Présentation
Le serment a été particulièrement bien analysé par les historiens et les historiens du droit, voire par des sociologues et des anthropologues. En témoignent les actes de colloque dirigés respectivement par Raymond Verdier et Françoise Laurent (Le serment, Paris, Editions du CNRS, 2 vol., 1991 et Serment, promesse et engagement : rituels et modalités au Moyen-Age, Cahiers du CRISIMA, Presses universitaires de la Méditerranée, 2008). Il est en revanche assez rare que les juristes s'intéressent au serment en droit positif. Il est souvent borné au serment judiciaire ou au serment attendu des professions judiciaires, que l'on dit pour cette raison « assermentées ». Le serment apparaît en effet anachronique, vieillot, archaïque ; il serait le témoignage de sociétés autrefois religieuses, mais aujourd'hui sécularisées. Bref, le serment sentirait la naphtaline. Un paradoxe se fait cependant jour : comment expliquer cette défaveur intellectuelle ou morale pour le serment, et le succès fulgurant qu'il connaît dans les années récentes ? On ne veut pas seulement parler du serment des chefs d'Etat ou des membres des cours constitutionnelles, ou encore du serment d'Hippocrate, qui ont une histoire bien balisée et une facture classique, car on s'intéresse ici à des serments de création récente : le serment de l'élu local (2015), le serment des forces de l'ordre (2021), le serment de thèse (2020), etc. Comment expliquer ce goût pour le serment alors qu'il est très largement déconsidéré ? Que signifie-t-il encore aujourd'hui pour que le constituant, le législateur ou le pouvoir réglementaire le généralisent ?
Notre hypothèse est que le serment n'est pas anodin, aujourd'hui encore, et qu'il est l'indice de sociétés à la recherche de repères ou de pierres de touche.
Dans des civilisations rongées par l'individualisme, caractéristique de la période contemporaine, le serment est le moyen de « faire corps » et de donner l'assurance à une communauté politique qu'elle sera correctement dirigée et protégée par les puissants de ce monde (les élus, les fonctionnaires publics, les serviteurs de la Justice, les médecins). Sans doute le serment traduit-il aussi une méfiance envers les élites ou les corps intermédiaires, de sorte qu'il servirait de boussole comme de rempart à l'heure où la déontologie et la transparence sont à la mode. Ici, le serment donne des gages à la collectivité contre ceux qui exercent des fonctions vitales – et c'est pour cela qu'elles sont le plus souvent publiques ou au service du public.
Le colloque réunira des juristes d'horizons divers : des praticiens (magistrats, avocats) comme des universitaires, qu'ils soient historiens du droit, spécialistes de droit privé, de droit pénal ou de droit public, et même archéologues. L'objectif de leurs travaux est de réfléchir à la place accordée de nos jours au serment en France comme à l'étranger. La perspective comparée sera en effet privilégiée dans plusieurs contributions.
Programme
9h00 : Le serment aujourd'hui
Julien Boudon, Professeur de droit public à l'Université Paris-Saclay
9h30 : Serment, promesse et jurement
Boris Bernabé, Professeur d'histoire du droit à l'Université Paris-Saclay, Doyen de la Faculté Jean Monnet (Droit, Economie, Gestion)
10h00 : Le serment judiciaire
Liza Veyre, Professeure de droit privé à l'Université de Reims
10h30 : Discussion avec la salle et pause
11h00 : Le serment des professions judiciaires
Blandine Gardey de Soos, Magistrate, Cheffe du bureau de la déontologie et de la discipline des professions à la Chancellerie
11h30 : Le serment des membres des juridictions constitutionnelles
Guillaume Tusseau, Professeur de droit public à l'École de droit de Sciences Po Paris
12h00 : Discussion avec la salle
Pause médiane
14h00 : Le serment des chefs d'État
Raphaël Paour, Maître de conférences en droit public à l'Université Paris-Saclay
14h30 : Le serment des fonctionnaires publics en France et en Italie
Barbara Gagliardi, Professeure associée de droit administratif à l'Université de Turin
15h00 : La nature de l'engagement de l'élu local aux termes de la charte de 2015
Arnaud Haquet, Professeur de droit public à l'Université de Rouen
15h30 : Discussion avec la salle et pause
16h30 : Le serment d'Hippocrate : palliatif ou substitut à la norme juridique ?
Agathe Chirossel, Doctorante ATER en droit public à l'Université Clermont Auvergne
17h00 : L'inscription du serment de thèse dans la loi de programmation de la recherche du 24 décembre 2020
Pierre Ouzoulias, Sénateur des Hauts-de-Seine
17h30 : Discussion avec la salle
17h45 : Synthèse
Laurent Fonbaustier, Professeur de droit public à l'Université Paris- Saclay
Contact : colloques.jean-monnet@universite-paris-saclay.fr
Colloque également accessible sur Collaborate : https://eu.bbcollab.com/guest/5583a01fa610426f9c8435e85005ca69
Organisé sous la direction de Julien Boudon, Professeur de droit public à l'Université Paris-Saclay, avec le soutien de l'Institut d'études de droit public (IEDP)