Présentation
L’encadrement juridique de l’expression des convictions, des activités et des organisations religieuses a connu des évolutions importantes en France au cours des dernières décennies, sous la double influence des transformations de la sociologie religieuse (sécularisation, pluralisation et individualisation du croire) et de politiques publiques qui se saisissent désormais du « religieux » comme d’un facteur problématique. Ce double mouvement entraîne une extension du périmètre de la religion en même temps qu’une atomisation de son contenu.
Ainsi, si les règles de droit ont longtemps été conçues pour gérer les cultes dans leur dimension institutionnelle et dans leurs relations avec les pouvoirs publics, sur la base de la loi de 1905 et d’une poignée de textes de nature réglementaire, le retour à la voie législative au début des années 2000 marque une volonté politique « d’unification des conduites » qui s’appuie sur des notions aussi imprécises que les « valeurs de la République » ou le « vivre ensemble ».
Ailleurs en Europe ou au Canada, le droit des religions connaît également des évolutions et des points de bascule qui redessinent un corpus de dispositions normatives et de solutions prétoriennes encadrant le religieux entendu dans ses acceptions (et déformations) les plus diverses.
Le fait religieux est-il un fait comme les autres lorsqu’il est soumis à l’appréciation du juge ? Dans quelle mesure le droit européen influence-t-il les dynamiques nationales en matière de contrôle et de perception du religieux ? Comment les études décoloniales peuvent-elles renouveler une approche réflexive de la fabrique du droit des religions ? Entre banalisation des convictions et disqualification de la liberté de religion, comment le droit permet-il de révéler les enjeux de la régulation du religieux ?
Autant de questions qui seront débattues lors de ces Rencontres pour analyser la façon dont le droit contribue à définir et transformer les conceptions du religieux.
Programme
9h00 : Ouverture de la journée
Mot d’accueil
Mélanie Schmitt, Université de Strasbourg/CNRS
Propos introductifs
Françoise Curtit, Université de Strasbourg/CNRS
Le fait religieux saisi par les juges français
Discutant : Benjamin Lecoq-Pujade, Université de Strasbourg
9h30 : Le juge étatique face à la décision de l’autorité religieuse
Frédéric Dieu, Cour de cassation
La sécrétion progressive d’un droit privé des religions
Vincente Fortier, Université de Strasbourg/CNRS
10h45 : Pause
Le droit des religions entre dynamiques nationales et européennes
Discutant : Jean-Marie Woehrling (Président honoraire de tribunal administratif)
11h00 : Le droit constitutionnel belge incorpore les droits européen et international pour garantir les droits humains
Hélène Lerouxel, Commission communautaire commune de Bruxelles-Capitale ; UC Louvain Saint-Louis Bruxelles
Xavier Delgrange, Conseil d’État de Belgique ; UC Louvain Saint-Louis Bruxelles
Le retour du statut des cultes
Francis Messner, Université de Strasbourg/CNRS
12h15 : Pause déjeuner
Renouveler l’analyse juridique du religieux par une approche décoloniale
Discutante : Albane Geslin, Sciences Po Lyon
14h15 : Études postcoloniales et droit des religions
Elsa Forey, Université de Bourgogne
Du discours au droit : gommer la posture orientaliste qui motive les restrictions de la liberté de religion
Lauren Bakir, Université de Strasbourg/CNRS
15h30 : Pause
Le rôle du droit pour (dis)qualifier le religieux
Discutant : Marco Ventura, Università di Siena
15h45 : Entre sécularisation et sécurisation : la seconde vie du sacré dans la (juris) prudence européenne
Louis-Léon Christians, UCLouvain
La saisie juridique du religieux sans le droit et les juristes ?
Stéphane Bernatchez, Université de Sherbrooke
17h00 : Propos conclusifs
Gérard Gonzalez, Université de Montpellier
17h30 : Clôture
Entrée libre
Colloque organisé par le DRES, UNISTRA et la Revue du droit des religions