donc comme la faculté d'une clause à survivre malgré l'anéantissement du contrat qui la porte.Dans un second temps, on doit déduire de la nature conventionnelle des clauses autonomes qu'elles forment avec la convention qui les porte un groupe de contrats. Cette qualification possède de nombreuses conséquences, notamment quand à la formation du groupe. Plus importantes encore sont les incidences de cette qualification quant à la circulation du groupe.
Diego Alejandro Sánchez Acero, L'exercice responsable de l'autonomie collective syndicale des salariés en Colombie, thèse soutenue en 2020 à Paris 2 sous la direction de Jean-Michel Olivier et Katerine Bermúdez Alarcón, membres du jury : Nuria de Nieves Nieto, Yannick Pagnerre et Jorge Eliécer Manrique Villanueva
La liberté syndicale se trouve protégée constitutionnellement en Colombie. Celle-ci se concrétise par l'autonomie collective syndicale, c'est-à-dire par la décision autonome et démocratique d'un groupe de salariés de constituer et gérer un syndicat, conformément à l'ordre public et aux principes démocratiques. Cette autonomie est un droit subjectif, susceptible de disposition juridique, par l'autonomie de la volonté. Le présent travail de thèse a pour objectif principal de déterminer la portée juridique de ladite autonomie, afin de corriger juridiquement la création abusive des carrousels syndicaux et l'instauration d'une autocratie syndicale. Ainsi, on s'est posé la question de savoir quelles sont les conséquences juridiques de la violation des limites de l'autonomie collective syndicale par le biais de la création d'un carrousel syndical et de l'instauration d'une autocratie syndicale ? Cette recherche est partie de l'hypothèse que la disposition juridique de l`autonomie collective syndicale, en tant que droit subjectif, contraire aux limites constitutionnelles et légales, produit la nullité de l'acte constitutif du syndicat, du fait de la violation de l'ordre public et des principes démocratiques. D'abord, on a constaté l`existence du carrousel syndical et de l'autocratie syndicale en Colombie. Par la suite, on a déterminé la portée juridique de l'autonomie collective syndicale, en fixant ses limites et les conséquences juridiques du fait de sa transgression : la nullité de l'acte juridique constitutif d'un syndicat qui n'exerce pas la finalité syndicale, ainsi que des décisions internes syndicales abusives. Enfin, la conclusion a confirmé l'hypothèse de la recherche.
Samuel Van der Vlist, La participation des salariés à la direction de l’entreprise, étude critique, thèse soutenue en 2019 à Paris 2 sous la direction de Bernard Teyssié, membres du jury : Gilles Auzero, Frédéric Géa et Pascal Lokiec
Le droit des salariés de participer à la direction de l’entreprise est un droit fondamental consacré par le préambule de la Constitution de 1946. Les dispositifs juridiques peinent cependant à lui donner une traduction. L’analyse du déploiement de la participation met en évidence les limites du cadre légal et les perspectives à envisager pour les dépasser. Ces limites se manifestent sur l’ensemble du régime de la participation : identification de l’interlocuteur des représentants des salariés, appréhension des processus décisionnels, caractéristiques des entreprises sur lesquelles cette participation est assise, mécanismes de représentation et de participation ou encore mécanique des sanctions. L’absence de partage du pouvoir de direction du chef d’entreprise constitue la faiblesse la plus saillante : sans un tel partage, il est impossible de garantir la réalité de la participation. Les processus de participation actuels sont ainsi largement formels. Revenir sur les fondements de la participation des salariés à la direction de l’entreprise souligne la nécessité de la renforcer. Issue du droit des travailleurs de participer à la gestion des entreprises, la participation à la direction repose également sur leur liberté d’entreprendre. Or le droit ne saurait reconnaître le caractère fondamental de la liberté d’entreprendre et du droit à la participation sans chercher à leur donner une véritable traduction. Cette dernière est d’autant plus nécessaire que la participation des salariés à la direction de l’entreprise s’appuie sur des symboles démocratiques, tels l’intérêt commun et l’élection.
Timothée Bellanger, La délégation de pouvoir en droit du travail, outil d'organisation de l'entreprise, thèse soutenue en 2018 à Paris 2 sous la direction de Bernard Teyssié, membres du jury : Bernard Bossu et Yannick Pagnerre
Confronté, dans les entreprises de grande taille, à l’impossibilité d’exercer lui-même la totalité de ses pouvoirs, le chef d’entreprise est conduit à en déléguer à des préposés. Cette transmission du pouvoir participe de l’organisation de l’entreprise. La délégation de pouvoir en constitue le vecteur le plus pertinent. La flexibilité de son régime incite à y recourir dans l’entreprise voire dans le périmètre d’un groupe. Le transfert de pouvoir a pour corollaire un transfert de responsabilité, y compris, sous certaines conditions, de responsabilité à la charge du délégataire.La délégation de pouvoir s’impose aujourd’hui comme un des outils privilégiés d’organisation de l’entreprise d’autant qu’elle permet, face à la forte pénalisation des relations de travail, une répartition des risques entre ses acteurs. Elle permet au chef d’entreprise, destinataire de multiples obligations légales, d’opérer une déconcentration du pouvoir et de la responsabilité qui l’accompagne en confiant à des salariés dotés des compétences requises la réalisation de tâches qu’il n’est pas, en pratique, en mesure d’assumer. Son action y gagne en efficacité, dans l’intérêt de tous.
