Présentation de l’éditeur
Dans l'appréhension de ces choses plongées dans le temps que sont les biens culturels - ensemble des traces des activités humaines qu'une société considère comme essentielles, pour son identité et sa mémoire collective -, le droit met en mouvement différents ordres de relations au temps. Nous évoquons ici et là les marqueurs temporels qui façonnent la règle (le temps des délais, celui de la durée des protections, les mécanismes d'urgence). Mais ce n'est pas tant sous cet angle que nous intéresse la relation entre le temps et le droit.
Le point d'entrée est le suivant : en quoi, sur ce territoire du droit du patrimoine, l'évolution du rapport au passé modèle le rapport au temps présent et questionne d'une façon nouvelle le rapport au futur ? Comment s'opère cette liaison culturelle du passé et de l'avenir ?
Le patrimoine n'est pas seulement à prendre dans le droit comme un objet social. Il est aussi un passage, un certain mode de circulation dans le temps, et l'idée ici est de comprendre dans quels termes le droit saisit ou non ce phénomène de passage. Les actes des présents, en particulier lorsqu'ils en appellent à la justice, sont aussi dans ce plan de projection dans le futur - approche susceptible de renouveler en profondeur un certain nombre des cadres de pensées qui structurent le droit du patrimoine. Le premier a trait à la fabrique du bien culturel. Le second concerne la question centrale et déterminante de la propriété, en particulier la propriété publique. Enfin, ces changements de temporalité dans le rapport au patrimoine ouvrent à la question largement invisibilisée des responsabilités des acteurs publics comme privés.
Sommaire
Introduction : le bien culturel, “chose dans le temps”
Partie I. L’invention du bien culturel : les entre-temps du droit
Chapitre 1. Faire entrer le passé dans le présent
I. Quand vient l’histoire pour le droit ?
II. L’enrôlement des sciences sociales par le droit : de l’histoire-mémoire nationale aux mémoires multiples
III. Le prétoire comme lieu de révélation de la notion d’intérêt d’histoire ou d’art
Chapitre 2. Faire entrer le présent dans le passé
I. Instituer le présent en patrimoine : le cas des archives
II. Investir le patrimoine au présent : le PCI, objet frontière
Partie II. La propriété du bien culturel : quand le droit se joue du temps
Chapitre 1. Le recours aux techniques juridiques d’atemporalité
I. L’invention d’une généalogie : l’enchaînement du domaine public aux domaines de la couronne
II. Les méthodes de rétroaction du droit, retour vers le passé avec les outils du temps présent : l’exemple des archives.
Chapitre 2. De la propriété/gestion à la propriété/conservation
I. Le domaine culturel augmenté
II. La persistance de la propriété-gestion
Chapitre 3. Le patrimoine d’autrui : où le récit se frotte à l’histoire coloniale
I. L’engagement de la question de la restitution à propos des restes humains
II. La restitution des biens culturels du patrimoine d’autrui
III. Les alternatives : la voie du patrimoine partagé
Partie III. La responsabilité du bien culturel : projections dans le futur
Chapitre 1. Les actes qui engagent
I. Le pouvoir d’engager le futur
II. L’acte de patrimonialisation juridique, obligation de faible intensité
Chapitre 2. Le versant de la charge : qui répond de quoi ?
I. Les contours incertains des régimes de responsabilité patrimoniale
II. Les voies d’un réaménagement des responsabilités patrimoniales ?
Éléments de conclusion