Leçon 1 : Elaboration historique de la responsabilité publique
Cette leçon expose l’émergence progressive d’un régime de responsabilité publique en droit français. Le principe d’irresponsabilité du souverain issu de l’Ancien Régime fut atténué par des dispositions ponctuelles, avant qu’un renversement ne s’amorce au milieu du XIXème siècle. Les arrêts rendus par le Tribunal des conflits en 1873 ont été décisifs pour instaurer une obligation de réparation par l’Etat des dommages causés par ses services publics. Dans les années suivantes, la jurisprudence a généralisé la responsabilité extra-contractuelle des personnes publiques aux départements, communes et établissements publics. L’ouverture d’une possibilité d’action en réparation des dommages causés par les activités publiques devant le juge administratif s’accompagne de l’affirmation que le régime applicable est distinct du droit privé de la responsabilité inscrit dans le code civil. Ainsi, le droit naissant de la responsabilité administrative a fortement contribué à l’autonomisation du droit des relations entre l’administration et les particuliers, droit administratif.
Leçon 2 : Principes de répartition des compétences juridictionnelles en matière de responsabilité publique
Pendant longtemps, les tribunaux ordinaires (judiciaires) ont eu le monopole du contentieux de la responsabilité. A partir de la Révolution, une répartition des litiges entre juridiction judiciaire et administration (système de l’administrateur-juge) se dessine. Divers principes et théories vont être invoqués pour affermir la compétence administrative en matière de responsabilité publique : le principe de séparation des autorités administrative et judiciaire, la théorie de l’Etat débiteur, la théorie de la gestion privée, et la compétence administrative de principe en matière de dommages de travaux publics sur le fondement de la loi du 28 pluviôse an VIII. Aujourd’hui, la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction repose sur l’affirmation d’un principe de valeur constitutionnelle réservant au juge administratif la connaissance des actions en annulation et réformation des actes de puissance publique (Conseil constitutionnel 23 janvier 1987). Mais cette compétence réservée connaît des exceptions et possibilités d’aménagement législatives. Il en résulte la compétence de l’autorité judiciaire pour connaître d’un nombre important de litiges administratifs, particulièrement dans le domaine de la responsabilité qui n’est pas constitutionnellement réservé à la juridiction administrative (par ex. protection de la liberté individuelle, service public de la justice judiciaire).
Leçon 3 : Controverses doctrinales autour des fondements de la responsabilité administrative
L’identification des fondements de la responsabilité publique est une question importante sur le plan théorique. Elle participe en effet à l’affirmation de l’autonomie du droit de la responsabilité administrative par rapport au droit privé, qui postule l’existence de fondements propres à la responsabilité publique. On entend par « fondement » dans le cadre de cette leçon uniquement le fondement théorique de la responsabilité, c’est-à-dire le principe explicatif de la responsabilité publique, qui se distingue de ses conditions d’engagement (étudiées dans les leçons 4, 5 et 6). L’étude de la doctrine montre qu’il n’existe pas de consensus sur cette question. Tous les fondements concevables : équité, principe d’égalité devant les charges publiques, faute, dommage anormal, risque (leçon 6), garde (leçon 7), font l’objet de critiques et de questionnements. Certains ne présentent pas d’originalité par rapport au droit privé (équité, faute, risque, garde) et ne contribuent donc pas à asseoir la spécificité du régime de la responsabilité administrative. Aucun d’entre eux ne paraît pouvoir prétendre au rôle de fondement unique de cette responsabilité, bien que certains auteurs tentent de promouvoir à cette place le principe d’égalité devant les charges publiques.
Leçon 4 : Les conditions d'engagement de la responsabilité publique
Pour que soit engagée la responsabilité d’une personne publique, plusieurs conditions doivent être réunies. Ces conditions structurent le schéma de la responsabilité civile, de façon identique en droit administratif et en droit privé. Il s’agit du fait générateur, du préjudice, du lien de causalité et du lien d’imputation. Le fait générateur, fautif ou non, est étudié par les leçons 5 et 6. La condition de l’imputabilité du préjudice à une personne publique, qui n’est pas toujours exigée, fait l’objet de développements dans la leçon 9. La présente leçon porte sur le préjudice et le lien de causalité. Elle précise la distinction entre préjudice et dommage et détaille les caractères que doit présenter un préjudice pour être indemnisable (direct et certain) ainsi que les différents chefs de préjudice reconnus en droit de la responsabilité administrative. Elle s’attache ensuite aux conditions de réparation du préjudice, qui prennent en compte la situation de la victime. L’évaluation du préjudice obéit aussi à des règles précises qui varient selon qu’il s’agit d’une atteinte à la personne ou aux biens. L’appréciation du lien de causalité peut être également délicate. La leçon montre que la jurisprudence administrative recourt à la théorie de la causalité adéquate. Elle précise aussi les causes de rupture ou d’atténuation du lien de causalité, pouvant aboutir à l’exonération de la responsabilité publique : force majeure, faute de la victime, fait du tiers et cas fortuit.