Myriam Caressa, Fourniture de main-d’œuvre, prêt de main-d’œuvre et droit pénal, thèse soutenue en 2018 à Paris 2 sous la direction de Françoise Favennec-Hery, membres du jury : Élisabeth Fortis, Raphaële Parizot et Pierre-Yves Verkindt
Construit autour du contrat de travail, le droit du travail s’appuie sur une relation bilatérale entre l’employeur et le salarié. Le prêt et la fourniture de main-d’œuvre perturbent cet équilibre parce que la force de travail du salarié bénéficie à un tiers au contrat de travail. La méfiance originelle s’est traduite par deux prohibitions de principe pénalement sanctionnées : le marchandage et le prêt illicite de maind’œuvre. L’évolution du marché économique a contraint le législateur à dépasser la seule répression pour envisager la légalisation et l’encadrement de mises à disposition de plus en plus variées. Ces nombreux à-coups législatifs, en l’absence de revalorisation des incriminations, remettent en cause l’efficacité de la prohibition pénale. Le droit pénal est-il encore adapté pour lutter contre les dérives des prêts et fournitures de main-d’œuvre ? Si l’encadrement répressif actuel et sa mise en œuvre sont critiquables, la dépénalisation « sèche » n’est pas pour autant la seule solution.
Emeline Dudin, Le rôle des salariés dans le fonctionnement des entreprises, thèse soutenue en 2017 à Paris 2 sous la direction de Bernard Teyssié, membres du jury : Arnaud Martinon et Yannick Pagnerre
Le rôle des salariés dans le fonctionnement des entreprises trouve appui sur l’alinéa 8du Préambule de la Constitution de 1946 : « tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises. ». La participation des salariés a pourtant été lente à s’imposer. La crise économique a révélé l’importance de leur association aux décisions sociétales. Les politiques publiques ont tenté de rééquilibrer les forces en présence afin de circonscrire les effets du capitalisme. Des lois successives ont accru les pouvoirs des salariés et des institutions représentatives du personnel dans l’entreprise pour en faire de véritables acteurs dans la gestion de celle-ci. Le paysage législatif révèle la volonté du législateur de faire de l’entreprise une démocratie dans laquelle toutes les parties doivent s’exprimer. Toutefois, que le salarié soit traité comme un associé ou un administrateur, salariés et entrepreneurs demeurent distincts.
Charlotte Serrand, Le traitement juridique des risques psychosociaux, thèse soutenue en 2017 à Paris 2 sous la direction de Bernard Teyssié, membres du jury : Arnaud Martinon et Yannick Pagnerre
Le caractère subjectif des risques psychosociaux rend difficile leur appréhension juridique alors même que l’employeur a l’obligation de préserver la santé physique et mentale des salariés. L’ensemble des acteurs internes et externes à l’entreprise participent à l’appréhension et à la compréhension de ces risques : employeur, salariés,représentants du personnel, médecin du travail. Leur prise en compte a été largement suscitée par la lutte contre le harcèlement et le stress au travail. Elle est devenue un objet de négociation collective, une source de responsabilité, pour l’employeur et le salarié, un thème de débat sur le terrain sensible de la qualification constatée des troubles d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Elle est aujourd’hui l’un des éléments constitutifs de l’amélioration des conditions de travail au travers du bien-être et de la qualité de vie au travail.
Emmanuel Piekut, Les relations non-contractuelles de travail : essai sur le tiers au contrat, thèse soutenue en 2016 à Paris 2 sous la direction de Françoise Favennec-Hery, membres du jury : Alexandre Fabre (Rapp.), Frédéric Géa (Rapp.), Pierre-Yves Verkindt
En raison de la fragmentation du processus productif et de la concentration des entreprises, des tiers sont susceptibles de s’immiscer dans l’exécution du contrat de travail. Le droit du travail en tient compte partiellement, en leur octroyant des prérogatives et en leur imposant des obligations semblables à celles de l’employeur. Au fil de l’analyse, émergent deux figures aux fonctions distinctes : le tiers utilisateur et le tiers organisateur. Ils ont la faculté d’établir une relation de travail avec un salarié sans qu’aucun contrat de travail ne les lie à celui-ci. Ils sont en outre amenés à préserver et protéger une relation de travail à laquelle ils ne sont pas parties grâce à des mécanismes de garantie ou de responsabilité. En découle une dispersion des droits et obligations de l’employeur ; l’idée d’un employeur unique est même remise en cause. N’est-ce pas le signe d’un dépassement du contrat de travail ? Sont-ce les prémices de relations non-contractuelles de travail ? Est-on à l’orée d’un changement de paradigme en droit du travail ? À ces multiples interrogations, la présente étude tente d’apporter des réponses.
