Une opinion majoritaire considère que la laïcité, principe constitutionnel, aurait un "champ d'application" strictement limité au droit public. Cette étude se propose de démontrer que le droit privé français subit l'influence du principe constitutionnel de séparation stricte des Églises et de l'État, la laïcité constitutionnelle, en accueillant de façon restrictive le phénomène religieux. Cette restriction est due à l'utilisation d'une "norme de relevance", norme étatique permettant d'introduire, dans le raisonnement du juge, les règles religieuses (pratiques, prescriptions et normes religieuses positives). En France, contrairement à la majorité des États du globe, la norme de relevance est contractuelle : cela signifie que les pratiques, prescriptions et règles religieuses n'acquerront de force obligatoire, dans les litiges de droit privé, que si elles auront préalablement fait l'objet d'une prévision contractuelle entre les parties. De ce cadre contractuel, il résulte une restriction : en pratique, rarement les parties auront pensé à intégrer, en amont de la survenance du litige, leurs croyances dans un contrat. Ce système, qui se vérifie tant dans les relations contractuelles stricto sensu que dans le droit de la famille, révèle un principe général : la seule source de droit légitime est, en France, le droit étatique ; les croyances religieuses ne peuvent qu'exceptionnellement avoir force obligatoire. Le modèle de normalité ainsi promu peut être appelé laïcité dispositive. Parallèlement à ce système, qui admet théoriquement l'incorporation de règles religieuses via la norme de relevance contractuelle, l'ordre juridique français a réservé certaines matières, les soumettant impérativement et exclusivement au droit privé étatique. Ce sont les manifestations de la laïcité impérative. Ainsi présentée, la laïcité en droit privé prend l'apparence d'un système harmonieux. En réalité, il souffre d'un grave défaut de notoriété, qui le met en péril.