Présentation
Par sa remarquable valeur patrimoniale, le « pleurant n°17 », statue en albâtre provenant du tombeau du duc de Bourgogne Philippe II le Hardi, alimente des débats juridiques substantiels autour de sa propriété. Depuis plusieurs années, les juridictions administratives françaises en ont été saisies avant que l'affaire ne prenne une dimension européenne par l'introduction d'une requête auprès de la Cour européenne des droits de l'homme en 2018 à l'initiative des héritières de l'objet (« La décision d'ordonner la remise de la statue « Le pleurant no 17 » aux services de l'Etat, sans indemnisation, constitue-t-elle une atteinte au droit des requérantes au respect de leur bien, au sens de l'article 1 du Protocole no 1 ? »).
A priori, cette affaire constitue une illustration de la problématique classique des rapports délicats entre le droit de propriété privée et la légitimité de l'action de l'Etat au nom de la protection de l'intérêt public que représente, « au point de vue de l'histoire ou de l'art », la protection de certains biens. Si la tournure européenne que prend l'affaire du « pleurant n° 17 » soulève la question de la pertinence même de la jurisprudence française, elle mérite en réalité d'être considérée à l'aune des interrogations contemporaines qui traversent ce champ thématique, qui touchent fondamentalement à la question de la propriété, tant publique que privée.
D'une part, la demande de restitution de la statue s'appuie sur son appartenance au domaine public de l'Etat, conséquence directe du décret de nationalisation des biens ecclésiastiques du 2 novembre 1789. Or, le fondement exact de la domanialité publique des objets mobiliers ecclésiastiques demeure, aujourd'hui encore, en partie énigmatique, dans la mesure où elle regroupe un ensemble incommensurable de biens dont beaucoup ne sont pas directement reliés à la célébration du culte. Le « pleurant n° 17 » invite donc à se pencher sur cette catégorie particulière qu'est le domaine public mobilier « religieux » et le défi de qualification juridique qu'elle représente, le long d'une frontière incertaine entre cultuel, religieux et culturel.
D'autre part, cette affaire intervient dans un contexte de renouvellement de la réflexion sur le droit de propriété dès lors que sont en cause des biens culturels. En droit privé, la propriété est considérée comme un droit absolu, qui ne saurait souffrir d'atteintes. Pour autant, les nécessités légitimes de l'histoire, de l'art et de considérations religieuses, imposent des sujétions nouvelles qui altèrent la plénitude du propriétaire, dans la teneur du droit qu'il tire de l'article 544 du code civil. Dans ce contexte, peut-on encore considérer aujourd'hui qu'un bien culturel ou historique (en outre religieux, le cas échéant) peut connaître un sort similaire à celui d'un bien de type classique ? Sans qu'il s'agisse de trancher la question de savoir s'il dépasse ou s'ajoute à la summa divisio propriété privée /propriété publique, le modèle de la propriété culturelle d'intérêt partagé (M.-S. de Clippele, 2019) participe de cette réflexion.
Programme
8h30 : Accueil et introduction
Anne Fornerod, Unistra, UMR 7354 DRES
Thibault de Ravel d'Esclapon, Unistra, UMR 7354 DRES
8h45 : Le pleurant n°17 et le tombeau de Philippe le Hardi : le point de vue de l'historien de l'art
Denise Borlée, Unistra, Institut d'histoire de l'art, UR3400 ARCHE
9h15 : Le pleurant n°17 et la propriété privée
Marie Cornu, UMR7220, Institut des sciences sociales du politique
Nicolas Kilgus, Unistra, UR1351 CDPF
Marie-Sophie de Clippele, F.R.S.- FNRS, Université St-Louis de Bruxelles
10h45 : Pause
11h15 : Le pleurant n°17 et le domaine public cultuel
Stéphane Duroy, Université Paris-Saclay, Institut d'études de droit public
11h35 : Le pleurant n°17 devant la Cour européenne des droits de l'homme
Gérard Gonzalez, Université de Montpellier/UMR 7354 DRES
11h55 : Discussion
12h30 : Clôture
Atelier en phygital : en présentiel dans la limite des places disponibles et en webinaire
Entrée libre, inscription obligatoire : anne.fornerod@misha.fr ou thibaultderavel@unistra.fr
Organisé par le laboratoire DRES, UNISTRA sous la responsabilité scientifique de Anne Fornerod et Thibault de Ravel d'Esclapon