Victoria Drochon, Le recours aux experts par les instances de représentation du personnel, thèse soutenue en 2016 à Paris 2 sous la direction de Bernard Teyssié, membres du jury : Bernard Bossu et Jean-Yves Kerbourc'h
Entre 1946 et 2016, ce sont plus de vingt cas de recours à des experts par les instances de représentation du personnel qui ont été créés, dont huit sur les trois dernières années. La possibilité sans cesse étendue de recourir à l’assistance d’experts pourrait laisser penser que le régime du recours à l’expertise est efficient. La facilité avec laquelle la loi associe désormais l’expert à chaque nouvelle mesure prise en faveur du dialogue social masque cependant mal l’incapacité croissante du législateur à préserver la fonction initiale de l’expertise : une fonction informative. Signe des dysfonctionnements qui grèvent le régime actuel du recours à l’expertise, le sujet est hautement polémique et fait l’objet d’un contentieux florissant. L’étude du périmètre ainsi que des modalités du recours à des experts exhorte à la construction d’un régime plus cohérent, de nature à assurer l’effet utile de l’expertise tout en préservant la compétence et la parole des représentants du personnel.
Alexandre Blanc, Les métamorphoses de la garantie des créances salariales, thèse soutenue en 2016 à Paris 2 sous la direction de Bernard Teyssié, membres du jury : Bernard Bossu et Yannick Pagnerre
En période de crise économique, la question de la garantie de paiement du salaire se pose avec acuité en cas d’insolvabilité de l’employeur. En France, cette protection est assurée par un fonds de garantie géré par l’association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés Depuis sa création en 1974, l’AGS a subi d’importantes mutations : initialement conçue pour pallier les insuffisances d’une protection bâtie sur un système de privilèges, elle est désormais un « amortisseur social » pour les salariés de l’entreprise en difficulté. Paradoxalement, cette évolution est également source d’interrogations sur le devenir du fonds en raison de la différence considérable relevée entre le montant des avances consenties aux salariés et celui des remboursements. Le législateur et le juge ont contribué à la dégradation de sa situation en accréditant l’idée que l’AGS constitue un « employeur de substitution », et en suscitant, chez les salariés, le sentiment qu’elle n’est qu’un simple guichet de paiement des salaires. Assurer la pérennité du système de garantie des créances salariales, technique sui generis participant de l’intérêt général, est nécessaire mais risque, au fil des ans, de se révéler de plus en plus difficile si des mesures énergiques ne sont pas rapidement prises.
Geoffrey Gury, L'accord collectif de groupe : contribution à l'étude du droit des groupes, thèse soutenue en 2015 à Paris 2 sous la direction de Bernard Teyssié, membres du jury : Bernard Bossu et Christine Neau-Leduc
La globalisation de l’économie a fortement contribué à la constitution de groupes de sociétés dans le cercle national et au-delà. La reconnaissance de l’accord collectif de groupe par le juge, puis par la loi du 4 mai 2004, a permis une adaptation partielle du droit du travail français à cette réalité. Instrument d’harmonisation des normes sociales en vigueur dans les diverses entités composant le groupe, il contribue à forger son identité. Même à ne considérer que les accords conclus dans le cadre national, maintes difficultés subsistent, qu’il s’agisse de la conclusion de l’accord (quel périmètre ? quelles parties ? quel contenu ?...) ou de son régime juridique (quelle force normative ? quelle portée ?...). Au-delà du cercle national, les accords de dimension transnationale emportent un lot d’interrogations plus vives encore, tant font défaut les éléments permettant d’en fixer, de manière sûre, le régime juridique. Des réponses doivent être proposées, dans le respect de la liberté et de l’autonomie des partenaires sociaux.
Charles Guyon, L'influence des normes supranationales sur le droit du travail français, thèse soutenue en 2015 à Paris 2 sous la direction de Bernard Teyssié, membres du jury : Bernard Gauriau, Jean-Philippe Lhernould et Arnaud Martinon
Nul n’est censé ignorer la loi… même supranationale. La « censure » des dispositions relatives au contrat « nouvelles embauches » l’a vigoureusement démontré. Des normes supranationales, l’influence n’a jamais été aussi forte : elles couvrent progressivement l’ensemble des compartiments du droit français du travail. Tous les acteurs, publics et privés, doivent porter leur regard au-delà du cadre hexagonal. Un but est affiché : maîtriser la diffusion des normes supranationales, sans laquelle il n’est point d’adhésion de leurs destinataires, et appréhender les transformations du droit français du travail auxquelles elles conduisent. De nouveaux instruments doivent, à cet effet, être forgés.
Clément Jottreau, Le sort de la relation de travail dans les entreprises en difficulté, thèse soutenue en 2015 à Paris 2 sous la direction de Bernard Teyssié, membres du jury : Bernard Gauriau et Arnaud Martinon
L’ouverture d’une procédure collective est l’occasion d’un conflit entre protection de l’emploi et survie de l’entreprise. Assurer la pérennité de cette dernière ne peut souvent être réalisé qu’au prix d’une réduction de l’effectif. Ce constat alimente ce qui peut, de prime abord, apparaître quelque peu paradoxale : alors que l’un des objectifs du droit des entreprises en difficulté est d’assurer le maintien de l’emploi, certaines de ses dispositions tendent à accélérer le prononcé de licenciements pour motif économique. Si cette intrusion du droit des entreprises en difficulté, dans un domaine que d’aucuns considèrent comme réservé au droit du travail, peut donner lieu à controverses, elle a une explication : l’inadaptation du second aux contraintes auxquelles est soumise l’entreprise confrontée à une situation de crise susceptible d’emporter l’entité qu’elle frappe et, avec elle, tous les emplois dont elle est porteuse. Trouver les voies d’une conciliation, d’exigences jugées parfois contradictoires, s’impose : assurer la sauvegarde de l’entreprise est le meilleur moyen de préserver les emplois qui y sont attachés.
