« Bon sang ne saurait mentir » , ce proverbe du XIVème siècle évoque la vérité physiologique offerte par le sang. Le sang est le liquide de vie faisant naître un lien de parenté. Le caractère irréfutable du lien qu'il produit, s'impose parfois comme un élément indispensable au rendu de la justice. Dans le même temps, le droit admet de faire du lien de sang une parfaite fiction. La place accordée au sang au cur des préoccupations juridiques se caractérise par une radicale ambivalence. Il constitue un élément nécessaire d'identification et de transmission de la parenté. Cependant, il ne lui est pas accordé pour autant une préséance à toute épreuve. Finalement, en droit de la famille, l'existence d'un lien de sang est aussi importante que son absence. Bousculé et remis en question par les mutations familiales, sociétales et bioéthiques, repenser ce sujet devient aujourd'hui essentiel. Cette étude s'inscrit dans une optique prospective et vise à proposer à des problématiques nouvelles que le droit ne régit pas encore, des solutions adaptées. Mais elle tend aussi à apporter un angle de vue nouveau à des questions anciennes en pleine métamorphose. Pour comprendre l'importance de ce sujet, il conviendra d'analyser l'ambivalence des considérations liées au sang en droit de la famille et de mettre en lumière les difficultés que cette ambivalence fait naître. Tantôt centrale, tantôt occultée, la place du sang en droit de la famille revêt un aspect nébuleux. Le sang est au cur des préoccupations régies par le Code civil. Son illustration la plus frappante réside dans les règles relatives à la filiation. Ces dispositions sont scindées en deux titres selon qu'il y ait ou non, un don de sang du parent . Cette structure n'est pas le fruit du hasard et démontre l'intérêt porté au lien biologique. Le sang en droit de la famille ne se limite pas à la filiation, il concerne plus largement la question de la parenté. La parenté instituée par le sang relève parfois de considérations pénales. Le lien de sang peut être la cause d'aggravation d'un crime lorsqu'il est commis sur un descendant ou un ascendant. Par exemple, depuis la loi du 21 avril 2021 , le viol incestueux est puni de vingt ans de réclusion criminelle. Le sang est également à l'origine de considérations territoriales liées au droit international privé. Le principe absolu en matière de nationalité, est celui du droit du sang . Le sang ne transmet donc pas seulement un patrimoine génétique, il transmet également un patrimoine culturel et national. C'est souvent par le sang qu'arrive la preuve. Un test sanguin peut apporter la preuve de la parenté. Ce test revêt une telle fiabilité, qu'un refus de s'y soumettre, peut être considéré comme un aveu de parenté. Cependant, le lien de sang ne garantit pas toujours les mêmes effets. Il a longtemps existé une discrimination institutionnalisée de l'enfant adultérin , comme si le lien de sang était altéré lorsqu'il était le résultat d'une relation hors mariage. L'origine de la parenté n'est pas toujours biologique, elle peut résulter de l'alliance, de la reconnaissance ou de l'adoption. Dans ces cas, le lien de sang est simulé. À titre d'illustration, c'est par le droit du sang que l'enfant adopté plénièrement acquiert la nationalité de ses parents adoptifs. Les nouveaux modes de famille offrent également une démonstration parfaite des nouveaux défis auxquels le droit est confronté. À titre d'illustration, les parents ayant recours à une convention de gestation pour autrui peuvent désormais voir établir une double filiation, tant pour le père biologique que pour la mère d'intention . En admettant cela, la Cour de cassation va au-delà des exigences de la Cour européenne des droits de l'Homme , en dépit de la fraude à la loi que produisent ces conventions. S'il n'est pas nouveau que les liens de sang puissent être feints, aujourd'hui plus qu'hier, la parenté s'éloigne de la vérité physiologique. Déjà en 2005, le professeur Jean Hauser évoquait un état civil français « à bout de souffle » . La loi bioéthique de 2021 venue re