Leçon 1 : Introduction
La responsabilité peut être définie comme l'ensemble des règles légales et jurisprudentielles qui ont pour objet de substituer une attribution matérielle d'un dommage à une attribution d'ordre juridique.Cette théorie permet de répondre à la question de savoir si le dommage doit être laissé à la charge de la victime (attribution matérielle) ou au contraire s'il convient d'en déplacer le poids sur une autre personne (attribution juridique).La responsabilité apparaît comme l'obligation de réparer le dommage qu'une personne a pu causer soit par sa faute, soit par son activité, soit même encore à raison de sa qualité ou de sa fonction.
Leçon 2 : La responsabilité du fait personnel et la faute
La responsabilité pour faute est à la base de la responsabilité civile.
La responsabilité du fait personnel était régie par un texte essentiel, l’ancien article 1382 du Code civil :
« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ».
Cette disposition est complétée par l’ancien article 1383, qui dispose que :
« Chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ».
Ces textes classiques n’étaient pas modifiés dans le projet de réforme du Code civil :
« Tout fait illicite ou anormal ayant causé un dommage à autrui oblige celui à qui il est imputable à le réparer.
De même, toute inexécution d’une obligation contractuelle ayant causé un dommage au créancier oblige le débiteur à en répondre ».
La réforme opérée par l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 change peu le texte :
« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Ces textes conservent toute leur valeur en droit positif, ceci parce que les actions fondées sur ces deux articles sont très nombreuses en pratique ; on peut dire que ce type de responsabilité a un « poids sociologique », car dans un procès en responsabilité, voire dans tout procès en responsabilité, on recherche intuitivement la faute : on « plaide » la faute.
Après avoir vu les différentes types de faute, il faut examiner les excuses.
Leçon 3 : Le dommage
L'étude du dommage et du préjudice est essentielle.
On évitera de confondre le dommage qui est la lésion subie (le damnum) et le préjudice, qui est la conséquence de la lésion (le prae-judicium, i.e. ce qui est porté devant – prae – le juge – judicium), même si souvent dans la pratique les termes sont synonymes.
C’est la condition sine qua non de toute responsabilité.
La victime doit prouver l’existence d’un préjudice. Ce principe est contenu dans l’article 1240. Il est rappelé très souvent par les tribunaux. En effet, des parties se contentent parfois d’alléguer vaguement un préjudice et demandent au juge de suppléer leur carence en nommant un expert, qui aura pour « mission » d’établir la réalité dudit préjudice.
Leçon 4 : Le lien de causalité
La détermination du lien de causalité est une question difficile, voire insoluble. Aucune réponse n’est véritablement satisfaisante, ni certaine.
Il s’agit de rattacher un préjudice à un événement antérieur. Rationnellement, un événement se rattache à tous les faits qui l’ont précédé ; par conséquent, un préjudice se rattache à diverses causes antérieures : comportement de l’auteur de la faute, attitude de la victime, environnement, circonstances particulières, phénomènes sociaux... Pothier avait ainsi recours à un exemple célèbre concernant l’achat d’une vache malade qui, contaminant un troupeau, emporte la ruine d’un agriculteur.
Il faut donc opérer un tri entre les divers événements, afin d’isoler celui qui, rationnellement, a contribué effectivement à la réalisation du dommage. Aussi, plusieurs théories ont été proposées.
Le droit français oscille entre deux théories d'origine allemande: l'équivalence des conditions et la causalité adéquate.
Le droit de Common Law hésite entre la théorie de la proximate cause et celle de la causation in fact.
Leçon 5 : La responsabilité du fait d'autrui
La prise en compte du fait d’autrui suppose un système de responsabilité plus évolué : la responsabilité ne pèse pas directement sur l’auteur du fait dommageable, mais sur quelqu’un d’autre.
Il faut bien distinguer le dommage causé par autrui de la responsabilité du fait d’autrui. Il arrive qu’une personne soit tenue de réparer le dommage causé par autrui sans être pour autant tenue pour autrui.
La responsabilité pour fait d’autrui est prévue, dans certaines circonstances, lorsqu’un individu est responsable et qu’une autre personne est tenue de réparer.
Pendant longtemps, la responsabilité pénale du fait d’autrui ne fut admise que de manière exceptionnelle, principalement en droit pénal du travail, en raison du principe de la personnalité des peines. Depuis le nouveau Code pénal, adopté le 22 juillet 1992 et entré en vigueur le 1er mars 1994, les personnes morales sont pénalement responsables. Toutefois, les peines applicables sont adaptées afin de tenir compte de la spécificité de la personne morale. Cette innovation demeure une exception : seuls les délits prévoyant expressément une telle responsabilité permettent la poursuite des personnes morales, conjointement ou séparément, avec les dirigeants de droit ou de fait.
Leçon 6 : La responsabilité des pères et mères pour le fait de leurs enfants mineurs
Ni le droit romain, ni l’ancien droit français ne dérogeaient aux principes de responsabilité en faveur des victimes de dommages causés par les enfants. L’article 1242, alinéa 4 du Code civil énonce cette responsabilité, détermine les personnes responsables et les conditions requises quant au mineur.
Dans un premier temps, la jurisprudence avait complété ce texte en considérant que cette responsabilité faisait présumer la faute d’éducation (culpa in educando) et/ou la faute de surveillance (culpa in vigilando) pesant sur les parents. Cette double présomption reposait sur la notion de l’autorité parentale, qui donne des droits aux parents mais leur impose aussi des devoirs.
Aujourd'hui, c'est la responsabilité elle-même qui est présumée.
Leçon 7 : La responsabilité des membres de l'enseignement pour le fait de leurs élèves
Les accidents scolaires sont nombreux.