André-Franck Jover, Les métamorphoses des services de santé au travail - entre santé au travail et santé publique, thèse soutenue en 2015 à Paris 2 sous la direction de Bernard Teyssié, membres du jury : Bernard Bossu et Grégoire Loiseau
Santé et sécurité au travail, prévention des risques professionnels (risque routier, risques psychosociaux), intensification du travail… Autant de questions essentielles auxquelles l’entreprise est confrontée. Y répondre suppose souvent le croisement des regards et des compétences. Les services de santé au travail, qui ont pour mission exclusive d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, y concourent. Acteurs de terrain, ils devraient constituer la pièce maîtresse du système de santé au travail ; ils sont pourtant victimes d’un désamour collectif. La délicate coexistence des concepts d’aptitude et de prévention y contribue. L’institution a, depuis 1942, connu de profondes métamorphoses nées, pour nombre d’entre elles, de la conjugaison, parfois source de tensions, du droit du travail et du droit de la santé publique. Le rattachement de l’institution, lors de la Libération, au ministère du Travail a longtemps scellé la domination du droit du travail. La montée en puissance du droit de la santé publique la remet progressivement en cause. La réforme du 20 juillet 2011 en a offert illustration. L’analyse des rapports entre droit du travail et droit de la santé publique invite à proposer de nouvelles logiques au service de la santé des travailleurs fondées sur l’idée - qui est aussi un constat - selon laquelle le service de santé au travail n’est pas un prestataire parmi d’autres : il participe de l’intérêt général.
Mickaël d' Allende, La contribution du droit européen au droit de la protection sociale complémentaire, thèse soutenue en 2014 à Paris 2 sous la direction de Bernard Teyssié, membres du jury : Jean-Philippe Lhernould et Arnaud Martinon
Aucun cap clair n’a été fixé par les pouvoirs publics européens s’agissant du droit de la protection sociale complémentaire. La contribution du droit européen en la matière est toutefois majeure. Les opérateurs spécialisés chargés de la gestion des régimes institués ont fait l’objet de nombreux textes, quoique non axés spécifiquement sur le droit de la protection sociale complémentaire et ne tenant pas toujours compte de l’originalité du modèle économique et social de certains d’entre eux. Les intérêts des bénéficiaires des dispositifs établis ont été pris en considération davantage en raison de l’extension du rôle du droit du travail au sein de l’Union européenne que des dispositions adoptées en droit de la protection sociale. Située au croisement de plusieurs domaines du droit, de l’économie et de la politique sociale, la protection sociale complémentaire cherche toujours, dans le concert du droit européen, à faire entendre une voix qui lui soit propre. Il est cependant permis d’espérer qu’un fil conducteur soit un jour plus clairement adopté, plaçant l’entreprise, qui constitue le socle du droit de protection sociale complémentaire, au coeur des réflexions et des réformes. C’est en effet au sein des entreprises, et en Europe, qu’est née la protection sociale complémentaire. Il serait cohérent que, deux siècles plus tard, les pouvoirs publics européens reviennent aux origines de celle-ci pour en déterminer l’avenir.
Nicolas Hoffschir, La charge de la preuve en droit civil, thèse soutenue en 2014 à Paris 10 sous la direction de Soraya Amrani-Mekki, membres du jury : Augustin Aynès (Rapp.), Yves-Marie Serinet (Rapp.), Xavier Lagarde
La charge de la preuve constitue un concept original, qui porte le sceau des évolutions du temps et des fondements du Droit. Historiquement, la notion de charge de la preuve désigne une tâche individuelle, celle du plaideur qui doit, par son seul effort, convaincre le juge du bien-fondé de sa cause. Aujourd’hui, en raison de l’essor de l’idée de vérité et de la volonté de renforcer les liens de solidarité unissant les individus, elle est appréhendée comme une exigence générale de comportement imposant à tout justiciable de contribuer à la manifestation de la vérité. Or, il est inopportun d’assimiler l’ensemble des devoirs probatoires à des charges. De fait, seuls ceux dont un plaideur doit spontanément s’accomplir afin de faire triompher sa cause doivent être qualifiés ainsi. Cela permet alors de concevoir que la charge de la preuve n’impose pas uniquement des devoirs durant le procès mais, également, avant toute saisine du juge. Tenu de réunir des preuves et de les produire en justice, le titulaire de la charge de la preuve n’est pas toujours en mesure d’assumer la tâche qui lui incombe. Le législateur ou le juge peuvent alors fournir des remèdes en facilitant ou en dispensant le titulaire de la charge de la preuve d’accomplir ses devoirs. Rétablie dans sa cohérence, la charge de la preuve permet ainsi de comprendre l’utilité de certains mécanismes techniques et d’opérer une lecture nouvelle du droit positif.
