Présentation
Érigée en mythe fondateur par l’historiographie républicaine et la doctrine publiciste classique, la Révolution française est souvent présentée comme la matrice de notre tradition politique et constitutionnelle. Or comme l’écrit Marcel Gauchet, si la France contemporaine a retenu et célèbre en elle « l’insurpassable révolution des fondements et des fins de la politique selon les modernes », elle semble cependant en avoir occulté la plupart des réalisations concrètes, jugées trop éphémères, trop utopiques ou encore trop absolues (voire absolutistes) pour coïncider avec les canons du constitutionnalisme libéral. Aussi la mémoire que les juristes publicistes conservent du droit politique révolutionnaire est-elle doublement sélective. D’un point de vue temporel d’abord, puisque l’oeuvre politique et constitutionnelle de la Révolution semble, dans les Facultés de droit, figée dans sa version « libérale » de 89-91, au détriment de son versant « populaire » et républicain de 92-94. D’un point de vue matériel ensuite, dans la mesure où le legs de la Révolution au droit politique français paraît se limiter aux seuls concepts et principes dont le développement ultérieur du constitutionnalisme contemporain a assuré la postérité. À cela s’ajoute le fait que notre connaissance de la période et de son héritage est bien souvent occultée par l’éloignement des sources autant que par les réinterprétations que la doctrine en a opérée à la lumière des enjeux et des conceptions de son temps.
À l’instar de l’entreprise de révision opérée au sein des Facultés de Lettres depuis le Bicentenaire, l’ambition du présent colloque est de contribuer à cet aggiornamento dans l’ordre des connaissances politiques et constitutionnelles. Cette journée propose de réinterroger à nouveaux frais les représentations doctrinales et les concepts du droit politique révolutionnaire. Pour ce faire, il s’agira d’abord de questionner le caractère supposé matriciel la Révolution pour le droit politique contemporain, en examinant le rapport historique que le droit public et surtout sa doctrine entretiennent à la période révolutionnaire, ainsi que la dimension universelle qu’on lui prête. Il s’agira ensuite de lever le voile sur certains concepts et pratiques qu’il importe de redécouvrir, soit parce qu’ils sont peu traités par l’histoire et la théorie constitutionnelles, soit parce que la doctrine ultérieure y a calqué ses propres représentations, de sorte qu’il convient d’en rehistoriciser l’analyse parmi les juristes.
Programme
10h | Première partie. Interroger le caractère matriciel du droit politique révolutionnaire
- Ouverture - Considérations du droit politique révolutionnaire dans l’historiographie constitutionnelle : les équivoques d’un moment inaugural
Jacky Hummel
- La Révolution française vue de l’étranger : le regard nord-américain
Julien Jeanneney
- La Terreur et son droit
Anne Simonin
- Les vertus démocratiques de l’instabilité : un héritage oublié du républicanisme montagnard
Marie Cretin Sombardier
14h30 | Seconde partie. Repenser les concepts classiques du droit politique révolutionnaire
(Présidence : professeur Olivier Beaud)
- Représenter et interpréter la Volonté générale
Denis Baranger
- La notion de constitution
Margaux Bouaziz
- Penser l’État sous la Révolution
Benjamin Lecoq-Pujade
Comité d’organisation : Denis Baranger, Margaux Bouaziz, Thibault Desmoulins, Julien Jeanneney, Benjamin Lecoq-Pujade et Jérémiah Papic.
Journée Jus Politicum, organisée par l’Institut Michel Villey, Univ. Paris-Panthéon-Assas