Dans un premier temps, ils ont été réglés suivant le principe de responsabilité du fait d’autrui (selon un mode voisin de celui des parents). Le suicide d’un instituteur a mis en relief les faiblesses d’un tel système, aussi le législateur est intervenu à plusieurs reprises tout d’abord pour substituer l’État aux instituteurs, sauf à prouver une faute personnelle de l’instituteur (loi du 20 juillet 1899), puis en supprimant toute présomption de faute (loi du 5 avril 1937). La loi du 5 avril 1937 concerne les accidents causés par ou causés aux élèves, et distingue selon qu’il s’agit de l’enseignement privé ou public.
Leçon 8 : La responsabilité des commettants pour le fait de leurs préposés
La responsabilité délictuelle du fait des préposés était connue du droit romain et de l’ancien droit.
Ainsi, Pothier faisait déjà la distinction à ce propos entre responsabilité contractuelle et délictuelle, dans un texte d’une incroyable modernité :
« Ce n’est pas seulement en contractant que les préposés obligent leurs commettants. Quiconque a commis quelqu’un à quelques fonctions est responsable des délits et quasi-délits que son préposé a commis dans l’exercice des fonctions auxquelles il était préposé (...) Par exemple, si un commis aux aides, en faisant son exercice chez un cabaretier, a maltraité ce cabaretier ou lui a causé quelque dommage dans ses effets, les fermiers du prince qui l’ont préposé sont responsables de ce délit, et obligés au paiement des dom- mages et intérêts auxquels leur commis sera condamné, sauf leur recours contre lui ; parce que le préposé a commis ce délit dans ses fonctions » (Pothier, Traité des obligations, éd. Bugnet, n° 453, p. 252 et 253).
L’article 1242, alinéa 5 du Code civil s’en est inspiré :
« Les maîtres et commettants répondent du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés ».
Le texte n’en dit pas davantage sur les notions de commettant ou préposé, sur la mise en œuvre de cette responsabilité et sur les causes d’exonération, ce qui a laissé libre champ à la jurisprudence.
Leçon 9 : La responsabilité du fait des choses
Les choses inanimées, telles que les automobiles, les pierres, les animaux, les fumées, les branches d’arbres sont l’occasion d’accidents divers et nombreux. La réparation de dommages causés par ces « choses » peut être assurée sur le fondement de l’article 1242, alinéa 1er du Code civil :
« On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ».
Leçon 10 : La responsabilité du fait des bâtiments ou du fait des animaux
La ruine, totale ou partielle d’un bâtiment, a toujours intéressé la doctrine juridique. En droit romain, les voisins menacés par le bâtiment menaçant ruine pouvaient faire effectuer les réparations aux frais du propriétaire et en obtenir le remboursement par l’action cautio damni infecti. L’ancien droit avait adopté cette solution et permettait aux victimes de la ruine de demander au propriétaire d’intervenir.
La jurisprudence a reconnu très tôt (v. l’affaire du mulet d’Embrun) la possibilité pour une victime d’engager la responsabilité du propriétaire d’un animal, en se fondant sur l’article 1243 du Code civil, responsabilité qui peut être engagée sans qu’il faille prouver la moindre faute du propriétaire de l’animal. La responsabilité est ainsi objective :
« Le propriétaire d’un animal, ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que l’animal fût sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé ».
Leçon 11 : La loi du 5 juillet 1985
La responsabilité des accidents de la circulation était réglée, depuis l’arrêt Jand’heur, en application de l’article 1242, alinéa 1er du Code civil. Une jurisprudence, volumineuse et complexe, s’était développée ; le contentieux ne cessait de croître et de se disperser dans des méandres toujours plus sinueux. En conséquence, les solutions de droit n’étaient pas satisfaisantes pour les victimes d’accidents de la circulation : celles-ci étaient mal indemnisées.
La loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 dite Loi Badinter a eu pour objectif de clarifier et rationaliser le droit des accidents de la circulation.
Leçon 12 : La responsabilité du fait des produits défectueux
En droit international, la Convention de La Haye du 2 octobre 1973 détermine la loi applicable à la responsabilité des fabricants pour les dommages causés par un produit ; ce texte ne fait pas de distinction selon la nature de la responsabilité encourue.
En droit européen, le 25 juillet 1985, le Conseil des Communautés européennes a pris une directive 85/374/CEE relative à la responsabilité du fait des produits défectueux.
Sur la base de cette directive, le législateur français a modifié ses règles en matière de produits défectueux par la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux.
Leçon 13 : Les acteurs
Les acteurs sont les victimes de dommages, qu’il s’agisse de personnes physiques ou morales. Le demandeur à l’action est donc celui qui demande réparation d’un préjudice prétendu. Cette qualité de demandeur lui impose donc de rapporter la preuve des différents éléments constitutifs de la responsabilité.
Leçon 14 : Les conditions de l'action
Les conditions de la responsabilité consistent dans l'examen des conditions de procédure (Tribunal compétent, recevabilité a agir, prescription) que de fond (autorité de la chose jugée, transaction, clauses de non-responsabilité, clauses limitatives de responsabilité).
Leçon 15 : Les effets de l'action
La réparation est largement comprise ; elle couvre les dommages matériels et moraux que la jurisprudence ne distingue pas, les atteintes à la personne (à son honneur ou à sa considération...).
L'étude de la réparation passe par l'inventaire des différents types de préjudice, tant dans sa version classique que dans sa version moderne due à M. Dintilhac.
Les principes de l’indemnisation en droit civil sont au nombre de trois :
- réparation intégrale ;
- principe indemnitaire ;
- appréciation in concreto.