Edouard Vivien, La gestion des effectifs dans les groupes de sociétés, thèse soutenue en 2014 à Paris 2 sous la direction de Bernard Teyssié, membres du jury : Bernard Gauriau et Arnaud Martinon
Les groupes de sociétés rassemblent des sociétés juridiquement distinctes mais liées entre elles par des rapports de domination et de coopération au point de former une entité relativement identifiable. Leur organisation renvoie au jeu mêlé de la norme sociétaire et de la norme contractuelle. Prises de participation, pactes extra-statutaires, contrats commerciaux permettent à la société dominante de contrôler et de coordonner les activités des sociétés dominées au gré de la stratégie de développement par elle arrêtée. Mais, fondé sur le paradigme de l’entreprise, le droit du travail néglige souvent la relation de dépendance économique et juridique inhérente au groupe. Il n’appréhende qu’une relation de travail binaire unissant la société employeur à ses salariés ; les groupes ont généralement la volonté d’assurer l’unité de la collectivité de travail par la création d’un socle institutionnel commun et le partage d’une vision stratégique. En résulte une politique à bien des égards originale de gestion des effectifs, vecteur d’unité et instrument de protection des intérêts du groupe et de tous ceux qui contribuent au déploiement de son activité… avec l’effet ultime de donner au groupe l’allure d’une entreprise.
Grégoire Duchange, Le concept d'entreprise en droit du travail, thèse soutenue en 2014 à Paris 2 sous la direction de Bernard Teyssié, membres du jury : Grégoire Loiseau, Arnaud Martinon et Christine Neau-Leduc
L’entreprise naît en Droit d'un alliage complexe de notions juridiques (le contrat de travail, la personnalité morale, la représentation collective des travailleurs, etc...). L'ordonnancement systématique de celles-ci s'impose pour percevoir la cohérence de l'organisation juridique de celle-là. Des lignes de force se dégagent. Le contrat de travail oppose deux parties aux intérêts antagonistes. Mais la libération de la force de travail du salarié, partie de sa personne, et la pérennisation du lien contractuel les obligent à coopérer. Ce mouvement est renforcé par certains mécanismes étrangers à la nature du contrat de travail. Sont organisés le partage du contrôle de l’entreprise (lequel suppose d’assurer la représentation collective des travailleurs) et celui de ses utilités. Les salariés deviennent alors des quasi-associés. L'organisation juridique de l'entreprise n'est toutefois pas figée par le dogme. Des idéologies concurrentes en façonnent les contours. Certaines s'attachent aux fins. L'entreprise est alternativement mise au service de l'emploi et de l'activité d'entreprendre. D'autres s'intéressent aux moyens. Juristes et économistes prétendent à l'organisation scientifique de l'entreprise.
François Sebe, Essai sur l'effectivité du droit de la représentation collective dans l'entreprise, thèse soutenue en 2013 à Paris 2 sous la direction de Bernard Teyssié, membres du jury : Bernard Bossu et Christine Neau-Leduc
La question des sanctions est centrale lorsqu’est ouvert le débat relatif à l’effectivité du droit de la représentation collective des salariés dans l’entreprise. Chargée de protéger les valeurs essentielles de la société, la voie pénale doit être réservée aux atteintes portées aux prérogatives des instances de représentation du personnel lesquelles présentent un caractère fondamental. Pour le surplus, il est des sanctions, d’ordre administratif ou civil, plus efficaces. Reste que la seule restriction du champ pénal ne suffit pas à garantir l’effectivité du droit de la représentation collective. Des réponses substantielles et « organisationnelles » tenant notamment à la définition d’une politique pénale d’envergure, à la révision de la ligne de partage des responsabilités dans l’entreprise et à la recherche de sanctions pénales renouvelées s’imposent. Au-delà de la voie répressive, d’autres méritent d’être explorées. L’application des règles du droit de la représentation collective doit être garantie au moyen d’outils non plus répressifs mais préventifs en dehors de toute participation d’une quelconque autorité judiciaire. La voie extra-pénale fait une large place à la fonction préventive de l’inspection du travail laquelle doit accompagner les entreprises en recourant à de nouvelles méthodes d’accompagnement et d’évaluation. La définition d’une politique sociale d’entreprise, moyennant la conclusion d’un accord unique sur la représentation du personnel, est légalement de nature à garantir l’effectivité de la norme en tenant compte des spécificités propres à chaque entreprise.
Coralie Dupin, Les fusions transfrontalières de sociétés de capitaux dans l'Union européenne : aspects de droit social, thèse soutenue en 2013 à Paris 2 sous la direction de Bernard Teyssié, membres du jury : Catherine Puigelier et Arnaud Martinon
Les fusions transfrontalières de sociétés de capitaux n’intéressent pas uniquement le droit des sociétés mais revêtent aussi d’importants aspects de droit social. Si la directive du 26 octobre 2005 facilite ces opérations, le renvoi aux législations nationales opéré soulève de nombreuses difficultés en l’absence de traitement harmonisé de leurs conséquences sociales. Les interrogations suscitées par la mise en oeuvre de la participation des travailleurs aux organes de gestion de la société issue de l’opération n’en sont qu’une illustration. D’autres questions relatives notamment au devenir des instances de représentation du personnel existant au sein des sociétés parties à la fusion, aux normes collectives ou aux contrats de travail, restent en suspens. A celles-ci et à d’autres, cette étude tente d’apporter des réponses. Les enjeux dont les fusions transfrontalières sont porteuses l’exigent.