Leçon 5 : Le bouleversement des catégories de la responsabilité pour faute
Cette leçon introduit des notions essentielles intéressant le fait générateur fautif, qui sont propres au droit de la responsabilité publique. Il s’agit d’abord de la distinction entre faute personnelle de l’agent public et faute de service, qui détermine la répartition des compétences entre les deux ordres de juridictions. On envisage ensuite la faute comme condition d’engagement de la responsabilité publique : le droit administratif manifeste ici aussi une spécificité par rapport au droit privé, c’est l’existence d’une gradation dans la notion de faute. Pendant longtemps, une faute lourde était requise pour engager la responsabilité publique du fait de certains services publics (police administrative, services fiscaux, services pénitentiaires, hôpitaux, justice…), tandis qu’une faute simple suffisait dans d’autres cas. Ces distinctions ont subi des évolutions, tendant à rééquilibrer le rapport entre faute personnelle et faute de service, et entre faute simple et faute lourde, cette dernière ayant presque disparu. La leçon 5 présente ces distinctions et vise à expliquer l’origine et les raisons de leurs évolutions.
Leçon 6 : Les progrès de la responsabilité sans faute
La responsabilité fondée sur la faute constitue le droit commun de la responsabilité civile de droit administratif. La responsabilité publique sans faute – responsabilité objective – admise dès 1895 en cas de risque professionnel, apparaît donc comme exceptionnelle. Toutefois, on assiste au développement des régimes de responsabilité sans faute, que ce soit par la volonté du législateur qui multiplie les régimes d’indemnisation (cf. leçon n° 10) ou du juge administratif. Cette leçon développe les deux principaux fondements de la responsabilité sans faute, le risque et la rupture d’égalité des citoyens devant les charges publiques, et leurs applications jurisprudentielles témoignant de leur extension. Concernant le risque, il s’agit principalement des choses, méthodes et situations dangereuses, et du cas des collaborateurs professionnels ou bénévoles du service public. La rupture d’égalité devant les charges publiques conduit à étudier la responsabilité du fait des actes administratifs légaux, du fait des lois et des conventions internationales. La notion de garde, nouveau fondement de la responsabilité sans faute de l’administration, est étudiée dans la leçon n° 7.
Leçon 7 : L'essor d'une responsabilité publique fondée sur la notion civiliste de garde
Alors que la responsabilité publique en l’absence de faute est traditionnellement fondée sur deux fondements, le risque et l’égalité devant les charges publiques (cf. Leçon 6), la jurisprudence administrative admet depuis 2005 une nouvelle hypothèse d’engagement de cette responsabilité, fondée sur la notion de garde. Celle-ci est directement empruntée au code civil. Elle est employée pour unifier le régime de responsabilité du fait des dommages causés par les mineurs, qu’ils soient confiés à la protection judiciaire de la jeunesse ou délinquants. Pour ces derniers, le Conseil d’Etat ne supprime toutefois pas la possibilité pour la victime de se placer sur le fondement du risque créé par l’utilisation de méthodes de rééducation dangereuses. Ce courant jurisprudentiel suscite des interrogations concernant la capacité d’absorption par ce fondement, qui manifeste une tendance extensive, d’autres hypothèses de responsabilité sans faute. Il suscite également l’intérêt sur le plan théorique : la garde est-elle un fondement autonome par rapport au risque et à la rupture d’égalité devant les charges publiques, et dans quelle mesure remet-elle en cause la spécificité du droit de la responsabilité publique ?
Leçon 8 : La responsabilité du fait des services publics industriels et commerciaux
L'arrêt du Tribunal des conflits du 22 janvier 1921, Société commerciale de l’Ouest-Africain, donne naissance à la catégorie des services publics industriels et commerciaux, services publics à gestion privée, soumis comme tels au droit privé, et relevant du juge judiciaire en cas de litige. Il en résulte que, par dérogation au principe selon lequel la responsabilité pour les dommages causés par les services publics relève du droit public (TC 8 févr. 1873, Blanco, cf. Leçon 1), la responsabilité extra-contractuelle des SPIC est soumise pour l’essentiel au droit privé de la responsabilité. Cela concerne les dommages subis par les usagers du SPIC, y compris lorsque ceux-ci subissent un dommage qui pourrait se définir comme un dommage de travaux publics, ou encore ceux du personnel du SPIC et des tiers. Le droit public de la responsabilité, et corrélativement la compétence de la juridiction administrative, ne trouvent à s’appliquer que marginalement : pour connaître des actions en responsabilité dirigées contre l'exploitant d'un SPIC en raison des dommages causés aux tiers par les ouvrages publics qui lui appartiennent, et des actions en réparation des dommages aux tiers causés par la mise en œuvre de prérogatives de puissance publique par l'établissement public ou le service public industriel et commercial. Il en va de même pour la responsabilité du fait d’un acte réglementaire portant sur l’organisation du SPIC.
Leçon 9 : Les régimes législatifs de responsabilité publique
Les régimes législatifs de responsabilité administrative sont extrêmement variés et difficiles à systématiser. Ils traduisent parfois l’expression de la solidarité nationale, grâce à des régimes spéciaux d’indemnisation destinés à réparer les préjudices subis par certaines catégories de victimes qui ne pourraient pas être correctement indemnisées par les mécanismes habituels de responsabilité civile et administrative (victimes de dommages imputables à des rassemblements ou attroupements, d’infractions pénales dont les auteurs sont inconnus ou insolvables, d’actes de terrorisme…). Dans ce cas, l’Etat institue fréquemment des fonds d’indemnisation, chargés d’assurer l’indemnisation des victimes. Il faut distinguer cette logique d’indemnisation du mécanisme de responsabilité proprement dit. Dans cette leçon, sont étudiés certains régimes législatifs de responsabilité publique (responsabilité du service public judiciaire, des enseignants, en raison des dommages causés par les véhicules) et les régimes législatifs d’indemnisation (concernant certains troubles à l’ordre public tels que la responsabilité de l’Etat du fait des attroupements, l’indemnisation de certaines infractions et de certaines atteintes à la santé).