lundi22mai2023
09:0017:20
Le Rojava démocratique et le Droit

Journée d'étude

Le Rojava démocratique et le Droit


Présentation

 

Depuis la fin de l'année 2013, au nord de la Syrie dans la région du Rojava, a lieu une expérience politique extrêmement singulière. Au carrefour d'espaces contrôlés par trois Etats autoritaires ou dictatoriaux, la Turquie, l'Irak et la Syrie, certaines populations kurdes et d'autres origines essaient de mettre en place une auto-organisation communautaire et volontaire parfois appelée « confédération démocratique », résolument distincte du modèle étatique. Outre la prise en main de leur propre défense par des combattantes et les combattants kurdes (YPG-YPJ), ce que tentent d'accomplir les révolutionnaires du Rojava est inédit : rassembler, par un « contrat social », des populations variées (kurdes, arabes, assyriennes, chaldéennes, arméniennes, turkmènes, tcherkesses et tchétchènes) et de confessions différentes (musulmane, chrétienne et yézidie) qui luttaient et s'organisaient jusqu'alors sur un modèle essentiellement identitaire ; assurer la parité homme-femme à tous les niveaux de la prise de décision politique ; exploiter les ressources naturelles et organiser la vie économique suivant des critères écologiques ; surtout, permettre à l'ensemble des habitants, femmes et hommes, des minorités ethniques et religieuses ainsi que des collectivités locales s'auto-identifiant comme telles, de décider de leur avenir sur un pied d'égalité.

L'opinion occidentale a surtout pris connaissance de l'existence du Rojava en 2014, lors de la bataille de Kobané, au cours de laquelle les YPG et les YPJ ont réussi ce que les Etats de la région, avec leurs soutiens russes et américains, n'avaient pas réussi : infliger une défaite militaire et politique à Daech. Aujourd'hui, alors qu'ils ont contribué à la chute de Daech, les peuples du Rojava poursuivent leur expérience émancipatrice malgré l'hostilité des Etats de la région, la menace d'une invasion turque imminente et l'indifférence de l'Occident.

Le juriste de son côté, ne peut manquer d'être frappé par cet objet inclassable.

Du point de vue du Droit international, quelles règles sont concrètement appliquées au Rojava par les Etats et les organisations internationales ? Comment convient-il de le qualifier sachant qu'il revendique le fait de ne pas être un Etat, tout en ayant manifestement certains de ses attributs ? Si la qualification coutumière d'Etat doit lui être refusée, dans quelle catégorie tombe-t-il en tant qu'organisation politique ? Les peuples du Rojava peuvent-ils par ailleurs se prévaloir utilement du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ? Quels enseignements tirer de la façon dont le Rojava s'est imposé comme sujet à l'agenda d'organisations internationales comme l'Organisation des Nations unies, le Conseil de l'Europe ou l'Union européenne ? Comme interlocuteur avec ses voisins ? Dans sa coopération avec des Etats européens, par exemple en ce qui concerne la détention au Rojava de ressortissants européens membres de Daech ?

Du point de vue du Droit constitutionnel, peut-on qualifier le « contrat social » de constitution ? Quels sont les traits principaux du régime qu'il institue ? Est-il démocratique et à quel idéal démocratique répond-t-il exactement ? Existe-t-il d'autres régimes instaurant une parité aussi systématique ? Quelles déclinaisons institutionnelles sont trouvées, dans le « contrat social » et en pratique, à l'insistance du régime sur la place des femmes ou des jeunes dans la représentation et la prise de décision ? Comment catégoriser le type de décentralisation que le régime essaie d'instaurer, et celle qui s'est effectivement imposée ? Plus largement, quels décalages constate-t-on entre un texte forcément performatif, et une réalité de terrain inévitablement plus complexe ? Enfin, la place que ce régime fait aux religions et aux ethnies minoritaires dans son organisation politique est-elle susceptible d'inspirer d'autres constitutions de la région ?

Pour les juristes soucieux de comprendre leur époque, il est nécessaire, urgent et inspirant de porter un regard juridique sur le Rojava.

 

Programme

 

9h00 : Ouverture
Nathalie Clarenc-Bicudo et Florian Couveinhes Matsumoto

 

Présentation générale du Rojava démocratique et de son contexte

9h10 : La question kurde de sa naissance à la Fédération démocratique de Syrie du nord (Rojava)
Boris James, Ecole de hautes études en sciences sociales (EHESS)

 

Table ronde n°1 - Le Rojava du point de vue international 

L'application du droit international au Rojava

9h30 : Le Rojava est-il un Etat du point de vue du Droit international ?
Nicolas Haupais, Université d'Orléans

Droit des peuples du Rojava à disposer d'eux-mêmes et droits des minorités
Anne Lagerwall, Université Libre de Bruxelles

L'application du Droit de la paix et de la sécurité au Rojava
Stefano Marinelli, Agency for Peacebuilding

L'application du Droit humanitaire et du Droit international pénal au Rojava
Muriel Ubeda-Saillard, Université de Lille

10h30 : Pause

 

Les relations internationales du Rojava

11h00 : Le Rojava et les Etats de la région : Syrie, Irak, Turquie
Dorothée Schmid, Institut Français des Relations Internationales (IFRI)

Le Rojava et la France
Rémi Carcelès, Université d'Aix-Marseille

Le Rojava et les organisations internationales (y compris l'Union européenne)
Despina Sinou, Université Sorbonne-Paris Nord

11h45 : Débat

 

12h15 : Pause déjeuner

 

Table ronde n°2 - Le Rojava du point de vue du droit constitutionnel 

Le « contrat social » du Rojava : une constitution ?

14h00 : Le Rojava a-t-il une constitution ?
Jean-François Kerléo, Université d'Aix-Marseille

Les conceptions de la Démocratie et celles retenues et/ou mises en œuvre dans le contrat social du Rojava
Florent Guénard, Université Paris Est-Créteil

14h30 : Débat

 

Le Droit constitutionnel du Rojava

15h00 : Les principes et valeurs du contrat social du Rojava
Laurent Fonbaustier, Université Paris-Saclay

Le système institutionnel du Rojava
Pierre Bance, docteur d'Etat en droit, ancien directeur des Editions Droit et Société

Federalism, Confederalism and Decentralization in Rojava's social contract
Eva Maria Belser, Université de Fribourg

Le « système de justice » dans le contrat social du Rojava et le système de cours anti-terroristes
René Provost, Université de McGill

Les femmes et la jeunesse dans le contrat social du Rojava et sur le terrain
Imad Khillo, Sciences Po Grenoble

La gestion des ressources au Rojava : la théorie et la pratique
Nathalie Clarenc-Bicudo, Université Paris Cité (sous réserve)

16h30 : Débat

17h00 : Conclusions
Noé Wagener, Université Paris-Est Créteil

17h20 : Cocktail

 

 

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7ème Journée de Droit international de l'ENS et de Paris Cité organisée par Nathalie Clarenc-Bicudo et Florian Couveinhes Matsumoto



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Amphithéâtre Dussane
45 Rue d’Ulm
75005 Paris