Asli Morin, La convergence des jurisprudences de la Cour de cassation et du Conseil d'Etat : contribution au dialogue des juges en droit du travail, thèse soutenue en 2012 à Paris 2 sous la direction de Antoine Mazeaud, membres du jury : Olivier Dutheillet de Lamothe, Arnaud Martinon, Bernard Teyssié et Pierre-Yves Verkindt
La thèse étudie sous leurs aspects, historiques, juridiques, la convergence des jurisprudences du Conseil d’Etat et de la Cour de cassation en droit du travail. D’autres juridictions,nationales (Tribunal des conflits et Conseil constitutionnel), européennes (Cour européenne des droits de l’Homme et Cour de justice de l’Union européenne) concourent à ce rapprochement. La thèse aborde la convergence des objectifs sous deux angles ; l’un né d’une attraction réciproque, l’autre, d’une attraction amplifiée. La convergence jurisprudentielle est successivement qualifiée de « recherchée » et de « nuancée ». Le « juge répartiteur » exerce une influence indirecte, à laquelle s’ajoute celle, directe, des « juges prescripteurs ». A la convergence des objectifs s’ajoute une convergence de la méthode, perceptible à travers les modes d’articulation des sources et les techniques de construction jurisprudentielle. La thèse démontre que le droit du travail, qui s’est construit en réunissant les enseignements du droit civil – la force obligatoire du contrat – et les leçons du droit public – l’importance de l’intérêt général – se révèle être le domaine d’élection d’un échange technique inédit entre les deux ordres juridictionnels. Cette étude signale le passage d’une période d’indifférence mutuelle à celle d’une attention devenue traditionnelle. A l’instar du dialogue qui existe entre le juge et le législateur en matière sociale, se noue un « dialogue des juges » des deux Hautes Juridictions, pour prévenir des discordances majeures.
Aurélie Lemettre, L'organisation des instances de représentation du personnel : essai sur un cadre évolutif, thèse soutenue en 2012 à Paris 2 sous la direction de Bernard Teyssié, membres du jury : Bernard Gauriau et Arnaud Martinon
Si le législateur se préoccupe de l’organisation des instances de représentation du personnel, parfois de leur disparition, il n’envisage guère leur évolution. De celle-ci les opérations de restructuration constituent l’un des principaux facteurs. Elles affectent souvent l’organisation des instances de représentation du personnel, ne serait-ce qu’en provoquant une modification de leur cadre d’organisation. Le législateur ne s’en est que faiblement préoccupé laissant aux partenaires sociaux, par voie d’accord, et au juge, au fil de ses arrêts, le soin d’apporter réponse aux questions apparues. Si ce mode de traitement des interrogations que suscite le devenir des instances de représentation du personnel n’est pas dépourvu de mérites, il présente aussi des inconvénients, singulièrement sur le terrain, toujours sensible, de la sécurité juridique. A une intervention du législateur, il est permis d’appeler. Elle pourrait, au demeurant, être l’occasion de repenser le droit de la représentation du personnel afin d’en épurer les lignes et d’en simplifier l’architecture. Les empilements d’instances ne sont pas nécessairement utiles à la défense des intérêts des salariés … et peuvent compliquer à l’excès la gestion de l’entreprise ou du groupe.
Matthieu Démoulain, Nouvelles technologies et droit des relations de travail : essai sur une évolution des relations de travail, thèse soutenue en 2012 à Paris 2 sous la direction de Bernard Teyssié, membres du jury : Catherine Puigelier et Arnaud Martinon
De Kheops à Internet, des nanotechnologies à la téléportation, les nouvelles technologies rythment la vie des hommes. Fruits de leur intelligence, outils de grands travaux, moteurs de diffusion des savoirs, elles sont cause et effet des progrès de l’humanité. Innervant les relations de travail subordonnées comme tous les compartiments de la société, elles retiennent l’attention du juriste tant elles sont susceptibles de remodeler l’organisation de l’entreprise, de provoquer l’exclusion de la communauté de travail (au moins autant que de rapprocher ceux qui la composent), de provoquer l’entremêlement des vies personnelle et professionnelle. Nul compartiment du droit des relations de travail n’échappe à la pression des nouvelles technologies : au recrutement des salariés elles peuvent donner un nouveau visage ; à la conclusion du contrat de travail elles peuvent offrir instantanéité et dématérialisation ; au temps de son exécution elles imposent normes de sécurité (pour que, de chacun, le corps soit préservé) et normes de vie (pour que, de chacun, l’âme et l’esprit demeurent hors du champ de lecture de l’employeur). Et que dire du jeu de relations collectives remodelées à coup de communications syndicales dématérialisées, de vote électronique, de réunions virtuelles d’instance de représentation du personnel ? Le paysage se transforme. Le corpus normatif, parfois, peine à suivre. Le temps des diseurs de droit n’est pas celui de la science. Mais la science ne peut aller sans que le législateur et le juge, un jour, s’en saisissent. D’intérêts contradictoires où s’entremêlent impératif d’évolution (de l’entreprise) et de protection (du salarié), il leur appartient d’assurer la conciliation.
Damien Chatard, Réflexions sur le jeu croisé des pouvoirs et des responsabilités dans les groupes de sociétés : essai en droit du travail, thèse soutenue en 2012 à Paris 2 sous la direction de Bernard Teyssié, membres du jury : Christine Neau-Leduc et Arnaud Martinon
A l’heure de la globalisation des relations économiques, il est nécessaire que les décisions stratégiques soient prises au plus haut niveau, celui, dans un groupe, de la direction centrale. Or, construit autour du paradigme de la subordination juridique du salarié à l’égard de son employeur, le droit du travail néglige la dépendance économique, voire juridique, de ce dernier à l’égard d’entités juridiquement distinctes. L’employeur placé dans une telle situation peut voire ses choix stratégiques influencés ou commandés. S’esquisse alors l’image d’un « décisionnaire » étranger à la relation contractuelle nouée qui, néanmoins, influence l’exécution des relations de travail dans le groupe. Cette dichotomie dans l’adoption des décisions ne doit pas avoir pour corollaire l’oubli des responsabilités légitimes. Sans aller jusqu’à faire plier l’autonomie juridique des entités constituant le groupe, il convient d’en amender les effets pour que chacun assume les conséquences de ses décisions. Le droit ne peut rester indifférent au réel.
Brune Fournier, Essai sur le risque professionnel en droit social, thèse soutenue en 2012 à Paris 2 sous la direction de Bernard Teyssié, membres du jury : Arnaud Martinon et Christine Neau-Leduc
Le risque professionnel apparaît à la fin du XIXème siècle. Il est conçu comme le palliatif des insuffisances des principes de responsabilité civile appliquées aux victimes du travail. Le corps blessé au profit de l’industrie doit obtenir réparation. L’accident du travail est né ; sa reconnaissance est strictement encadrée. L’évolution des organisations de travail révèle d’autres insuffisances et induisent l’extension de la notion. D’un principe de responsabilité appliqué à la survenance d’un risque qualifié au préalable, le risque professionnel devient l’expression d’un droit à la sécurité. Les acteurs de l’entreprise y acquièrent un pouvoir de qualification. Au croisement du droit de la sécurité sociale, du droit du travail et du droit de la santé publique, les objectifs assignés évoluent à la lumière des enjeux humains et financiers qui s'y attachent. De nouvelles notions innervent les relations de travail. Le droit du salarié à la sécurité ne peut plus être dissocié d’un droit élémentaire à la santé. Au-delà, le bien-être au travail fait son apparition. Reste à mettre fin aux incertitudes qui affectent la notion de risque professionnel. Notion au périmètre fluctuant, la définir est essentiel. Les enjeux sont d’importance.
Nicolas Collet-Thiry, L'encadrement contractuel de la subordination, thèse soutenue en 2012 à Paris 2 sous la direction de Bernard Teyssié, membres du jury : Arnaud Martinon et Pierre-Yves Verkindt
Le contrat de travail fonde la relation de travail et institue le rapport de subordination qui se concrétise par la concession d’un pouvoir à l’employeur. C’est donc aux parties qu’il revient de définir l’étendue, le domaine et les limites du pouvoir patronal. Le salarié ne consent qu’à une subordination strictement définie et encadrée par le contrat. Une analyse objective de la volonté implicite des contractants, au regard de leurs attentes légitimes et de la finalité du pouvoir institué, et à la lumière des exigences du droit commun des contrats (notamment l’exigence de détermination de l’objet des obligations) et des droits fondamentaux (en premier lieu le droit à la protection de la santé) permet d’identifier leurs droits et obligations réciproques : quelles sont les prérogatives que l’employeur est habilité à exercer ? Quelles sont les données du rapport d’emploi qui ne peuvent être remises en cause unilatéralement ? Par ailleurs, le salarié tire du contrat plusieurs pouvoirs d’initiative (exception d’inexécution, prise d’acte) lui permettant de réagir à un manquement de l’employeur. Ceux-ci concourent à l’effectivité des prévisions contractuelles et témoignent d’une réhabilitation du salarié en tant que contractant : contractant subordonné, certes, mais contractant à part entière avant tout.
Laura Chicheportiche, Les ruptures d'un commun accord du contrat de travail, thèse soutenue en 2011 à Paris 2 sous la direction de Bernard Teyssié, membres du jury : Catherine Puigelier et Bernard Gauriau
Longtemps délaissé, l’accord est aujourd’hui au coeur du processus de rupture du contrat de travail. A la suspicion qui entourait l’expression commune des volontés est substituée la confiance. La légalisation de la rupture d’un commun accord du contrat de travail par la loi du25 juin 2008 sous le nom de rupture conventionnelle en témoigne. Cette réforme a bouleversé le droit de la rupture du contrat de travail. Même s’il est acquis depuis longtemps que les parties peuvent mettre un terme d’un commun accord au contrat qui les unit sur le fondement de l’article 1134 du Code civil, cette modalité de rupture n’a longtemps été utilisée que de manière très ponctuelle. L’absence d’encadrement de cette technique et les restrictions apportées à son champ d’application l’expliquent en partie. La reconnaissance du commun accord comme mode de rupture spécifique du contrat de travail, auquel est attaché un régime précis et autonome, pourrait signifier la fin de l’utilisation de la rupture d’un commun accord de droit commun, considérée comme peu adaptée aux relations de travail. Un tel régime pourrait également mettre un terme au monopole détenu par les ruptures unilatérales, en particulier le licenciement. Une large prise en compte du dispositif de rupture conventionnelle est de nature à contribuer à l’apaisement et à l’équilibre des relations de travail.
Vincent Manigot, La discrimination en entreprise, réflexions sur un risque, thèse soutenue en 2011 à Paris 2 sous la direction de Bernard Teyssié, membres du jury : Pierre-Yves Verkindt et Arnaud Martinon
La gestion d’une entreprise expose l’employeur au risque de discrimination. Dans son acception originelle, la notion de discrimination vise les distinctions reposant sur un critère illicite. La mise en oeuvre effective de la prohibition des discriminations amène le juge à exiger de l’employeur qu’il justifie de façon pertinente ses décisions. L’entreprise est sommée de développer des outils lui permettant d’apprécier de manière objective les compétences de ses salariés. Au-delà de cet objectif initial, la lutte contre les discriminations doit dorénavant faciliter l’intégration d’un public défavorisé. Les notions d’égalité professionnelle, de diversité, d’actions positives et de discriminations indirectes font aujourd’hui parti du vocabulaire des entreprises. Bien qu’elles ne disposent pas toujours de leviers d’action efficaces pour agir, les pouvoirs publics les contraignent à négocier sur certains thèmes pour résorber les inégalités. L’employeur responsable ne peut ignorer cette métamorphose du concept de discrimination. Il doit déterminer les nouvelles frontières de ce risque afin de mettre en oeuvre les dispositifs adéquats pour faire obstacle à sa réalisation.
Emilie Million-Rousseau, La représentation élue du personnel en matière de santé et de sécurité, thèse soutenue en 2011 à Paris 2 sous la direction de Bernard Teyssié, membres du jury : Bernard Bossu et Arnaud Martinon
Depuis l’apparition du CHSCT en 1982, la représentation élue du personnel a connu de profondes évolutions. Délégués du personnel, comités d’entreprise et CHSCT ont dû s’adapter à la considérable extension des notions de santé et de sécurité. L’intégration de l’impératif de protection de la santé mentale des travailleurs dans le Code du travail a bouleversé le champ de compétences du CHSCT. La prévention des risques psycho-sociaux s’est rapidement invitée au centre de ses préoccupations, élargissant d’autant l’obligation de consultation mise à la charge de l’employeur. Des projets et mesures qui initialement nécessitaient la seule consultation du comité d’entreprise doivent dorénavant être également soumis à l’avis du CHSCT. Dans cette procédure de double consultation l’employeur est guidé par le principe de spécialité qui transforme le comité d’entreprise en simple chambre d’enregistrement des avis de l’instance spécialisée. De l’expansion du CHSCT naissent redondances et lourdeurs. Une réforme doit être envisagée. Transformation de l’instance spécialisée en commission du comité d’entreprise ou redistribution des compétences de chacun : l’alternative offerte impose la discussion.
Pierre Befre, La liberté d'expression des salariés, thèse soutenue en 2011 à Paris 2 sous la direction de Bernard Teyssié, membres du jury : Bernard Bossu et Arnaud Martinon
Salariat et liberté d'expression : la contradiction apparaît irréductible. La subordination inhérente à la relation de travail semble en effet exclure l’exercice de cette liberté. Le salarié, parce qu’il demeure citoyen, doit toutefois en jouir de façon effective. Le représentant élu et désigné, parce que le mécanisme de la représentation collective l’exige, doit également le pouvoir. Accorder au salarié une telle liberté peut s’avérer dangereux pour l’autorité de l’employeur ou la survie de l’entreprise. Des notions floues, complexes à circonscrire, telles que l’obligation de confidentialité ou l’abus, peuvent autoriser l’employeur à restreindre l’exercice par le salarié de la liberté d'expression et à le sanctionner. Face au mutisme du législateur et à l’indécision du juge, l’insécurité règne. S’impose alors de dégager une définition plus précise et une articulation plus cohérente des règles légitimant tant l’exercice par le salarié de cette liberté que sa limitation par l’employeur. Bien que périlleuse, cette quête d’équilibre mérite d’être entreprise afin que le caractère nécessaire de cette liberté au monde du travail se révèle. Salariat et liberté d'expression : la contradiction n’apparaîtra qu’apparente.
Sabine Izard, Les accords d'entreprise ou de groupe à caractère transnational, thèse soutenue en 2011 à Paris 2 sous la direction de Bernard Teyssié, membres du jury : Arnaud Martinon et Pierre-Yves Verkindt
La mondialisation de l’économie modifie les rapports sociaux. Face au poids grandissant des firmes multinationales, les organisations syndicales s’organisent au niveau international. De nouvelles stratégies de contre-pouvoir émergent dont les accords transnationaux d’entreprise ou de groupe sont le fruit. Résultats d’une négociation spontanée entre des acteurs dont la légitimité reste à prouver, ces accords aménagent les rapports sociaux dans les entreprises et les groupes à caractère transnational et édictent des règles de travail pour les salariés qui les composent, voire au-delà. D’abord envisagés comme de simples déclarations d’intention assurant, par-delà les frontières, la promotion des droits fondamentaux au travail, leur contenu se précise et engage plus fermement leurs signataires. Un cadre juridique propre s’impose. A défaut, ils seront régis selon le cadre national de réception. Malgré ces incertitudes, les signataires s’organisent conventionnellement pour donner effets aux accords. Des clauses spécifiques assurent leur mise en oeuvre et leur suivi. Pourtant le silence demeure sur les effets juridiques réellement produits. Dès lors, une certaine insécurité questionne les parties qui appellent parfois à la définition d’un cadre international de réception pour en définir les règles de conclusion, la portée et les recours envisageables en cas de violation.